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8 septembre 2023 5 08 /09 /septembre /2023 12:13

La mort n’est rien

            Je me suis déjà exprimé sur le fondement principal du christianisme à  savoir  la résurrection du Christ. Considérant que son corps n’est plus dans le tombeau tout en étant vu comme vivant à plusieurs endroits, et me référant à cette nouvelle science qu’est l’approche quantique selon laquelle la matière se transforme en énergie et réciproquement, je concluais que le corps du Christ (la matière) mis dans le tombeau était devenu énergie. Tout un chacun pouvait alors le percevoir pourvu qu’il soit connecté avec l’énergie universelle qui anime toute chose et tout être dans la nature.

            Je voudrais, à travers cet article dire que ce qui arrive à Jésus, le Christ, avec sa mort est aussi ce qui se passe après la mort de tous les humains quels qu’aient été leur comportement et leur croyance pendant la vie. Au moment de la mort, le corps matière devient énergie et se joint à l’énergie universelle. Les anciens disaient que l’esprit retourne à Dieu. La différence vient de ce que dans cette formule l’esprit est indépendant, il est identifié. Il y a le bon et le mauvais esprit. Le mot énergie a l’avantage de laisser entendre qu’elle est universelle, chacun y participe sans jugement, sans discrimination aucune. Autrement dit, dans cette ligne de pensée le mot Dieu désigne cette force persévérant dans tout ce qui existe, et intégrant la totalité du connu comme de l’inconnu. Il est possible alors de dire que Dieu est en nous et que nous sommes en lui. C’est par cette force que nous sommes tous liés et connectés avec l’univers.

            Les religions monothéistes –et peut-être les autres aussi-  considèrent que les morts sont dans une situation d’attente qui se terminera par  l’avènement du royaume de Dieu où chacun sera jugé selon ses mérites. L’histoire nous apprend que cette situation d’attente a conduit les humains au meilleur comme au pire. Les religions ont dicté ce que devaient faire les humains pour accéder à ce royaume. Elles ont prétendu  représenter Dieu sur la terre. Elles lui ont attribué ce qu’elles-mêmes pensaient. Elles ont pu ainsi exercer leur pouvoir sur les êtres humains. Au cours des siècles, des livres ont été déclarés comme étant la  « Parole de Dieu » révélée à des prophètes ou à des saints. Ces livres sont devenus sacrés. Aujourd’hui encore ils sont  importants et méritent d’être connus. Ils nous disent ce que certains ont cru, pensé et expérimenté à un moment donné de leur vie. Ils l’expriment chacun à sa manière. Leur vision et leur témoignage nous aident à organiser notre vie en adéquation avec les  situations actuelles. Ceci ne doit pas pour autant nous écarter de tout autre écrit. Ce n’est plus le texte dit « sacré » qui commande mais l’examen approfondi de ce qui est bon pour l’humain et la vie en général. Seul l’amour reste un absolu. Vivre à la recherche de cet amour, c’est toucher le manteau divin. L’amour n’est pas une obligation. Il est un élan vers l’autre et un désir du divin.

            Cette mise en perspective de la mort et de la résurrection de Jésus avec notre mort, illustre parfaitement combien la mort ne place pas l’humain dans une situation d’attente. La mort et la résurrection sont concomitantes. L’une ne va pas sans l’autre. L’énergie de Vie succède à la matière qu’est le corps. Cette énergie de vie est présente dans l’énergie universelle où sont unis les vivants et les morts.  La mort n’est pas l’anéantissement de la vie. La mort et vie ne s’opposent pas. La mort est l’antithèse de la naissance. Lorsque la mort survient, le  voyage terrestre se termine mais la vie continue sans être réduite à la matière. La totalité de celle-ci, transformée en énergie ou substance  se joint à l’énergie universelle. Jusque-là, du temps de la matière vivante, elle ne l’était que partiellement. Par ce mécanisme nous pouvons dire que les morts cheminent avec les vivants comme le Jésus mort cheminait avec les vivants, autrement dit avec le ressuscité. Il n’y a pas de jugement, personne n’est exclu. La grâce est totale et pour tous. S’il en manquait un, Dieu ne serait ni complet ni infini.  

