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17 octobre 2022 1 17 /10 /octobre /2022 09:30

 

            Dans la pensée collective, le mot spiritualité est lié à la religion et à Dieu. Il n’y aurait donc pas de vie spirituelle possible pour l’incroyant et l’athée. L’expérience m’a appris que cette manière de voir les choses est fausse voire néfaste parce qu’elle empêche tout un chacun d’approfondir sa propre spiritualité. Or, je considère aujourd’hui, que celle-ci est la plus haute fonction chez tout humain ayant un esprit. Elle le différencie des autres animaux.  

            Un an  après avoir quitté le centre de postcure où il avait séjourné pendant trois mois, ce curiste nous écrivait que non seulement il s’était débarrassé de son addiction à l’alcool mais encore qu’il avait trouvé la foi bien que ne croyant pas au ciel. Ceci l’étonnait d’autant plus que nous ne parlions pas de Dieu lors des activités disait-il. D’origine catholique, il avait décidé d’aller régulièrement à la messe mais il commençait à se lasser car il n’y retrouvait pas ce qu’il avait connu lorsqu’il était au centre. Déçu,  il nous écrivait à la recherche d’une solution.  

            Par ce témoignage cet homme faisait comprendre d’une part qu’il ne suffit pas de suivre des activités religieuses pour vivre la spiritualité. Beaucoup de ceux qui vont à la messe, au culte, à la synagogue ou à la mosquée n’ont aucune vie spirituelle. Il ne suffit pas d’être prêtre, pasteur, iman, rabbin  pour avoir une vie spirituelle. Inversement des humains sans adhérer à une religion et se disant athées connaissent la spiritualité. Le philosophe André Comte-Sponville1 est de ceux-là.

            La découverte de notre curiste n’était pas à proprement parler la foi, terme à forte consonance religieuse mais la possibilité d’une vie spirituelle. Il a cru qu’il devait s’approcher d’une religion pour la vivre. Pour lui, il était sage de revenir dans la religion où il avait reçu le baptême. Mais quelle est cette spiritualité  découverte par notre ami ? Répondons-y en explicitant ce qui se passait au centre.

            Dans le programme de soin que nous avions élaboré en équipe en relation avec les objectifs de l’association gérant le centre, nous devions amener chaque curiste à se débarrasser de l’alcool autrement que par les médicaments et la volonté trop souvent impuissante devant une addiction bien enracinée dans l’histoire de l’individu. Il s’agissait de solliciter son esprit. Tous les humains normalement constitués ont un esprit. Mais attention. Solliciter l’esprit ce n’est pas l’engager dans une réflexion intellectuelle et encore moins  charger sa mémoire de connaissances nouvelles qu’il faudrait mettre en pratique. C’est laisser advenir au plus profond de soi, les interrogations fondamentales sur les origines, la vie, la mort, l’amour. C’est s’ouvrir sur l’infini, sur l’éternité et sur l’absolu comme le font les enfants dans les premières années de leur vie en demandant d’où ils viennent, pourquoi ils sont nés, où ils vont lorsqu’ils sont confrontés à la mort, est-ce que le ciel est habité…Ces interrogations fondamentales sont abandonnées dès que commencent à poindre le raisonnement, la rationalisation des choses et lorsque sont apportées des réponses illusoires qui bloquent toute pensée et toute recherche. Dans le centre d’alcoologie à travers des groupes de paroles, des films, des poèmes, des contes, des légendes, des jeux de rôles,  nous favorisions l’accueil de ses interrogations. A cela venait s’ajouter un travail sur le corps par des exercices de relaxation, voire de méditation. Un travail dans la nature avec les plantes, les arbres, les animaux où nous cherchions d’être en accord, voire en communion avec  tout ce qui compose cette nature. L’Ardèche ne manque pas de sites variés et extraordinaires. Les promenades et des sorties  dans des lieux exceptionnels telles les grottes, les monts, les lacs, les rivières, les cascades donnaient lieu à des moments de silence, de contemplation et d’étonnement.  

            Toutes ces démarches ont conduit notre curiste et d’autres, à se saisir de sa vie intérieure, celle qui a rapport avec l’absolu (Dieu), l’éternité (la vie) et l’infini (le cosmos). Il a pu ainsi retrouver une harmonie et un équilibre qui lui ont permis de se détacher de l’alcool, des médicaments et de la dépression,  autrement dit de tout ce qui se mettait en place afin que ne se manifeste pas sa vie intérieure. Il lui restait maintenant à trouver comment, avec ou sans  religion, il pouvait maintenir cette paix intérieure qui le guérissait de son addiction et l’installait dans une vie paisible.   

            Pour conclure nous soulignerons l’importance de ne plus associer la spiritualité à la religion pour nous intéresser à l’esprit parce que celui-ci est une puissance qui permet de penser et d’expérimenter. Il nous confronte à l’infini (qui suis-je et quelle place j’occupe dans ce monde) à l’absolu (à la force et au désir qui anime chacun), à l’éternité (l’interrogation sur la vie et sur la mort)  et à nous même (que se passe-t-il au plus profond de mon être ?). Marcher selon l’esprit, c’est vivre au rythme de ce qui nous est donné au fur et à mesure que se déroule la vie, sans se figer dans une identité donnée, toujours prêt pour une nouvelle naissance autrement dit une transformation adéquate. L’esprit permet de ne pas se laisser manipuler par la société et les caprices du moment.

 1 voir son livre «  l’esprit de l’athéisme « Sa conception de Dieu amène l’auteur à déclarer que Dieu n’existe pas. Une approche différente du divin permet d’inclure celui-ci dans la spiritualité sans qu’il soit pour autant nécessaire de s’adonner à une religion.    

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Qui suis-je ?

     Titulaire d'une maitrise de théologie et d'un DESS de psychopathologie clinique, j'ai été amené à exercer plusieurs fonctions  et plus particulièrement la mise en place d'un centre socio- culturo- spirituel protestant puis la direction pendant 12 ans d'un centre de cure pour malades alcoliques. J'y ai découvert l'importance d'apprendre à écouter l'humain dans toutes les dimensions qui le constituent. Aujourd'hui, inscrit au rôle des pasteurs de l' Eglise Réformée de France, j'essaie de mettre des mots sur mes expériences et de conceptualiser mes découvertes.
serge soulie

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