Au XXème siècle le français de confession protestante se définissait par rapport à son coreligionnaire catholique. Il insistait sur des points de doctrine à savoir que le protestant ne croyait pas en la vierge Marie qui selon lui était morte et attendait la résurrection comme tous les humains. Elle n’a aucun pouvoir. Il en va de même pour les saints. Il y a ni canonisation ni béatification. Tous les humains sont égaux. Il ne reconnait ni l’autorité du pape ni la hiérarchie qui lui est attachée. Le seul chef de l’église est Jésus, le Christ. Il appartient à chaque chrétien de se déterminer à partir de la lecture de la bible et de sa réflexion.
Le protestant n’a pas à suivre des traditions qui participeraient au salut. Il se tient éloigné des pèlerinages et des processions. Il ne connait pas de lieu d’apparition, il n’y a ni lieux ni objets sacrés. Il est responsable de ses positions éthiques dans le domaine de la famille tout particulièrement. L’église n’a pas à lui dicter ce qu’il doit faire. Il accepte le divorce et remarie les divorcés. Si le baptême reste un sacrement il n’est pas obligatoire pour être reçu par Dieu. Il y a des communautés protestantes refusant le baptême des enfants.
Le protestant s’intéressant à la théologie se plait à souligner les cinq « solas » mises en avant par la réforme.
-sola scriptura : La bible est la seule autorité pour toutes les questions relative à la foi et à sa pratique. L’écriture constitue la norme de tout enseignement et doctrines.
-Sola fidé : L’homme n’est pas sauvé par ces œuvres. Il lui suffit d’avoir confiance en Dieu.
-sola gracia : Dieu est amour. L’homme est à la hauteur de cet amour. Par lui nous sommes réconciliés avec nous-même, les autres et Dieu.
-Sola Christus : Pas besoin de se référer aux dires de l’église et à la tradition. Tout est dans les évangiles et les épitres. Le salut passe par le Christ.
-Sola Deo Gloria : Aucun culte ne peut être rendu à un être humain mort ou vivant, un objet, un dogme. Seul dieu possède le caractère sacré divin et absolu.
Nous pourrions y ajouter le sacerdoce universel qui affirme l’égalité de tous les baptisés. Tous les croyants ont une relation directe et personnelle avec Dieu. La prédication n’est pas une ordination. Il n’y a pas de prêtres.
Aujourd’hui les avancées théologiques du coté catholique comme protestant et l’analyse historico-critique des textes bibliques obligent à repenser les positions dogmatiques des uns et des autres. L’œcuménisme, s’il n’a pas réussi à bouleverser les habitudes liturgiques et les modes de proclamation de la foi, s’il y a toujours un fossé entre la nature d’un culte et celle d’une messe, la fraternité entre communautés est devenue le but prioritaire à poursuivre. Enfin l’accord Luthero-catholique de 1999 selon lequel « la personne humaine est pour son salut entièrement dépendante de la grâce salvatrice de Dieu » est une avancée pour la reconnaissance entre église protestantes issues de la Réforme et le catholicisme faisant suite à Vatican II.
Ces changements intervenus au cours de ces vingt-cinq dernières années ne permettent pas d’affirmer aussi clairement que nous en avions l’habitude ce qu’est aujourd’hui un protestant. Par ailleurs toute définition achoppe sur la diversité de ce qui est appelé protestantisme. Les évangélistes soutenant Trump et révoquant le droit à l’avortement peuvent-ils être encore considérés comme protestants ? On retrouve cette diversité au sein du catholicisme. Elles sont moins visibles parce que couvertes par la direction unique de l’église qu’est le Vatican. Le peuple catholique n’est pas plus uni que le « démos » protestant.