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13 juin 2023 2 13 /06 /juin /2023 09:35

Incinération/ crémation

            Lors d’une conversation avec des amis en grande peine après avoir  perdu leur fils âgé d’une trentaine d’années nous en sommes venus à échanger sur les nouvelles normes concernant l’homologation des anciens cimetières dans les propriétés privées. La pollution des sols était au premier plan. Connaissant leur conviction au sujet de l’écologie, j’osais leur parler de la crémation. Ceci était d’autant plus évident que quelques jours auparavant un responsable des pompes funèbres me disait prévoir que d’ici une dizaine d’années la crémation deviendrait obligatoire à cause du manque de place dans les cimetières. Ceci me paraissait sensé du point de vue de la pollution. J’y voyais aussi une aide dans le processus du deuil. La crémation devenait alors non seulement une lutte contre la pollution (plus de cimetières privés ou publics) mais plus encore une invitation à repenser la mort.  

            Leur réaction fut immédiate et me surprit. Ils s’opposaient à la crémation. Leur argument était d’une part qu’il fallait laisser une trace pour rappeler l’existence du disparu, d’autre part qu’il fallait pouvoir se recueillir sur la tombe des disparus par respect pour eux, pour ne pas les oublier et entretenir l’amour qu’on leur portait.  Pour avoir accompagné puis présidé de nombreuses cérémonies funèbres, j’avais pu constater qu’effectivement les familles tenaient au tombeau et se rendaient assez souvent au cimetière pour penser à leurs morts et apporter des fleurs. A mes yeux ces habitudes étaient plutôt négatives. J’y vois trois raisons.

-Tout d’abord le cout de l’entretien de la tombe -voire de la construction d’un tombeau- pour des familles en difficultés financières qui consacraient plus d’argent au mort qu’au vivant. Le chagrin et la peine viennent troubler la raison, ils éloignent du réel.

-La visite au cimetière peut devenir une astreinte. J’ai vu des hommes et des femmes qui après la perte de leur conjoint se rendaient  au cimetière tous les jours pendant plusieurs années. J’ai même rencontré une maman qui après avoir perdu sa fille unique  depuis plus de vingt ans se rendait toutes les semaines au cimetière. « Je ne vis que pour ma fille » disait-elle. N’y a-t-il pas là une manière d’entretenir la douleur de la séparation, de s’enfermer dans une vie répétitive, étroite pour renoncer à une vie renouvelée ?

-Enfin, vouloir conserver le corps sinon en l’embaumant, tout au moins en entretenant  et fleurissant la tombe, n’est-ce pas s’enfermer dans l’illusion que ce corps reviendra à la vie telle que le défunt l’a connue.  Une dame de quatre-vingt-dix ans, percluse de rhumatisme, me disait qu’elle voulait bien ressusciter à condition de revenir à l’âge de vingt ans. Pour ceux qui croient à la résurrection, je rappellerai que le tombeau où Jésus avait été déposé était vide. La résurrection du Christ ce n’est ni le corps qui retrouve la vie, ni un retour dans le corps initial lors des apparitions. Le corps aperçu relève de l’imaginaire du croyant. L’apparition ne dure qu’un temps à un moment précis. Jésus ayant remis son esprit entre les mains du divin avant de mourir, cet esprit se manifeste à celui qui veut le voir. La matière corporelle est devenue esprit autrement dit force de vie. L’apparition du Christ n’est pas un évènement, c’est une confession de foi.

Je peux ici faire part de mon expérience. Il y a plus de dix ans maintenant, j’ai perdu ma mère. Elle tenait une grande place dans ma vie puisque ayant perdu mon père lorsque j’avais treize ans, elle nous a élevés seule avec ma sœur et mon frère avec la tendresse d’une mère et l’autorité d’un père. Son décès a été une lourde épreuve avec beaucoup de culpabilité tant je me rendais compte de ce qu’elle avait fait pour ses trois enfants. J’avais un  sentiment d’ingratitude vu ce qu’elle avait fait pour moi afin que je devienne un homme comme elle se plaisait à le dire.

Elle a refusé la crémation et repose aux cotés de notre père, son mari avec qui elle a vécu seulement pendant treize ans. Quinze jours après son décès, je revenais sur sa tombe pour accompagner un de nos fils qui n’avait pu être là lors des obsèques. Quelle déception : je ne retrouvais plus ma mère mais un tas de terre. L’inscription de son nom sur une mini stèle ne changeait rien. De retour chez nous à plus de quatre cent kilomètres je décidais de ne plus revenir au cimetière. J’encadrais  alors trois photos où elle était tantôt avec mon épouse, tantôt avec nos enfants et même ses  petits-enfants. Je plaçais ces photos dans le couloir menant aux chambres afin qu’elles ne soient pas exposées aux yeux de tous mais que je puisse les voir selon mon envie. Très vite je sentis une émotion de joie et de reconnaissance qui montait en moi lorsqu’en passant je regardais, sans m’attarder, les photos. Depuis, avec le temps,  je sens un sourire s’esquisser autour de ma bouche toutes les fois que je regarde. C’est un pur bonheur.

