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24 octobre 2022 1 24 /10 /octobre /2022 11:05

« Laissez-vous toucher »

         Le diocèse catholique de Tours, dans le cadre de sa campagne de communication afin de  promouvoir la prière pour les malades, a choisi pour titre de ses affiches « laissez-vous toucher ». Selon l’église il fallait comprendre « laissez-vous toucher par le message de Dieu ». Dans le contexte actuel où le rapport Sauvé  estimait à 330 000 le nombre de victimes  mineures  de violences sexuelles au sein de l’église  depuis 1950,  la formule « laissez-vous toucher » laisse planer une ambigüité intolérable.

       Nous pourrions rire de cette maladresse qui fait le régal des chansonniers.  Sauf que les victimes vivent très mal cette méprise. Pour eux c’est la preuve que l’église ne prend pas au sérieux  les victimes et les dégâts causés par ces agressions sexuelles. Il semble en effet que  l’église n’ait pas pris la mesure de la gravité des comportements des prêtres pédophiles. Elle  minimise de tels agissements. Il suffit d’écouter des amis catholiques engagés dans leur église pour le constater. Cela surprend parce que ces fidèles sont par ailleurs pleins de bonne volonté, bouleversés par de tels actes.

            Faut-il mettre cette tolérance et ce manque de réaction envers les prêtres coupables sur la place exceptionnelle occupée par  l’église dans l’inconscient du peuple catholique ? Pour le fidèle, l’église ne peut pas se tromper, elle agit donc comme il le faut. En repensant le recrutement du futur prêtre et en indemnisant la victime par une forte somme d’argent, elle est quitte, selon lui, des erreurs commises. Il n’est pas question de repenser les dogmes, la tradition, et encore moins le mariage des prêtres. Persuadée que tout vient de Dieu, l’église catholique, mais avec elle l’ensemble des religions soumises à un Dieu, s’intéresse  peu au fonctionnement de l’humain. Les convictions et l’idéologie sont considérées comme bonnes pour l’humain, elles passent en premier et occultent la réalité vécue par chacun. Dieu s’occupe de tout. Il est responsable de tout ce qui se passe. Telle est en tous cas la représentation de Dieu par le croyant comme par l’incroyant qui se trouve ainsi dans l’obligation de rejeter Dieu et de déclarer qu’il n’existe pas.

            Notons qu’aujourd’hui cette position qui a perduré pendant des siècles est mise à mal par la modernité. L’église, en occident tout au moins, ne semble plus en mesure de répondre à la recherche de paix, de réconciliation et de spiritualité de l’homme moderne. Les églises locales qu’elles soient catholiques ou protestantes, font face à une désertification jamais connue par le passé. Seules s’en sortent celles qui se replient sur un passé ultra conservateur et mettent en avant les actes, les doctrines et les rites religieux. La foi chrétienne saura-t-elle se remettre en question et avec elle, le fonctionnement de l’Eglise ?

 

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17 octobre 2022 1 17 /10 /octobre /2022 09:30

 

            Dans la pensée collective, le mot spiritualité est lié à la religion et à Dieu. Il n’y aurait donc pas de vie spirituelle possible pour l’incroyant et l’athée. L’expérience m’a appris que cette manière de voir les choses est fausse voire néfaste parce qu’elle empêche tout un chacun d’approfondir sa propre spiritualité. Or, je considère aujourd’hui, que celle-ci est la plus haute fonction chez tout humain ayant un esprit. Elle le différencie des autres animaux.  

            Un an  après avoir quitté le centre de postcure où il avait séjourné pendant trois mois, ce curiste nous écrivait que non seulement il s’était débarrassé de son addiction à l’alcool mais encore qu’il avait trouvé la foi bien que ne croyant pas au ciel. Ceci l’étonnait d’autant plus que nous ne parlions pas de Dieu lors des activités disait-il. D’origine catholique, il avait décidé d’aller régulièrement à la messe mais il commençait à se lasser car il n’y retrouvait pas ce qu’il avait connu lorsqu’il était au centre. Déçu,  il nous écrivait à la recherche d’une solution.  

            Par ce témoignage cet homme faisait comprendre d’une part qu’il ne suffit pas de suivre des activités religieuses pour vivre la spiritualité. Beaucoup de ceux qui vont à la messe, au culte, à la synagogue ou à la mosquée n’ont aucune vie spirituelle. Il ne suffit pas d’être prêtre, pasteur, iman, rabbin  pour avoir une vie spirituelle. Inversement des humains sans adhérer à une religion et se disant athées connaissent la spiritualité. Le philosophe André Comte-Sponville1 est de ceux-là.

            La découverte de notre curiste n’était pas à proprement parler la foi, terme à forte consonance religieuse mais la possibilité d’une vie spirituelle. Il a cru qu’il devait s’approcher d’une religion pour la vivre. Pour lui, il était sage de revenir dans la religion où il avait reçu le baptême. Mais quelle est cette spiritualité  découverte par notre ami ? Répondons-y en explicitant ce qui se passait au centre.

            Dans le programme de soin que nous avions élaboré en équipe en relation avec les objectifs de l’association gérant le centre, nous devions amener chaque curiste à se débarrasser de l’alcool autrement que par les médicaments et la volonté trop souvent impuissante devant une addiction bien enracinée dans l’histoire de l’individu. Il s’agissait de solliciter son esprit. Tous les humains normalement constitués ont un esprit. Mais attention. Solliciter l’esprit ce n’est pas l’engager dans une réflexion intellectuelle et encore moins  charger sa mémoire de connaissances nouvelles qu’il faudrait mettre en pratique. C’est laisser advenir au plus profond de soi, les interrogations fondamentales sur les origines, la vie, la mort, l’amour. C’est s’ouvrir sur l’infini, sur l’éternité et sur l’absolu comme le font les enfants dans les premières années de leur vie en demandant d’où ils viennent, pourquoi ils sont nés, où ils vont lorsqu’ils sont confrontés à la mort, est-ce que le ciel est habité…Ces interrogations fondamentales sont abandonnées dès que commencent à poindre le raisonnement, la rationalisation des choses et lorsque sont apportées des réponses illusoires qui bloquent toute pensée et toute recherche. Dans le centre d’alcoologie à travers des groupes de paroles, des films, des poèmes, des contes, des légendes, des jeux de rôles,  nous favorisions l’accueil de ses interrogations. A cela venait s’ajouter un travail sur le corps par des exercices de relaxation, voire de méditation. Un travail dans la nature avec les plantes, les arbres, les animaux où nous cherchions d’être en accord, voire en communion avec  tout ce qui compose cette nature. L’Ardèche ne manque pas de sites variés et extraordinaires. Les promenades et des sorties  dans des lieux exceptionnels telles les grottes, les monts, les lacs, les rivières, les cascades donnaient lieu à des moments de silence, de contemplation et d’étonnement.  

