« Laissez-vous toucher »
Le diocèse catholique de Tours, dans le cadre de sa campagne de communication afin de promouvoir la prière pour les malades, a choisi pour titre de ses affiches « laissez-vous toucher ». Selon l’église il fallait comprendre « laissez-vous toucher par le message de Dieu ». Dans le contexte actuel où le rapport Sauvé estimait à 330 000 le nombre de victimes mineures de violences sexuelles au sein de l’église depuis 1950, la formule « laissez-vous toucher » laisse planer une ambigüité intolérable.
Nous pourrions rire de cette maladresse qui fait le régal des chansonniers. Sauf que les victimes vivent très mal cette méprise. Pour eux c’est la preuve que l’église ne prend pas au sérieux les victimes et les dégâts causés par ces agressions sexuelles. Il semble en effet que l’église n’ait pas pris la mesure de la gravité des comportements des prêtres pédophiles. Elle minimise de tels agissements. Il suffit d’écouter des amis catholiques engagés dans leur église pour le constater. Cela surprend parce que ces fidèles sont par ailleurs pleins de bonne volonté, bouleversés par de tels actes.
Faut-il mettre cette tolérance et ce manque de réaction envers les prêtres coupables sur la place exceptionnelle occupée par l’église dans l’inconscient du peuple catholique ? Pour le fidèle, l’église ne peut pas se tromper, elle agit donc comme il le faut. En repensant le recrutement du futur prêtre et en indemnisant la victime par une forte somme d’argent, elle est quitte, selon lui, des erreurs commises. Il n’est pas question de repenser les dogmes, la tradition, et encore moins le mariage des prêtres. Persuadée que tout vient de Dieu, l’église catholique, mais avec elle l’ensemble des religions soumises à un Dieu, s’intéresse peu au fonctionnement de l’humain. Les convictions et l’idéologie sont considérées comme bonnes pour l’humain, elles passent en premier et occultent la réalité vécue par chacun. Dieu s’occupe de tout. Il est responsable de tout ce qui se passe. Telle est en tous cas la représentation de Dieu par le croyant comme par l’incroyant qui se trouve ainsi dans l’obligation de rejeter Dieu et de déclarer qu’il n’existe pas.
Notons qu’aujourd’hui cette position qui a perduré pendant des siècles est mise à mal par la modernité. L’église, en occident tout au moins, ne semble plus en mesure de répondre à la recherche de paix, de réconciliation et de spiritualité de l’homme moderne. Les églises locales qu’elles soient catholiques ou protestantes, font face à une désertification jamais connue par le passé. Seules s’en sortent celles qui se replient sur un passé ultra conservateur et mettent en avant les actes, les doctrines et les rites religieux. La foi chrétienne saura-t-elle se remettre en question et avec elle, le fonctionnement de l’Eglise ?