Maman n’est pas au cimetière, elle est là, avec moi. Les photos font vibrer mon  cœur et mon esprit en même temps. Je la porte en moi. Devant la photo, je ne dis plus ma mère, je dis maman. Elle est redevenue la maman qui m’a toujours aimé et que j’aime toujours. Les morts et les vivants nous cheminons ensemble.   

Il y a quelques mois, j’ai eu l’occasion de revenir au pays de mon enfance.  . Je me suis rendu au cimetière. Ce fut une nouvelle déception. Un tas de terre, quelques fleurs, une plaque avec son nom. Mais elle n’était pas là. Je suis vite reparti pour retrouver la joie de l’avoir dans mon cœur et mon esprit. Je continue mon chemin avec elle. Je n’éprouve pas le besoin de revenir au cimetière. Elle n’y est plus. Elle est ressuscitée. C’est l’amour que nous portons à nous-même et aux autres qui ressuscite. L’amour peut tout.  Je souscris à cette remarque  de Peretti  en 1997 : «Il est possible que chacun de nous soit une essence spirituelle continuant et durant au-delà du temps, et occasionnellement incarnée dans un corps humain ».  

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29 novembre 2022 2 29 /11 /novembre /2022 13:40

Le bien portant et le malade.

            Lorsque le bien portant regarde les informations à la télé où sont associées images et paroles il voit ce qu’a été le passé, ce qu’il en est aujourd’hui et ce qu’il en sera demain. Ainsi va la vie de celui qui, en pleine santé se rend actif par son travail et l’organisation de sa vie individuelle et familiale. Il espère des changements touchant tous les domaines dans la société. Il espère des progrès et des améliorations pour tous et partout dans le monde. Les mauvaises nouvelles le stimulent pour promouvoir un changement. Il s’engage et nourrit un espoir qui lui donne envie de vivre. Il ne pense pas qu’il pourrait mourir et qu’ainsi son espérance deviendrait vaine. 

            Le malade atteint d’une maladie incurable et sentant la fin de sa vie approcher bien qu’il puisse y avoir des moments de rémission tel le cancer par exemple, ne peut recevoir l’information comme traitant à la fois du passé, du présent et de l’avenir. L’espérance ne supporte pas la  durée de vie  limitée qu’il imagine. Comment s’intéresser à l’élection du  futur président de la république si les élections ont lieu dans quelques mois voire dans quelques années si je dois disparaitre avant l’évènement. Comment s’intéresser  aux études des enfants et petits-enfants si le malade pense qu’il ne vivra pas jusqu’à la réussite des examens ? Comment être curieux de la fin de la guerre en Ukraine quand on ne sait pas si la fin  de notre vie ne la précèdera pas ? Attendre devient cruel pour le malade s’il croit qu’il ne sera plus de ce monde lorsque la chose arrivera. Il ne pourra retrouver la paix qu’à la condition d’abandonner toute espérance sur le devenir des évènements  présents. Les informations quotidiennes auront moins d’importance pour lui s’il pense n’en jamais connaitre le dénouement. Il désinvestit le monde dans lequel il évolue.   

                Cette situation dans laquelle se trouve le malade se sentant menacé par la mort plus proche de lui, est-elle catastrophique pour autant ? Ne se trouve-t-il pas dans une situation avantageuse qui aurait pu lui assurer, paix, tranquillité et bonheur toute sa vie ? La mort nous guette y compris lorsque l’on est bien portant. Elle se glisse parfois dans nos vies de manière subreptice et violente. La penser pourrait modérer nos passions qui veulent s’approprier le pouvoir sur nos vies  et s’éloigner des droits de la nature. Lorsque nous prenons  la route avec la voiture,  penser à l’accident qui peut tuer,  moi  et les autres, aide à  une conduite responsable et  plus sure. La proximité de la mort nous renvoie aux lois de la nature et nous aide à prendre des décisions adéquates. La sagesse et la raison prennent alors le pas sur toutes nos envies voire nos folies. Nous entrons, alors et déjà, dans l’Eternité. Là est le bonheur. Se dire que la mort fait partie de la vie et qu’elle est le simple accomplissement de la naissance est la solution pour qu’elle ne nous effraie pas. Il faut savoir s’oublier soi-même pour ne pas craindre la mort. Oublier c’est ici renoncer à être moi-même. Le moi  (l’ego) est un leurre, une apparence. C’est vrai, il disparait. Mais lorsque le soleil se couche, il ne met pas fin à la lumière pour autant. Le mort continue à vivre parce qu’il est une modalité de Dieu. Jésus, le Christ n’est pas resté enfermé dans un corps. On a appelé cela la résurrection. Il est partout maintenant.