            Toutes ces démarches ont conduit notre curiste et d’autres, à se saisir de sa vie intérieure, celle qui a rapport avec l’absolu (Dieu), l’éternité (la vie) et l’infini (le cosmos). Il a pu ainsi retrouver une harmonie et un équilibre qui lui ont permis de se détacher de l’alcool, des médicaments et de la dépression,  autrement dit de tout ce qui se mettait en place afin que ne se manifeste pas sa vie intérieure. Il lui restait maintenant à trouver comment, avec ou sans  religion, il pouvait maintenir cette paix intérieure qui le guérissait de son addiction et l’installait dans une vie paisible.   

            Pour conclure nous soulignerons l’importance de ne plus associer la spiritualité à la religion pour nous intéresser à l’esprit parce que celui-ci est une puissance qui permet de penser et d’expérimenter. Il nous confronte à l’infini (qui suis-je et quelle place j’occupe dans ce monde) à l’absolu (à la force et au désir qui anime chacun), à l’éternité (l’interrogation sur la vie et sur la mort)  et à nous même (que se passe-t-il au plus profond de mon être ?). Marcher selon l’esprit, c’est vivre au rythme de ce qui nous est donné au fur et à mesure que se déroule la vie, sans se figer dans une identité donnée, toujours prêt pour une nouvelle naissance autrement dit une transformation adéquate. L’esprit permet de ne pas se laisser manipuler par la société et les caprices du moment.

 1 voir son livre «  l’esprit de l’athéisme « Sa conception de Dieu amène l’auteur à déclarer que Dieu n’existe pas. Une approche différente du divin permet d’inclure celui-ci dans la spiritualité sans qu’il soit pour autant nécessaire de s’adonner à une religion.    

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11 octobre 2022 2 11 /10 /octobre /2022 08:37

 

           Dans le Sud-est de la France, le loup attaque régulièrement des moutons. Depuis une trentaine d’années, le loup, le plus souvent en meute, attaquait les troupeaux de moutons en montagne au temps de la  transhumance. Pour échapper au prédateur une partie des troupeaux se jetait du haut d’une falaise. De nombreuses bêtes périssaient ainsi. Des mesures de gardiennage avec des chiens et des enclos plus ou moins bien sécurisés ont permis de limiter ces attaques. Aujourd’hui le loup sévit un peu partout en France. Dans l’est les départements de la Drome, de l’Isère, du Vaucluse, de la  Savoie et des Alpes sont concernées par les attaques du canidé. Il est aperçu régulièrement dans la vallée du Rhône y compris dans des villages et à la périphérie des villes.

            Les causes sont diverses. La première en est le nombre en constante augmentation étant donné que le prélèvement en est réglementé. Le loup conquiert de plus en plus de territoires. Il s’habitue à la présence humaine. Autre cause en est la faim. C’est pourquoi il ne s’attaque pas seulement aux moutons mais aussi aux chevreuils, aux cerfs, et plus récemment aux veaux et aux génisses. Les propriétaires de ces animaux sont indemnisés mais il est clair à les écouter qu’ils préfèreraient garder le troupeau. Voir les animaux, dont ils s’occupent et qu’ils aiment, déchirés sauvagement ne peut que les émouvoir et les mettre en colère.

            Toutefois, il faut se tourner vers les décisions politiques pour cerner la cause principale. Jusqu’au milieu du XXème siècle, il n’y avait pas de loup en liberté en France. L’animal relevait de la légende. Il faisait peur aux enfants qui le cherchaient sous le lit ou dans le placard. Ils devaient se tenir sages pour que le loup ne les mange pas. Puis, les grandes guerres terminées où le combat pour vivre occupait tout le temps, l’homme regardant autour de lui, a pris  conscience  du risque de voir certaines espèces animales disparaitre. Il s’est aussi intéressé à leur souffrance. Ces prises de conscience justes, validées par l’observation de la réalité l’ont amené à prendre des mesures afin de protéger le monde animal. C’est la démesure dans leur application qui pose question aujourd’hui. La prolifération non contenue du canidé en est une.

            La sagesse et la raison voudraient que le loup ait toute sa place dans la nature. Sa place seulement autrement dit qu’il soit accueilli dans des territoires bien définis afin de laisser la place à d’autres animaux. Ceci est d’autant plus important que le loup n’a pas de prédateurs sinon l’homme. Par ailleurs,  comment défendre le loup sans défendre l’agneau. Comment être révolté  par la mort du loup et indifférent à la férocité que subit sa proie? Pourquoi être bouleversé par les bêtes dans l’abattoir et indifférent à l’agneau déchiré vivant par le loup ?  Il y a là une inconséquence qui pose question. Examinons-la.

            Le loup est protégé au-delà du raisonnable. La chose est d’autant plus curieuse que  fables et légendes nous présentent le loup comme puissant, méchant, cruel  et sans pitié. A l’inverse l’agneau est faible, sans défense, affectueux, victime de l’injustice. L’explication se trouve dans la représentation que les humains se font de ces deux bêtes. C’est parce que le loup est fort, puissant, sans pitié que l’humain s’identifie à lui. Celui qui a tort, c’est le faible, celui qui ne sait pas se défendre. Même les chasseurs, dont le port d’un fusil exalte déjà la force et la virilité, ont du mal à tirer sur le loup. Certes, il doit bien y avoir quelques loups tués clandestinement par les propriétaires sensibles à l’injustice faite à leurs moutons et à la cruauté avec laquelle le prédateur dépèce ses proies. Toutefois,  il n’est pas dans la nature d’un berger d’abattre un animal comme le loup, qui bien que cruel, ne manque pas de noblesse dans la manière de se présenter. Notons aussi que la cruauté de l’homme est bien supérieure à celle du loup. Il suffit de regarder ce qui s’est passé  et ce qui se passe encore. Le loup comme toutes les bêtes tuent par instinct, pour se nourrir et pour se reproduire, l’homme tue pour la jouissance du pouvoir, de l’argent…bref, la jouissance  de la mort de l’autre. Il tue l’autre pour s’assurer qu’il est bien vivant.