Pour retrouver une identité singulière et une place originale, le protestantisme qui, voyant ses effectifs baisser se replie sur lui-même, est appelé à mieux s’insérer dans la société afin de séculariser les valeurs dont il est porteur depuis la Réforme. Elles sont nombreuses et variées. Parmi elles, citons le travail, la rencontre de l’autre, la responsabilité, la formation à la vie sociale, économique, manuelle. Cessons d’épiloguer sur des passages tirés de la bible. Confrontons-les aux réalités vécues. Ne nous perdons pas dans des prières qui sous entendent l’intervention possible d’un « deus ex machina ». Sachons regarder ce qui dysfonctionne sur le plan individuel et collectif pour inventer et créer ce qui sera profitable à tous. Le texte biblique apporte un éclairage. Il n’est pas exclusif. Aujourd’hui une communauté protestante devrait s’attacher à l’enseignement à partir des questions actuelles posées par les nouvelles recherches et l’avancée des sciences. Des groupes de paroles et d’études devraient être ouverts à tous1. Ce n’est pas en s’enfermant dans des explications sans fin sur la trinité, le baptême, l’eucharistie et autres dogmes que le protestantisme sera utile à la société. Par ailleurs, il doit oser dépasser les termes de foi, de grâce, de péché, de salut, de rédemption … et s’emparer du vocabulaire en cours dans la société d’aujourd’hui. Les valeurs véhiculées par ces termes devenus désuets seront reformulées dans des termes et des expressions de tous les jours.
Les chrétiens parlent souvent d’évangélisation dont le but premier est de ramener des gens à leur croyance à travers l’église. Mais qu’est-ce qu’évangéliser si ce n’est de permettre à chacun de se libérer de ce qui l’empêche de vivre libre. N’est-ce pas ce que fait Jésus auprès des malades, des exclus et des souffrants quelle que soit l’origine de leur douleur. Il donne des conseils, envisage ce qui peut se passer en bien ou en moins bien selon l’action mise en œuvre. Il n’entraine jamais vers la synagogue ou vers des actes religieux. Il n’enseigne pas une religion. Osons voir qu’il combat le religieux lorsque celui-ci aliène l’humain et le déconsidère. La liberté retrouvée par ceux auprès de qui il intervient est assimilée à une présence divine. Ils expérimentent Dieu. Ils ne font plus qu’Un avec lui. La personne libérée entre alors dans la joie.
En résumé le protestant n’obéit ni à un chef ni à une institution. Il se détermine en fonction de ce qu’il pense à la suite des connaissances actuelles, de la lecture des écritures, des expériences de la vie et des échanges avec les autres. Ceci demande un maintien en éveil de la conscience. Le protestantisme veut faire de l’humain une personne animé d’un désir de recherche, revenant sans cesse sur la qualité des rapports humains.
1-Aujourd’hui de nombreux livres pourraient être lus et étudiés dans les communautés se réclamant du protestantisme. Ces livres présentent un intérêt pour la société toute entière. Parmi ces livres citons :
-L’humiliation de Olivier Abel chez les liens qui libèrent
-Ci-git l’amer de Cynthia Fleury chez Gallimard
-J’aimerais que vivre tu apprennes de Francine Carrillo chez Labor et Fides
-Sapiens face à Sapiens de Pascal Pic chez Flammarion
-Je pense trop de Christel Petitcollin chez Guy Tredaniel
-…. Et tant d’autres livres.
Ces livres récents répondent à un questionnement actuel. Il sont une porte ouverte vers tant d’autres livres pour mieux comprendre ce qui aujourd’hui est nécessaire pour l’humanité tout entière. La religion protestante est un humanisme qui se nourrit de tout ce que peut produire la pensée humaine et qui va dans le sens d’une vie libérée où le bonheur et la joie deviennent possibles. Le protestantisme devrait être une école de la connaissance et de la rencontre de l’autre, quel qu’il soit. Il a pour objectif de permettre à chacun de se libérer de ce qui l’enchaine. Il travaille pour qu’un consensus soit possible pour ce qui concerne la vie collective.