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23 novembre 2022 3 23 /11 /novembre /2022 09:46

TRAUMATISME

                Il existe des traumatismes physiques dus à l’atteinte d’une partie du corps telles les blessures à la tête. Il y a des traumatismes psychiques qui sont une réaction émotive persistante faisant suite  à un évènement extrêmement éprouvant de la vie. De tels évènements peuvent avoir lieu  dans la vie courante et dans toutes les activités. La psychologue Francine  Shapiro a mis au point une thérapie apparentée à l’hypnose, l’EMDR, après avoir traité les soldats traumatisés lors de la guerre du Vietnam. Personnellement j’ai connu des gendarmes et des policiers perturbés par la violence à laquelle ils avaient dû faire face. Je me souviens de ce pompier d’une trentaine d’années. Il été très perturbé pour avoir décroché sur sa courte carrière, trois pendus. Le plus difficile, disait-il, était qu’ils avaient son âge. Un étudiant en médecine de permanence le weekend à la morgue d’un hôpital, a reçu à la suite d’un accident de la route, la dépouille d’un jeune qu’il avait connu lorsqu’il était lycéen. Il raconte encore combien il a été bouleversé.

            Dans toutes les professions il peut y avoir des évènements traumatisants.  Ces traumatismes se manifestent souvent  longtemps après l’évènement sans que la personne concernée ait pu imaginer qu’elle avait subi un traumatisme.  C’est ce qui m’arrive actuellement.  Je vous raconte :

            Lorsque j’étais en poste comme pasteur dans une église locale, je présidais une trentaine de cérémonies funèbres par an. Elles étaient très différentes les unes des autres selon les situations et les demandes des familles. La plupart avaient lieu au temple avec ou sans cercueil. Dans ce dernier cas l’ensevelissement au cimetière avait lieu avant le culte d’obsèques au temple.  Il arrivait que l’ensevelissement n’ait lieu qu’au cimetière ou au centre de crémation. Les raisons en étaient diverses. Le plus souvent les familles qui ne souhaitaient pas passer par le temple le demandaient parce qu’elles n’étaient pas engagées dans l’église. Parfois elles n’étaient pas protestantes mais s’adressaient à moi parce que, me connaissant, elles savaient qu’ils n’auraient pas droit à des « bondieuseries » comme certains me l’ont dit parfois. Le terme était vexant et des collègues me reprochaient d’accepter de telles situations. Ils y voyaient un mépris de l’église et du pasteur. Il arrivait que de telles demandes me soient  adressées pour des mariages célébrés dans des salles des fêtes, des restaurants, un parc ou grand jardin.  Quelle que soit la nature de la cérémonie j’ai toujours pensé qu’au-delà de la demande qui m’était faite, il y avait une demande de sens de la vie dans laquelle s’inscrit aussi la mort. La vie, c’est naitre et mourir. C’est s’interroger sur le « d’où je viens » et « où je vais ». Accompagner les gens en toutes circonstances, c’est ne pas subordonner cette demande de « sens » à la religion mais aux besoins de la personne. La demande est déjà divine. Pas besoin d’en rajouter.

            Je me suis retrouvé parfois  seul au cimetière devant le cercueil. C’était  le cas lorsqu’un SDF logé par des associations de la ville, décédait et n’était réclamé par personne. Notons toutefois que l’éducateur et des membres de l’association logeant le défunt, étaient là. Lorsqu’il n’y avait personne, je demandais aux  membres des pompes funèbres de rester près du tombeau.   Un, deux parfois  acceptaient. Je disais quelques mots exposant la situation du défunt -lorsque je la connaissais-  et récitais le « Notre Père ». Cela m’a valu des demandes d’entretien sur des problèmes individuels ou familiaux par ceux qui s’étaient approchés du tombeau.  

            Aujourd’hui ces obsèques peuvent paraitre banales et sans intérêt. Il se trouve qu’après plusieurs années  avec cinquante séances de chimio et plusieurs opérations, je sens la mort roder autour de moi. Rien d’original si ce n’est que les moments de ces obsèques s’imposent à mes pensées et me réveillent. Je me vois dans le cercueil partout où le cercueil passait suivant le type d’obsèques. Au temple, dans une salle, au cimetière dans le fond du tombeau, au centre de crémation  dans l’entrée du four crématoire. C’est épouvantable. Voilà des moments qui m’ont traumatisé sans avoir ressenti une forte émotion sur le coup au moment des obsèques. Qui l’eut cru ! Je faisais mon métier. La peur de la mort nous révèle ce qui nous a traumatisés et que nous ignorions. Ce peut être des choses bénignes ou à l’inverse des évènements bouleversants et cruels pour soi ou pour les autres.  