            Mettons en parallèle le loup et l’agneau avec la guerre et la paix. Les gens du  monde disent  préférer l’agneau et la paix, les mêmes envient le loup et choisissent la guerre pour arriver à leur fin. Le plus fort doit gagner. Le gagnant c’est le plus fort. Le plus faible n’attire qu’un peu de pitié. Le loup aura  de l’avenir tant qu’il y aura des humains sur terre. Il restera leur ami. Quant à l’agneau, il continuera d’être égorgé par le loup et par l’humain pour les régaler dans un repas de victuaille pour le loup et un repas de fête religieuse  pour  l’humain.

           

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7 octobre 2022 5 07 /10 /octobre /2022 09:56

 

            Dans le journal paroissial d’une église locale membre de l’Eglise Protestante Unie de France le pasteur en place définit ainsi ce qu’est un protestant :

            « Le protestant c’est celui qui entretient un lien régulier avec les Ecritures et la prière pour reconnaitre le Christ et en le connaissant, mieux l’aimer, lui et nos semblables en humanité. Deux protestants qui se rassemblent dans ce même mouvement forment alors l’église. C’est aussi simple que cela ».

            Cette formule, juste pour certains, ne peut pas définir ce que sont tous les protestants. Ils sont nombreux - et ma famille était de ceux-là- à lire rarement la bible, à se rendre au culte de manière très épisodique, à ne pas prier ouvertement. Pour autant, ils revendiquent être protestants de par leurs convictions, leur attachement à la laïcité, leur comportement avec eux même, avec les autres et avec la nature. Le Christ est-il leur modèle, l’aiment-ils ? Il est difficile de répondre à cette question. Le bon sens, l’observation de ce qui se passe autour d’eux, l’œil respectueux et, compatissant lorsque c’est nécessaire, suffit à les mettre en route. Ils sont protestants par héritage mais se reconnaissent aussi dans ceux qui ne s’inscrivaient pas dans la lignée du protestantisme. Tous, pour eux, font partie de l’église au sens large.  

            La définition du pasteur est ici une définition religieuse et ecclésiale. Religieuse parce qu’elle met en avant la lecture régulière de la bible, la démarche y devient un rite et le texte lu, bien souvent un dogme. Il en va de même pour la prière et pour la référence au Christ présentées comme fondatrices. Ecclésiale parce qu’elle trace les contours de l’église qui ne peut être autre que le rassemblement de ceux qui appliquent cette démarche. L’église protestante ici décrite est bien visible.

            Il se trouve que de par mes différentes fonctions et les activités que j’ai pu exercer en relation avec l’église ou à l’extérieur, nombreux étaient ceux qui participaient au culte sans se réclamer du protestantisme. Plusieurs ne connaissait pas ce mot. Il y avait des hommes et des femmes qui cherchaient à se débarrasser de leur addiction (alcool ou drogue), des couples en situation de conflit, des femmes battues, des personnes désespérées qui avait trouvé un lieu d’accueil, de vie, d’écoute et de partage, des sortants de prison qui se sentaient enfin pris en considération. Les enfants et les jeunes de la cité participaient à nos colonies de vacances, nos camps d’été, de ski…Il est arrivé que des élèves de troisième du collège public dont j’étais professeur de français, ainsi que des collègues profs, assistent à des activités organisées en relation avec l’église sur des thèmes comme le racisme, la peine de mort, la place de la femme dans la société, la fidélité dans le couple, la relation parents enfants... Les groupes de parole ouverts à tous était des lieux très prisés où chacun pouvait se dire. Des films, des pièces de théâtre et autres activités culturelles de la cité servait de support à des rencontres et des échanges voulus par les uns et les autres. Sans oublier des activités manuelles, artistiques (comme la peinture, la photo, la poterie) ou sportives comme l’activité canoé. Nous les fabriquions nous-même. Dans tous ces groupes, nombreuses étaient les personnes qui n’avaient rien à voir avec le protestantisme. Elles découvraient ce qu’il pouvait être. Lors d’un déménagement certains prenaient contact avec la communauté protestante  du lieu. Ils ne s’y reconnaissaient plus et abandonnaient toute fréquentation.

            Nous n’avions pas de confessions, ni de péchés, ni de foi. Chacun venait pour trouver la place qu’il avait perdue ou qu’il n’avait jamais eu ni dans sa famille, ni à l’école, ni au travail ni parmi les autres, pour devenir lui-même et se retrouver. Chacun venait pour se construire et se reconstruire. Il n’y avait pas de jugement, pas de proclamations intempestives, moralisantes ou exaltantes. Nous essayions de nous tenir le plus proche possible du réel et de la vérité. N’est-ce pas ce que faisait Jésus avec ceux qu’il rencontrait. « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres ? » Luc 7 v 22. Il n’invitait pas les personnes à se rendre à la synagogue et accomplir des rites religieux. Il les libérait de ce qui les enchainait physiquement et spirituellement. Il les invitait à vivre dans la liberté.« Va et ne pèche plus » dit-il à la femme adultère. Il renvoie chacun à sa force et à sa responsabilité. Il ne prêche pas un dieu qui se substituerait à l’humain.

             Il y a plusieurs visions du protestantisme. Je reconnais volontiers  la  particularité de la mienne. Mais le propre du protestantisme n’est-il pas de créer et  d’inventer pour dépasser le statut quo ? Si j’insiste c’est parce que cette vision s’appuie sur des expériences vécues quel que soit le poste occupé (professeur, psychologue, poste en paroisse classique, directeur de centre). L’église n’est pas une entité à part, faite de gens qui croient et s’en tiennent à ce qui a été défini par d’autres au cours des siècles et encore aujourd’hui. Pour moi, l’église reste invisible. Elle est constituée par tous ceux qui se soucient de l’humain, de la planète, du cosmos. Pour tout dire : du réel. Par ceux qui renoncent à la violence et l’appât du gain. Par ceux qui ne s’enferment pas dans une identité définie une fois pour toute mais se laissent modeler par tout ce qu’ils rencontrent (êtres et choses) au cours de leur vie. Par ceux dont le dieu n’est pas figé, personnalisé. Enfin par ceux pour qui la spiritualité n’est pas enfermée dans des attitudes spécifiquement religieuses. Seule la connaissance et le travail de l’esprit  peuvent conduire à cette église invisible qui n’a pas besoin d’être structurée, définie, gouvernée et imposée pour exister. A l’école biblique, les enfants découvrent la bible. Au catéchisme les adolescents  apprennent à penser. Tout ceci va dans le sens de la connaissance et de la formation. Dans le Protestantisme Réformé le chef de l’Église c’est le Christ ressuscité. Or, celui-ci est présent dans le cœur et l’esprit de ceux qui l’accueillent. C’est le sens de la résurrection. Elle nous dit que l’homme dans lequel  vit le Christ  n’est soumis ni aux structures humaines ni à  celles attribuées à un dieu. Sa conscience le guide. Nous sommes ici proches de la démarche de Luther avec son «  sacerdoce universel ». Il ne concernait que l’église. La résurrection concerne l’humanité entière. Elle est une révolution.  Elle met la vie entre les mains de tout un chacun  et pas seulement de quelques-uns qu’ils soient autoproclamés ou élus.  

