Le mécano et le théologien
A la suite des drames que nous avons vécus avec les attentats terroristes faits au nom de l’islam, se pose la question de l’utilisation par les religions des livres dits sacrés tels la Bible, le Coran , la bagavashita et autres. Leur lecture est sensée apporter la paix et l’amour. L’histoire nous apprend que de nombreux conflits ont été attisés, sinon fomentés par les religions elles-mêmes. C’est encore le cas aujourd’hui. Les conflits et les guerres éclatent y compris au sein d’une même religion. Traiter du rapport des croyants aux textes est un vaste sujet. Telle n’est pas mon ambition ici. Je m’en tiendrai à ce que je connais du protestantisme en prenant un exemple précis.
Je veux parler d’un pasteur aux qualités multiples. Bon orateur, beaucoup d’empathie, soucieux de vérité et d’authenticité à partir de l’observation et des connaissances acquises par l’expérience. Il s’intéresse à l’enseignement pour enfants comme pour jeunes et adultes. Il s’essaie à la poésie créant des textes utilisés pour la liturgie. Il est aussi un bon exégète de l’Ancien comme du Nouveau Testament, maitrisant l’hébreu et le grec. Il a décidé d’écrire un commentaire verset par verset de l’ensemble de la Bible. Le travail est déjà bien avancé. Les quatre premiers livres sont parus sur le Nouveau testament et le pentateuque. Un travail sérieux, remarquable demandant beaucoup de recherches, de lectures et de rencontres. Je reste très respectueux devant ce faramineux projet.
Il n’est pas question ici d’engager un débat avec les idées défendues dans ce commentaire biblique. Elles sont toutes utiles et nécessaires à la pensée théologique qu’on les partage ou pas. Mais alors pourquoi ce rêve récent dans lequel je vois cet ami penché sur le moteur d’une vieille voiture au capot ouvert. La voiture est une DS Citroën, voiture qui faisait rêver lorsque j’étais étudiant. Quelle joie, lorsque faisant de l’auto-stop une pareille berline s’arrêtait ! En position de mécano, notre ami était vêtu d’une combinaison bleue semblable à celle du garagiste du village où j’avais grandi. Il tenait dans ses mains des outils de mécano, pinces, tournevis et autres.
Réveillé, l’esprit conscient prenant le dessus, des éléments du rêve se mirent à correspondre avec ceux de la réalité. La voiture élue prenait la place de la bible appréciée. L’une était en panne, l’autre restait muette. Le garagiste réparateur était le théologien. Chacun s’affairait sur son objet. L’un pour réparer le sien, l’autre pour le rendre parlant. Les deux étaient compétents, brillants et avertis. La voiture, était précieuse. La bible l’était tout autant. L’une et l’autre allait faire la joie de quelques personnes raffinées, non pour leur utilité mais par attachement, à l’esthétique pour les unes, à la pensée pour les autres.
Je pensais alors à ces sermons où dimanche après dimanche le prédicateur s’attache à démonter mot par mot un texte biblique pour, au final, le reconstituer afin qu’il présente bien, comme la voiture. Mais qui allait se servir de cette voiture ? Qui allait trouver ce texte utile ? Je comprends maintenant pourquoi tant de gens me disent que le culte ne leur apporte rien. Plus nombreux encore sont ceux qui se taisent mais ne se déplacent plus le dimanche matin jusqu’à quitter progressivement l’église. Ce n’est pas la compétence du prédicateur ou du mécanicien qui est en cause. C’est le choix de l’outil. Certes, il reste précieux parce qu’il témoigne d’une continuité en dépit du temps qui passe. Mais la voiture de collection s’expose dans une vitrine. La bible dans un musée. Elles ne répondent plus à un besoin quotidien.
Aujourd’hui les voitures ne se réparent plus avec des pinces, des tournevis et quelques clés. Il y faut des mallettes électroniques. La bible ne peut plus se lire comme un livre de recettes à appliquer ou comme un roman pour se distraire. Elle a besoin d’être confrontée au monde actuel pour entrer dans la vie de tous les jours.