            Il m’arrive de penser, pour le vivre quotidiennement à cause du cancer, que les traumatismes sont dus à nos passions. Elles nous obligent à tout vouloir posséder, à tout maitriser, à ne rien abandonner. Elles sont les ennemis de la raison. Or, sans la raison tout nous bouleverse. Pour le dire familièrement, nous recevons tout en pleine figure. Il y a peut-être une possibilité d’éviter les traumatismes. C’est de se laisser porter par le cours de la vie comme si tout ce qui arrive était une nécessité étant donné les circonstances. Comme la feuille morte qui au gré du vent et après le temps vécu - une année lorsque tout est normal- se laisse emporter et tombe  pour se mêler à la terre qui nourrit l’arbre  sur lequel elle était attachée. Elle ne meurt pas, elle vit autrement. On ne la voit plus. Elle est invisible. Mais elle est toujours là. Les lois de la nature lorsqu’elles s’imposent, il n’y a plus de traumatisme.   

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25 octobre 2022 2 25 /10 /octobre /2022 21:01

 

            A l’école primaire nos étions huit élèves dans une classe unique. Nous étions deux dans le cours que je suivais. Trimestre après trimestre, j’étais toujours second au classement. Pour ma grand-mère j’étais le dernier. Contrariée elle s’écriait : « nous ne ferons de toi ni un médecin ni un avocat ». Ces deux professions étaient pour elle le fleuron de tous les métiers. D’abord parce qu’ils gagnaient bien leur vie au regard du niveau de vie des petits paysans dont elle était, ensuite parce qu’elle avait eu souvent recours au médecin pour son mari atteint d’une maladie chronique  qui l’avait emporté bien trop jeune comme elle se plaisait à le dire ; enfin pour une affaire de famille très grave.  Elle bénissait l’avocat qui selon elle les avait bien défendus. Que ferions-nous, se plaisait- elle à répéter si nous n’avions pas de médecins et d’avocats ? A quoi sa bru, ma mère, répondait par l’expression bien connue dans le milieu paysan : « Si les paysans n’étaient pas des sots, les avocats porteraient des sabots ». La formule avait le mérite d’entretenir le conflit entre la belle- mère et la belle -fille !

            Aujourd’hui je me demande si ces paroles de ma grand-mère ne m’avaient pas conduit, d’une part, à commencer des études de médecine pour la faire mentir, puis à les abandonner dès la première année pour donner raison à ces prédictions devenues des oracles. Quoiqu’il en soit, je constate aujourd’hui que sur nos quatre enfants, un est médecin, l’autre avocat. Les deux autres ont fait des études tout aussi brillantes. Mais pourquoi ce choix de médecin et d’avocat dont je n’étais pas capable selon ma grand-mère ?  J’ai parfois pensé qu’à travers eux je m’étais inconsciemment vengé d’elle. Est-ce toutefois possible puisque par ailleurs j’adorais cette vielle dame, la mère de mon père qui, dirait-on aujourd’hui, était ma nounou ? Que d’agréables  souvenirs me viennent à l’esprit lorsque je pense à ce temps passé avec elle alors qu’elle vaquait, moi accroché à ses jupons, aux besoins de la ferme comme donner à manger aux poules, aux cochons, aux lapins , lever les œufs, cueillir au jardin  les légumes du repas à venir, garder le troupeau de moutons et tant de petites choses comme laver le linge, la vaisselle,  préparer les repas…

            Plus sérieusement, je pense que ces mots  avocats, médecins et sans doute bien d’autres, cheminent en dansant dans la famille jusqu’au moment où ils ont besoin de s’incarner. Ce sont des signifiants qui le moment voulu cherchent à se poser, à prendre corps, à retrouver une signification. Ces deux mots avaient un sens très fort pour ma grand- mère mais aussi pour toutes les générations suivantes. Ils revivaient, sans que nous en soyons conscients, toutes les fois qu’il fallait consulter un médecin  où que nous étions confrontés à une injustice. Ces deux mots, nos enfants ne les ont pas saisis, ils sont venus se poser sur eux. Ils ont éclos. Il en va de même pour nos deux autres enfants. Des mots se sont aussi posés sur eux. Ils ont ainsi pu faire leur choix de vie à partir de ces mots. Il en va ainsi pour chaque humain. Seul change le chemin que poursuit ce mot et la direction que lui donne celui qui l’a reçu pour donner une vie heureuse ou compliquée. Personne n’est tout à fait libre de ses choix mais il peut les exploiter de manière différente.