 Attention : l’église invisible n’est pas un rêve, une utopie. Elle est la prise au sérieux du réel et de la vérité. Ici, le «  faire » se substitue au « croire ». L’église invisible n’est pas faite de « pratiquants une religion » mais « d’agissants dans le monde».

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17 août 2022 3 17 /08 /août /2022 15:51

 

            Selon Montaigne, « philosopher c’est apprendre à mourir ». Il reprenait une pensée de Cicéron, philosophe et homme d’Etat romain du 1er av. J.C pour qui « philosopher ce n’est autre chose que de s’apprêter à la mort ». Essayiste sur l’art de bien mourir, les positions de Montaigne changeront au fur et à mesure qu’il s’approchera de la fin de sa vie. Il passera du stoïcisme le plus rigoureux résumé par la phrase ci-dessus, aux sceptiques pour lesquels nous n’avons aucune connaissance profonde des choses, puis à l’épicurisme comme en témoigne cette phrase qui pourrait figurer dans les écrits d’Epicure : « la mort ne nous concerne ni mort ni vif, vif parce que vous êtes, mort parce que vous n’êtes plus ». Montaigne comme Cicéron endeuillé par la mort de sa fille morte en couche, sont la preuve que notre réaction à la pensée de  la mort varie en fonction de l’âge  et des situations traversées.   

            Penser à la mort lorsque l’on est en bonne santé, c’est refuser qu’elle  nous surprenne et désorganise la vie. Une nécessité si l’on veut donner un sens et un intérêt à celle-ci. Or, notre société de consommation ne pousse pas l’humain à la réflexion. Elle l’entraine à ne pas comprendre pour mieux le manipuler. Etant déjà porté à se contenter du pain et des jeux comme l’écrivait le poète Juvénal, l’humain ne cherche ni la finesse, ni l’intelligence ni la sagesse. Le pain et les jeux passent en premier. Il a bien du mal à rester seul « en repos dans une chambre » comme l’écrit Pascal. Il n’aime pas être face à son destin, son avenir, sa mort.  Il lui faut du bruit et du divertissement. La difficulté vient de ce que ce besoin de repenser la vie pointe son nez lorsque la mort rode autour de nous soit à cause du deuil d’un proche, soit à cause de la maladie et de l’affaiblissement dûs à la vieillesse. La mort rodant autour d’eux, j’ai connu des croyants et des incroyants qui appelaient au secours. Les croyants voulaient en savoir davantage sur la vie après la mort. Les plus férus en connaissances bibliques répétaient les passages de la bible où il est question de la vie et de la mort. Ces passages étaient  pour la plupart tirés des psaumes, des proverbes, de l’ecclésiaste, du livre de Job, des évangiles ou des épitres pauliniennes. Leurs connaissances m’étonnaient souvent. Elles étaient le signe de l’efficacité de l’école biblique et du catéchisme dans les milieux protestants.  C’était un peu plus compliqué pour ceux qui n’avaient jamais fréquenté une église quelle qu’elle soit et qui ne s’étaient jamais interrogés sur la fin de la vie.  Les uns pensaient pouvoir combler une ignorance au sujet de la mort. Ils cherchaient un apaisement. D’autres se révoltaient contre  Dieu auquel, paradoxalement, ils disaient ne pas croire. Le plus souvent ils en voulaient à l’église. Dans leur pensée, il s’agissait de l’église catholique telle qu’ils l’imaginaient à partir de ce qu’ils avaient entendu.

            Ma conclusion est que devant la mort l’émotion l’emporte sur la raison et sur la capacité de penser. Montaigne ne se trompait pas lorsqu’il disait « ce n’est pas la mort que je crains, c’est de mourir ». Il est  important d’apporter le plus d’apaisement possible aux uns et aux autres en suivant leur cheminement et en ouvrant une porte toutes les fois où c’est possible. L’accompagnant ne cherche pas à ramener à la raison. Il ne fait pas de prosélytisme cherchant à ramener aux traditions de l’église ou aux doctrines auxquelles il croit. Il écoute et s’applique à suivre la pensée du  malade.  La peur et la crainte dominent  à ces moments cruciaux.

            Il m’est apparu alors qu’il ne faut pas confondre croyance et pensée. La croyance est traumatisante. Celui qui croit veut en savoir toujours plus tout en mettant en doute ce qu’il pense savoir.  Celui qui ne croit pas aussi. La non croyance n’est qu’une croyance inversée. Contrairement à la croyance, La pensée apaise. Dans la métamorphose d’Ovide, Philémon et Baucis transformés en chêne et tilleul qui croisent leurs branches font rêver lorsque l’on a vécu heureux en couple.  Il peut en être de même pour la résurrection de Jésus, le Christ. Dans ce cas, elle n’est pas une réalité à scruter, un reportage évènementiel. Elle est une poésie qui fait rêver comme le mythe d’Ovide. Cela suffit pour s’endormir, y compris pour s’endormir dans la mort. N’oublions jamais que dans la vie l’expérience du réel peut-être traumatisante. La poésie qu’elle soit dans un paysage, une œuvre d’art, un conte, un mythe ne l’est pas. Au pire elle n’apporte rien. Au mieux elle fait rêver et permet de traverser les passages les plus difficiles.  Et tant pis pour ceux qui voudraient que la résurrection, le surnaturel soient une réalité. L’homme a besoin de rêve pour vivre et avancer. Entrer dans le rêve, se laisser emporter par lui, c’est s’élever vers  un ailleurs que je ne connais pas mais qui m’est déjà familier.      

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4 août 2022 4 04 /08 /août /2022 09:36

 Alcool et culture.

            Deux frères et leur épouse s’étaient associés pour organiser une fête où étaient invités leur famille et des amis proches. Cent vingt personnes se sont ainsi retrouvées dans une salle des fêtes où étaient dressées des  tables allant de six à vingt couverts. Le plus jeune des deux frères, tombé dans l’alcool très jeune,  ne s’alcoolisait plus depuis une vingtaine d’années après avoir suivi une cure de désintoxication.  Sans adhérer à un mouvement d’anciens buveurs, il se rendait parfois pour une visite dans le service où il avait suivi sa seule et unique  cure. Après  deux années de covid où les visites étaient interdites et trois mois avant la fête prévue,  il est retombé dans la dépendance jusqu’à ne plus rentrer chez lui où l’attendait son épouse. Après une nouvelle cure de trois semaines il est  arrivé à renoncer à l’alcool. Abstinent depuis une quarantaine de jours, il a participé à la fête sans prendre d’alcool ni à l’apéritif ni pendant les deux repas du week-end.  