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11 octobre 2022 2 11 /10 /octobre /2022 08:37

 

           Dans le Sud-est de la France, le loup attaque régulièrement des moutons. Depuis une trentaine d’années, le loup, le plus souvent en meute, attaquait les troupeaux de moutons en montagne au temps de la  transhumance. Pour échapper au prédateur une partie des troupeaux se jetait du haut d’une falaise. De nombreuses bêtes périssaient ainsi. Des mesures de gardiennage avec des chiens et des enclos plus ou moins bien sécurisés ont permis de limiter ces attaques. Aujourd’hui le loup sévit un peu partout en France. Dans l’est les départements de la Drome, de l’Isère, du Vaucluse, de la  Savoie et des Alpes sont concernées par les attaques du canidé. Il est aperçu régulièrement dans la vallée du Rhône y compris dans des villages et à la périphérie des villes.

            Les causes sont diverses. La première en est le nombre en constante augmentation étant donné que le prélèvement en est réglementé. Le loup conquiert de plus en plus de territoires. Il s’habitue à la présence humaine. Autre cause en est la faim. C’est pourquoi il ne s’attaque pas seulement aux moutons mais aussi aux chevreuils, aux cerfs, et plus récemment aux veaux et aux génisses. Les propriétaires de ces animaux sont indemnisés mais il est clair à les écouter qu’ils préfèreraient garder le troupeau. Voir les animaux, dont ils s’occupent et qu’ils aiment, déchirés sauvagement ne peut que les émouvoir et les mettre en colère.

            Toutefois, il faut se tourner vers les décisions politiques pour cerner la cause principale. Jusqu’au milieu du XXème siècle, il n’y avait pas de loup en liberté en France. L’animal relevait de la légende. Il faisait peur aux enfants qui le cherchaient sous le lit ou dans le placard. Ils devaient se tenir sages pour que le loup ne les mange pas. Puis, les grandes guerres terminées où le combat pour vivre occupait tout le temps, l’homme regardant autour de lui, a pris  conscience  du risque de voir certaines espèces animales disparaitre. Il s’est aussi intéressé à leur souffrance. Ces prises de conscience justes, validées par l’observation de la réalité l’ont amené à prendre des mesures afin de protéger le monde animal. C’est la démesure dans leur application qui pose question aujourd’hui. La prolifération non contenue du canidé en est une.

            La sagesse et la raison voudraient que le loup ait toute sa place dans la nature. Sa place seulement autrement dit qu’il soit accueilli dans des territoires bien définis afin de laisser la place à d’autres animaux. Ceci est d’autant plus important que le loup n’a pas de prédateurs sinon l’homme. Par ailleurs,  comment défendre le loup sans défendre l’agneau. Comment être révolté  par la mort du loup et indifférent à la férocité que subit sa proie? Pourquoi être bouleversé par les bêtes dans l’abattoir et indifférent à l’agneau déchiré vivant par le loup ?  Il y a là une inconséquence qui pose question. Examinons-la.

            Le loup est protégé au-delà du raisonnable. La chose est d’autant plus curieuse que  fables et légendes nous présentent le loup comme puissant, méchant, cruel  et sans pitié. A l’inverse l’agneau est faible, sans défense, affectueux, victime de l’injustice. L’explication se trouve dans la représentation que les humains se font de ces deux bêtes. C’est parce que le loup est fort, puissant, sans pitié que l’humain s’identifie à lui. Celui qui a tort, c’est le faible, celui qui ne sait pas se défendre. Même les chasseurs, dont le port d’un fusil exalte déjà la force et la virilité, ont du mal à tirer sur le loup. Certes, il doit bien y avoir quelques loups tués clandestinement par les propriétaires sensibles à l’injustice faite à leurs moutons et à la cruauté avec laquelle le prédateur dépèce ses proies. Toutefois,  il n’est pas dans la nature d’un berger d’abattre un animal comme le loup, qui bien que cruel, ne manque pas de noblesse dans la manière de se présenter. Notons aussi que la cruauté de l’homme est bien supérieure à celle du loup. Il suffit de regarder ce qui s’est passé  et ce qui se passe encore. Le loup comme toutes les bêtes tuent par instinct, pour se nourrir et pour se reproduire, l’homme tue pour la jouissance du pouvoir, de l’argent…bref, la jouissance  de la mort de l’autre. Il tue l’autre pour s’assurer qu’il est bien vivant.