            On aurait pu s’attendre à ce que des membres de sa famille ou des amis proches s’abstiennent d’alcool  avec lui pour témoigner de leur solidarité et afin qu’il ne se sente pas isolé.  Rien de tout cela. Il y avait un choix de boissons alcoolisées ou non lors de l’apéritif. Pour les repas plusieurs vins étaient proposés, rosés, rouges ou blancs. Son frère passait régulièrement de table en table une bouteille de vin à chaque main.  Ceux qui ne prenaient pas de vin ne comptaient pas. Ils pouvaient toujours prendre de l’eau plate ! Ce n’était pas dit. La chose s’imposait.

            Je trouvais cette attitude cruelle pour celui qui luttait afin de s’abstenir de tout alcool, indélicate pour ceux qui, par libre choix, ne buvaient pas d’alcool, condamnés à boire l’eau du robinet. Ayant côtoyé les alcooliques pendant plus de quarante ans dans mes activités professionnelles, je sais que les anciens buveurs ayant surmonté la dépendance n’aiment pas que l’on s’apitoie sur leur sort. Ils supportent mal que l’on se prive d’alcool pour eux. Il est important de reconnaitre leurs  efforts et leur décision.  Toutefois la situation vécue lors de ces fêtes montre clairement que la consommation d’alcool est perçue comme une obligation culturelle. Il n’est pas pensable dans l’opinion qu’il y ait une fête sans alcool. Il n’y a pas de choix possible. C’est boire de l’alcool ou rien. Ne pas en prendre n’est pas normal, c’est s’en priver. Une boisson non alcoolisée ne peut pas être considérée comme une boisson de fête.

            La médecine en faisant de la dépendance à l’alcool une maladie, a permis à de nombreux alcooliques d’éviter le jugement des autres et ne pas être rejetés. Ils ont pu se libérer d’une culpabilité envahissante et sortir de la situation dans laquelle ils s’étaient enfermés. La maladie n’est rien d’autre que la chose dont il faut se débarrasser. Une différence notoire  toutefois : la maladie se traite avec des médicaments ou une intervention sur le corps. La fin de la dépendance est tributaire d’un  choix faisant suite à un désir. La question se pose alors du comment faire naitre ce désir ? La bonne volonté ne suffit pas pour sortir de la dépendance. Un intérêt supérieur est nécessaire. Par ailleurs, la médecine n’intervient  pas sur le fait culturel. L’opinion laisse croire qu’il n’est pas possible d’être inséré dans la culture française sans prendre de l’alcool. Les alcooliers à l’affut de revenus faciles, encouragent cette opinion discréditant ceux qui veulent vivre sans prendre des produits alcoolisés. Les politiques les rejoignent pour des raisons électoralistes.  Le monde devrait savoir que des hommes et des femmes ne consomment pas d’alcool parce qu’ils ont décidé de vivre ainsi sans être contraints ni par la dépendance, ni par la religion mais par une libre décision. Pourquoi ne s’interroge-t-on pas sur ceux qui ont décidé de ne pas prendre du café, du thé ou autre aliment ? Il existe en France une culture autre que celle que voudraient nous imposer les buveurs d’alcool.  La France doit rester le pays des libertés et encourager la diversité.

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21 juillet 2022 4 21 /07 /juillet /2022 12:02

Dieu, l’homme et la nature

            « Ainsi, l’homme en tant qu’il est une partie de la nature, doit suivre les lois de la nature, et c’est là le culte de Dieu ; et aussi longtemps qu’il fait cela, il est heureux. »

            Cette phrase n’est  tirée ni de la Bible, ni du Coran ni d’aucun autre livre religieux. Elle a été écrite au XVII ème siècle par un « marrane» nom donné aux juifs chassés d’Espagne et du Portugal. Né à Amsterdam, la famille  de Spinoza obligée de se convertir au catholicisme avait été accueillie aux Pays Bas (provinces unies) plus tolérants jusqu’à accepter les idées de la Réforme. Fin connaisseur de l’Ancien testament et du Talmud, il aurait pu assurer la fonction de rabbin s’il n’avait pas été exclu violemment  de la communauté juive tel un pestiféré. Un Herem le frappait d’excommunication à vie interdisant tout juif d’avoir un contact avec lui. Il fréquentait des pasteurs et les penseurs adhérents à la Réforme. Il connaissait le Nouveau Testament et s’intéressait tout particulièrement à la personne de Jésus de Nazareth.   

            Les religions ne nous apprennent pas que le « culte de Dieu » consiste à suivre les lois de la nature. Elles placent Dieu tout en haut afin que nous l’adorions et lui obéissions. Les chants, les rites, les traditions, les prières  et la répétition des dogmes  meublent le temps du culte qu’il soit appelé messe, assemblée, cérémonie ou autre.  Rien de tout cela chez Spinoza. Pour lui, le seul culte de Dieu est de suivre les lois de la nature. Sa spiritualité se construit par les seules forces de la raison. Ici l’expression « suivre les lois de la nature » ne signifie pas obéir et s’exécuter comme on le fait pour le décalogue par exemple. Il s’agit de fusionner avec ces lois. Selon Spinoza Dieu est la nature, nous en faisons partie. Le mot nature signifie « de naissance ». Autrement dit, depuis sa naissance, l’humain fait partie de la nature, c’est-à-dire  de Dieu. Il n’y a pas de séparation entre l’homme et la nature. Pas besoin d’un culte pour se rapprocher de Dieu puisqu’il est la vie même. Nous sommes en lui. Dieu n’apparait plus alors comme un être bien identifié mais comme un infini, une substance dans laquelle tout prend vie.