            Mettons en parallèle le loup et l’agneau avec la guerre et la paix. Les gens du  monde disent  préférer l’agneau et la paix, les mêmes envient le loup et choisissent la guerre pour arriver à leur fin. Le plus fort doit gagner. Le gagnant c’est le plus fort. Le plus faible n’attire qu’un peu de pitié. Le loup aura  de l’avenir tant qu’il y aura des humains sur terre. Il restera leur ami. Quant à l’agneau, il continuera d’être égorgé par le loup et par l’humain pour les régaler dans un repas de victuaille pour le loup et un repas de fête religieuse  pour  l’humain.

           

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17 août 2022 3 17 /08 /août /2022 15:51

 

            Selon Montaigne, « philosopher c’est apprendre à mourir ». Il reprenait une pensée de Cicéron, philosophe et homme d’Etat romain du 1er av. J.C pour qui « philosopher ce n’est autre chose que de s’apprêter à la mort ». Essayiste sur l’art de bien mourir, les positions de Montaigne changeront au fur et à mesure qu’il s’approchera de la fin de sa vie. Il passera du stoïcisme le plus rigoureux résumé par la phrase ci-dessus, aux sceptiques pour lesquels nous n’avons aucune connaissance profonde des choses, puis à l’épicurisme comme en témoigne cette phrase qui pourrait figurer dans les écrits d’Epicure : « la mort ne nous concerne ni mort ni vif, vif parce que vous êtes, mort parce que vous n’êtes plus ». Montaigne comme Cicéron endeuillé par la mort de sa fille morte en couche, sont la preuve que notre réaction à la pensée de  la mort varie en fonction de l’âge  et des situations traversées.   

            Penser à la mort lorsque l’on est en bonne santé, c’est refuser qu’elle  nous surprenne et désorganise la vie. Une nécessité si l’on veut donner un sens et un intérêt à celle-ci. Or, notre société de consommation ne pousse pas l’humain à la réflexion. Elle l’entraine à ne pas comprendre pour mieux le manipuler. Etant déjà porté à se contenter du pain et des jeux comme l’écrivait le poète Juvénal, l’humain ne cherche ni la finesse, ni l’intelligence ni la sagesse. Le pain et les jeux passent en premier. Il a bien du mal à rester seul « en repos dans une chambre » comme l’écrit Pascal. Il n’aime pas être face à son destin, son avenir, sa mort.  Il lui faut du bruit et du divertissement. La difficulté vient de ce que ce besoin de repenser la vie pointe son nez lorsque la mort rode autour de nous soit à cause du deuil d’un proche, soit à cause de la maladie et de l’affaiblissement dûs à la vieillesse. La mort rodant autour d’eux, j’ai connu des croyants et des incroyants qui appelaient au secours. Les croyants voulaient en savoir davantage sur la vie après la mort. Les plus férus en connaissances bibliques répétaient les passages de la bible où il est question de la vie et de la mort. Ces passages étaient  pour la plupart tirés des psaumes, des proverbes, de l’ecclésiaste, du livre de Job, des évangiles ou des épitres pauliniennes. Leurs connaissances m’étonnaient souvent. Elles étaient le signe de l’efficacité de l’école biblique et du catéchisme dans les milieux protestants.  C’était un peu plus compliqué pour ceux qui n’avaient jamais fréquenté une église quelle qu’elle soit et qui ne s’étaient jamais interrogés sur la fin de la vie.  Les uns pensaient pouvoir combler une ignorance au sujet de la mort. Ils cherchaient un apaisement. D’autres se révoltaient contre  Dieu auquel, paradoxalement, ils disaient ne pas croire. Le plus souvent ils en voulaient à l’église. Dans leur pensée, il s’agissait de l’église catholique telle qu’ils l’imaginaient à partir de ce qu’ils avaient entendu.

            Ma conclusion est que devant la mort l’émotion l’emporte sur la raison et sur la capacité de penser. Montaigne ne se trompait pas lorsqu’il disait « ce n’est pas la mort que je crains, c’est de mourir ». Il est  important d’apporter le plus d’apaisement possible aux uns et aux autres en suivant leur cheminement et en ouvrant une porte toutes les fois où c’est possible. L’accompagnant ne cherche pas à ramener à la raison. Il ne fait pas de prosélytisme cherchant à ramener aux traditions de l’église ou aux doctrines auxquelles il croit. Il écoute et s’applique à suivre la pensée du  malade.  La peur et la crainte dominent  à ces moments cruciaux.