            Lorsque rongé par la maladie, on sent la mort roder autour de soi il est apaisant de se sentir uni à la nature. On est à la fois la fleur que l’on aime sentir, le paysage que l’on contemple, la mer qui vous attire, l’horizon qui vous ouvre un espace infini sans oublier le frère jusqu’ici exécré mais soudain purifié de tout ce qui nous séparait de lui. Le sentiment qui s’impose alors est la certitude que la mort n’est pas une fin.  Elle n’a pas le dernier mot. On  fait partie de la naissance du monde. On est confondu avec lui. Il suffit d’être soi,  de confondre la nature avec sa propre nature. Se poser permet d’entrer dans la contemplation,  dans le sentiment d’être uni à un Tout qu’il soit nommé Dieu ou Nature.  Mais il est vrai que c’est un exercice difficile à ressentir dans le monde d’aujourd’hui. D’une part parce que la pollution et le dérèglement climatique dénaturent ce qui est beau dans la plupart des  territoires, difficile de s’y attacher. D’autre part parce que la société nous invite à nous camper dans une identité bien définie, centrés sur nous-mêmes, sans relation avec tout ce qui constitue le monde. L’individualisme triomphe de l’union nécessaire et vitale. Peut-on alors être heureux dans ces conditions ? Non, nous dit indirectement le texte. Le bonheur c’est de ressentir que nous faisons partie d’un tout. Un même principe de vie anime à la fois l’individu et l’univers.  Là réside le culte de Dieu. Il consiste à s’offrir à ce principe.

            Pour conclure et dire combien Spinoza nous invite à nous rendre compte que la vie est en chacun de nous et qu’elle est reliée à la substance du monde,   je citerai la phrase suivante : « Nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels. » Cela suffira-t-il à nous apprendre à vivre dans le présent sans les peurs du passé comme du futur ? L’angoisse qui nous étreint devant la mort pourra-t-elle s’effacer ?

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12 juillet 2022 2 12 /07 /juillet /2022 13:49

 

            Le but  des religions est de répondre aux interrogations humaines. Elles apparaissent avec les premiers hominidés. Au début il s’agissait d’expliquer le pourquoi des évènements de la nature. Elles apportaient des réponses sur l’origine des éclairs, du tonnerre, des éclipses, des tsunamis, des tremblements de terre  et autres manifestations de la nature. Des divinités, qui n’étaient autres que des projections de ce qu’ils connaissaient d’eux-mêmes, furent rendues responsables.

Sapiens fit très vite le lien entre ces manifestations, les blessures et la mort. La peur s’installa. La mort cessa d’apparaitre comme un déroulement naturel de la vie. Il comprit qu’elle était provoquée. Le pouvoir des divinités imaginées s’étendit alors à l’existence. Elles étaient responsables de la vie. Constatant qu’il ne pouvait y remédier par sa propre force, la préoccupation première de sapiens ne fut pas de mettre un terme à tous ces évènements mortels mais de s’adresser à ces divinités par des rites, des prières, un langage.  La mort, devenue un accident, ne pouvait plus être seulement le terminus obligé de la vie, elle devenait inacceptable Apparut l’existence d’un autre monde et les conditions pour y entrer. Les rites funéraires et les tombeaux devinrent une entrée dans une autre vie.  

 Le monothéisme permit de simplifier les choses. Il vit le jour un peu partout dans le monde et pas seulement en territoire hébreux comme on se plait à le dire. Il s’imposa sous des formes différentes dont la plus répandue était celle d’un Dieu maitre autour duquel gravitaient des divinités soumises. Avec le culte des saints le christianisme comme l’islam reproduisent cette forme de monothéisme. La différence tient à ce que les saints ne sont pas des êtres imaginés mais des personnes ayant existé et devenues saintes de par leur mérite. Ils sont un démenti puissant à la gratuité de la grâce  souvent prêchée par les religions. Ce monothéisme reprit toutes les fonctions accordées aux diverses divinités. Le Dieu monothéiste était utile pour expliquer ce qui se passait dans la nature et parmi les humains.

Il fallut attendre les premières avancées scientifiques  dans des domaines différents pour que soit remises en cause les explications jusques là attribuées au Dieu. Par recoupement, celui-ci ne fut plus envisagé comme une hypothèse sérieuse expliquant l’inexplicable. Si la possibilité d’un monde autre résistait comme en témoignait  la demande d’obsèques religieuses,  les deux guerres mondiales du XX ème siècle avec leurs millions de mort remirent en cause de manière irréversible la possibilité qu’il y ait eut une puissance supérieure régissant le monde et l’activité humaine. Nous en sommes là aujourd’hui. Les églises se vident. Seules résistent les idées religieuses utilisées pour le pouvoir et la domination. Dieu est en panne de témoins le présentant comme une force de paix, de vie et d’harmonie. La recherche  théologique piétine y compris lorsqu’elle se veut au gout du jour. Elle ressasse que Dieu ne peut pas être la représentation qui en est faite depuis des siècles sans oser prendre le chemin qui conduirait à un Dieu qui ne serait pas à l’image de l’homme mais un homme à l’image de Dieu1.  

Seul ce chemin conduirait les hommes à se préoccuper les uns des autres. Il faut être dépourvu de capacité d’analyse de l’histoire passée pour ne pas s’apercevoir qu’une pensée tournée uniquement vers Dieu néglige l’humain au point de le laisser sombrer dans des conflits meurtriers. Les guerres mondiales et aux quatre coins du monde en sont une preuve irréfutable. Aujourd’hui, la tuerie de masse organisée en Ukraine  par l’homme du Kremlin et le patriarche de Moscou  se signant devant des icônes et des objets sacrés, justifiant la tuerie tout en niant la guerre, nous rappelle l’échec de ceux qui croient qu’un Dieu peut éviter la guerre et apporter la paix. L’homme de Nazareth, Jésus dit Le Christ, s’est fortement impliqué en se tournant vers les humains afin qu’ils accèdent mieux et pleinement à leur humanité. Sa prière est l’acte même de la délivrance de tous ceux qu’il rencontre et sont enchainés par la maladie ou leur position sociale. Ce Dieu qu’il appelle père est l’espace dans lequel se meut l’univers et tout ce qu’il contient. Cet espace est un abri pour tous. Bienheureux ceux qui ressentent au plus profond d’eux-mêmes la sécurité, la paix et le bien être apporté par cet espace.  

 

 

1- Genèse I v 27.         

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7 juillet 2022 4 07 /07 /juillet /2022 11:09

 

            Au XXème siècle le français de confession  protestante se définissait par rapport à son coreligionnaire catholique. Il insistait sur des points de doctrine à savoir que le protestant ne croyait pas en la vierge Marie qui selon lui était morte et attendait la résurrection comme tous les humains. Elle n’a aucun pouvoir. Il en va de même pour les saints. Il y a ni canonisation ni béatification.  Tous les humains sont égaux.  Il ne reconnait ni l’autorité du pape ni la hiérarchie qui lui est attachée. Le seul chef de l’église est Jésus, le Christ. Il appartient à chaque chrétien de se déterminer  à partir de la lecture de la bible et de sa réflexion.

            Le protestant n’a pas à suivre des traditions qui participeraient au salut. Il se tient éloigné des pèlerinages et des processions. Il ne connait pas de lieu d’apparition, il n’y a ni lieux ni objets sacrés. Il est responsable de ses positions éthiques dans le domaine de la famille tout particulièrement. L’église n’a pas à lui dicter ce qu’il doit faire.  Il accepte le divorce et remarie les divorcés. Si le baptême reste un sacrement il n’est pas obligatoire pour être reçu par Dieu.  Il y a des communautés protestantes refusant le baptême des enfants.

            Le protestant s’intéressant à la théologie se plait à souligner les cinq « solas » mises en avant par la réforme.

            -sola scriptura : La bible est la seule autorité pour toutes les questions relative à la foi et à sa pratique. L’écriture constitue la norme de tout enseignement et doctrines.

            -Sola fidé : L’homme n’est pas sauvé par ces œuvres. Il lui suffit d’avoir confiance en Dieu.

-sola gracia : Dieu est amour. L’homme est à la hauteur de cet amour. Par lui nous sommes réconciliés avec nous-même, les autres  et Dieu.

-Sola Christus : Pas besoin de se référer aux dires de l’église et à la tradition. Tout est dans les évangiles et les épitres. Le salut passe par le Christ.

-Sola Deo Gloria : Aucun culte ne peut être rendu à un être humain mort ou vivant, un objet, un dogme.  Seul dieu possède le caractère sacré divin et absolu.  

Nous pourrions y ajouter le sacerdoce universel qui affirme l’égalité de tous les baptisés. Tous les croyants ont une relation directe et personnelle avec Dieu.  La prédication n’est pas une ordination. Il n’y a pas de prêtres.

Aujourd’hui les avancées théologiques du coté catholique comme protestant et l’analyse historico-critique des textes bibliques obligent à repenser les positions dogmatiques des uns et des autres. L’œcuménisme, s’il n’a pas réussi à bouleverser les habitudes liturgiques et les modes de proclamation de la foi, s’il y a toujours un fossé entre la nature d’un culte et celle d’une messe, la fraternité entre communautés est devenue le but prioritaire à poursuivre. Enfin  l’accord Luthero-catholique de 1999 selon lequel « la personne humaine est pour son salut entièrement dépendante  de la grâce salvatrice de Dieu » est une avancée  pour la reconnaissance entre église protestantes issues de la Réforme et le catholicisme faisant suite à Vatican II.

Ces changements intervenus au cours de ces vingt-cinq dernières années  ne permettent pas d’affirmer aussi clairement que nous en avions l’habitude ce qu’est aujourd’hui un protestant. Par ailleurs toute définition achoppe sur la diversité de ce qui est appelé protestantisme. Les évangélistes soutenant Trump et révoquant le droit à l’avortement peuvent-ils être encore considérés comme protestants ?  On retrouve cette diversité au sein du catholicisme. Elles sont moins visibles parce que couvertes par la direction unique de l’église qu’est le Vatican. Le peuple catholique n’est pas plus uni que le « démos »  protestant.

Pour retrouver une identité singulière et une place originale, le protestantisme qui, voyant ses effectifs baisser se replie sur lui-même,  est appelé  à mieux s’insérer dans la société afin de séculariser les valeurs dont il est porteur depuis la Réforme. Elles sont nombreuses et variées. Parmi elles, citons le travail, la rencontre de l’autre, la responsabilité, la formation à la vie sociale, économique, manuelle. Cessons d’épiloguer sur des passages tirés de la bible. Confrontons-les aux réalités vécues. Ne nous perdons pas dans des prières qui sous entendent l’intervention possible d’un « deus  ex machina ».  Sachons regarder ce qui dysfonctionne sur le plan individuel et collectif pour inventer et créer ce qui sera profitable à tous. Le texte biblique apporte un éclairage.  Il n’est pas exclusif. Aujourd’hui une communauté protestante devrait s’attacher à l’enseignement à partir des questions actuelles posées par les nouvelles recherches et l’avancée des sciences.  Des groupes de paroles et d’études devraient être ouverts à tous1. Ce n’est pas en s’enfermant dans des explications sans fin sur la trinité, le baptême, l’eucharistie et autres dogmes que le protestantisme sera utile à la société. Par ailleurs, il doit oser dépasser les termes de foi, de grâce, de péché, de salut, de rédemption … et s’emparer du vocabulaire en cours dans la société d’aujourd’hui. Les valeurs véhiculées  par ces termes devenus désuets  seront reformulées dans des termes et des expressions de tous les jours.

Les chrétiens parlent souvent d’évangélisation dont le but premier est de ramener des gens à leur croyance à travers l’église. Mais qu’est-ce qu’évangéliser si ce n’est de permettre à chacun de se libérer de ce qui l’empêche de vivre libre. N’est-ce pas ce que fait Jésus auprès des malades, des exclus et des souffrants quelle que soit l’origine de leur douleur.  Il donne des conseils, envisage ce qui peut se passer en bien ou en moins bien selon l’action mise en œuvre. Il n’entraine jamais vers la synagogue ou  vers des actes religieux. Il n’enseigne pas une religion. Osons voir qu’il combat le religieux lorsque celui-ci aliène l’humain et le déconsidère. La liberté retrouvée par ceux auprès de qui il intervient est assimilée à une présence divine. Ils expérimentent Dieu. Ils ne font plus qu’Un avec lui.  La personne  libérée entre alors dans la joie.  

En résumé le protestant  n’obéit ni à un chef ni à une institution. Il se détermine en fonction de ce qu’il pense à la suite des connaissances actuelles, de la lecture des écritures, des expériences de la vie et des échanges avec les autres.  Ceci demande un maintien en éveil de la conscience. Le protestantisme veut faire de l’humain une personne animé d’un désir de recherche, revenant sans cesse sur la qualité des rapports humains.

1-Aujourd’hui de nombreux livres pourraient être lus et étudiés dans les communautés se réclamant du protestantisme. Ces livres présentent un intérêt pour la société toute entière. Parmi ces livres citons :

-L’humiliation de Olivier Abel chez les liens qui libèrent

-Ci-git l’amer de Cynthia Fleury chez  Gallimard

-J’aimerais que vivre tu apprennes de Francine Carrillo chez Labor et Fides

-Sapiens face à Sapiens de Pascal Pic chez  Flammarion

-Je pense trop de Christel Petitcollin chez Guy Tredaniel

-…. Et tant d’autres livres.

Ces livres récents répondent à un questionnement actuel. Il sont une porte ouverte vers tant d’autres livres  pour mieux comprendre ce qui aujourd’hui est nécessaire pour l’humanité tout entière. La religion protestante est un humanisme qui se nourrit de tout ce que peut produire la pensée humaine et qui va dans le sens d’une vie libérée où le bonheur et la joie deviennent possibles.  Le protestantisme devrait être une école de la connaissance et de la rencontre de l’autre, quel qu’il soit. Il a pour objectif de permettre à chacun de se libérer de ce qui l’enchaine. Il travaille pour qu’un  consensus soit possible pour ce qui concerne la vie collective.

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4 juillet 2022 1 04 /07 /juillet /2022 12:10

Le mot

            Le mot est la plus petite unité composant la phrase. Chaque mot peut-être parlé ou écrit. Les mots ont un ou plusieurs sens. Le sens n’est jamais tout à fait figé. Il évolue dans le temps. Certains mots disparaissent lorsque le contexte dans lequel ils étaient employés n’existe plus. D’autres apparaissent pour exprimer du nouveau. Il est des mots qui semblent ne pas pouvoir disparaitre. Le mot Dieu est un de ceux-là.

            Si la plupart des noms s’écrivent au pluriel tout en gardant le même sens et désignant la même chose, le mot « Dieu » et «dieux » ne peuvent se confondre. Le remplacement d’une minuscule par une majuscule ne suffit pas à  marquer la différence. Les dieux sont des personnages produits par  l’imagination des hommes se trouvant dans tous les coins du monde. Les plus connus chez nous sont les dieux grecs, égyptiens ou hindous. Notre culture ne les ignore pas. Ces dieux sont faits pour répondre à nos interrogations, chasser l’angoisse, calmer notre anxiété, pacifier nos révoltes. Ce sont des dieux ad hoc censés tout expliquer sans pour autant faire avancer la compréhension du monde. Ils seraient un obstacle à la recherche et à la science. Les saints dans l’église catholique romaine ont un rôle identique. La différence vient de ce qu’ils ont existé et non comme on se plait à le dire parce qu’ils obéissent à leur supérieur : Dieu. Les dieux grecs et romains avaient aussi un chef à qui ils devaient obéir : Zeus et Jupiter.

            Le mot « Dieu » exprime un besoin de transcendance. Il ne renvoie pas seulement à une explication du monde qu’elle soit magique ou scientifique.  Il véhicule un besoin d’infini, d’éternité et d’émerveillement. La curiosité pour un au-delà, la proclamation d’un amour sans fin et l’insistance sur la louange traduisent ce besoin. Le mot Dieu ne désigne pas un être proche de nous, pensant et agissant comme nous. Il ne fait pas de l’univers un mystère. Il est la force même de cet univers. Le mot se suffit à lui-même. Il ne se laisse enfermer dans aucune représentation. Il est libre. Il ne peut être imposé à personne. Il est la vie. Quand je dis à celui qui prend le volant « que Dieu soit avec toi » ou à celui qui a des ennuis « que Dieu te bénisse », je ne fais  appel ni à une divinité extérieure, ni à un être tout puissant garant de la vie. Je dis en substance « que la sagesse te guide », « que la vie te saisisse, ne te décourage pas ».  Autrement dit, je n’impute pas la responsabilité à une puissance extérieure appelée Dieu, j’interpelle mon interlocuteur sur sa responsabilité. Il exerce celle-ci au sein même de Dieu qui est le Tout. Ceci dit, il est impossible de dire « Dieu » à celui qui n’est pas prêt à entendre les choses ainsi. Il faut le dire autrement afin que la parole soit efficace à son endroit et ne l’induise pas à croire qu’un dieu préside à sa destinée.

            De tous temps  les humains ont cherché à la fois à imaginer des dieux –ou un dieu- prenant en main leur destin et en même temps à douter de leur puissance. Il en va ainsi encore aujourd’hui. Ces situations se rencontrent dans la bible dont les premiers écrits remontent à trois milles ans avant Jésus-Christ. Les acteurs de l’époque tantôt invoquent un dieu extérieur tantôt se prennent en main. Souvent un mélange des deux.  Il y a deux mille ans un groupe d’hommes et de femmes, de par leurs connaissances, leur intuition et leur expérience ont compris que l’on ne pouvait pas attribuer son destin à une puissance extérieure. Ils se sont tournés vers les humains et ont pensé voir en Jésus de Nazareth l’homme qui comprenait et vivait Dieu autrement. Pour eux, ç‘en était fini d’un Dieu imaginé. En Jésus, pensent-ils,  Dieu était descendu sur terre non pour garder le statut du dieu imaginé mais pour montrer que tout dépendait de l’humain. Dieu s’est anéanti lui-même comme le dira l’apôtre Paul, auteur de nombreuses épitres du Nouveau Testament1. A leurs yeux, il ne peut y avoir de retour en arrière. Dieu ne peut pas retourner dans un ailleurs fruit de l’imagination. Il ne peut pas retrouver le statut que les hommes avaient pris l’habitude de lui donner. Ils ont cru que l’incarnation de Dieu en Jésus et en l’homme en général était définitive. Ils ont cru à la résurrection. Celle-ci s’oppose au retour du Dieu imaginé, maitre de tout. Elle rend à l’homme toute sa place et l’installe définitivement dans son humanité. Elle est la preuve que la vie ne s’arrête pas. Elle n’est pas à espérer : elle est déjà là. La mort n’arrête pas la vie. Mort où est ta victoire² ?  

            On a fait de cette démarche une révélation, une épiphanie selon laquelle Dieu se révèlerait enfin. C’est négliger les capacités humaines dès l’origine. La perception de l’humanisation de Dieu en Jésus- Christ a pris du temps mais elle a toujours été là. Il fallait du temps, beaucoup de temps. L’évènement Jésus n’est pas un miracle. Il est un accomplissement de ce qui avait été commencé depuis toujours. Ce qui était attribué à Dieu, l’humain peut le réaliser maintenant. C’est la bonne nouvelle. L’humain est magnifié.

 

1 : Epitre aux Philippiens Ch. 2 v.7  

2 : Epitre aux Corinthiens Ch. 15 v. 55

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Qui suis-je ?

     Titulaire d'une maitrise de théologie et d'un DESS de psychopathologie clinique, j'ai été amené à exercer plusieurs fonctions  et plus particulièrement la mise en place d'un centre socio- culturo- spirituel protestant puis la direction pendant 12 ans d'un centre de cure pour malades alcoliques. J'y ai découvert l'importance d'apprendre à écouter l'humain dans toutes les dimensions qui le constituent. Aujourd'hui, inscrit au rôle des pasteurs de l' Eglise Réformée de France, j'essaie de mettre des mots sur mes expériences et de conceptualiser mes découvertes.
serge soulie

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