            Il m’est apparu alors qu’il ne faut pas confondre croyance et pensée. La croyance est traumatisante. Celui qui croit veut en savoir toujours plus tout en mettant en doute ce qu’il pense savoir.  Celui qui ne croit pas aussi. La non croyance n’est qu’une croyance inversée. Contrairement à la croyance, La pensée apaise. Dans la métamorphose d’Ovide, Philémon et Baucis transformés en chêne et tilleul qui croisent leurs branches font rêver lorsque l’on a vécu heureux en couple.  Il peut en être de même pour la résurrection de Jésus, le Christ. Dans ce cas, elle n’est pas une réalité à scruter, un reportage évènementiel. Elle est une poésie qui fait rêver comme le mythe d’Ovide. Cela suffit pour s’endormir, y compris pour s’endormir dans la mort. N’oublions jamais que dans la vie l’expérience du réel peut-être traumatisante. La poésie qu’elle soit dans un paysage, une œuvre d’art, un conte, un mythe ne l’est pas. Au pire elle n’apporte rien. Au mieux elle fait rêver et permet de traverser les passages les plus difficiles.  Et tant pis pour ceux qui voudraient que la résurrection, le surnaturel soient une réalité. L’homme a besoin de rêve pour vivre et avancer. Entrer dans le rêve, se laisser emporter par lui, c’est s’élever vers  un ailleurs que je ne connais pas mais qui m’est déjà familier.      

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6 mai 2022 5 06 /05 /mai /2022 09:29

Comment ça va ?

            « Comment ça va ?» est l’expression de salutation la plus courante dans notre pays. Elle est adressée aux vieux comme aux jeunes, aux malades comme aux biens portants. La formule permet d’entrer en contact avec l’autre. C’est un automatisme, aucune réponse n’est attendue au point qu’un « je te remercie, mais ça ne va pas du tout » étonne l’interlocuteur qui semble regretter d’avoir posé la question. Il faut être  malade ou âgé pour la trouver pertinente.  Il semblerait qu’à la fin du moyen-âge on l’utilisait pour dire « êtes-vous allé à la selle ?» celle-ci étant le signe d’une bonne santé. Certains osent penser qu’adressée aux vieux, elle renvoyait directement à l’odeur de la défécation. A une époque où il était difficile de faire sa toilette par manque total de confort, la vieillesse compliquait les choses ! Ce n’est qu’une hypothèse mais il est vrai que dans certaines maisons de retraites négligées cela ne sent pas toujours la rose. Il m’est arrivé de le signaler auprès de la direction avec toujours les mêmes réponses : « cette personne se salit régulièrement, on manque de personnel ou encre les égouts ne fonctionnent pas bien en ce moment».

            En Occitanie et plus particulièrement dans les montagnes du Tarn où il y a cinquante ans nous parlions tous le patois, autrement dit l’occitan, sauf à l’école où c’était interdit, on ne se saluait pas en disant comment ça va mais « qu’est-ce que tu racontes ?  ». La réponse était  inévitable et très variée. Bien sûr la santé n’était pas oubliée. On osait en parler parce que, comme dit le dicton, quand la santé va, tout va. Nous ne connaissions pas le fameux secret médical. Chacun avait sa tisane à proposer et l’exemple d’un voisin guéri pour enfin améliorer la situation. Le temps était régulièrement cité. Dans un milieu rural où les trois quarts de la population travaillaient la terre la pluie et le soleil étaient des amis invités à tour de rôle. Les prévisions météo n’existaient pas. Le baromètre, que seuls les plus aisés possédaient, était le maitre du temps suivant qu’il montait ou descendait. Heureusement il y avait aussi quelques dictons, toujours en occitan, qui ne pouvaient dire que le vrai. Ils étaient suivis à la lettre et peu importe si le vent tournait, Ils avaient toujours raison. Le travail occupait aussi du temps lors de ces échanges. Les nouvelles techniques, les expériences des uns et des autres venaient enrichir les connaissances de chacun. Une vraie encyclopédie orale. Chacun pouvait se raconter. Les uns parlaient beaucoup d’eux-mêmes et de leurs voisins. Les autres, moins bavards livraient à travers l’exposé de leur occupation, et de leur réflexion les profondeurs de la vie qu’ils menaient.  

            Ce serait faire injure à l’humour que d’oublier qu’il était bien présent dans la réponse à la formule « qu’est-ce que tu racontes aujourd’hui ?». Il tenait une grande place.  Les choix irrationnels et  illogiques de celui-ci ou de celui-là, prêtaient à sourire, à se moquer parfois. Pour autant  pouvaient être enviés tant ils paraissent osés et modernes. On se racontait de belles histoires de chasse où l’animal, à l’image des fables de La Fontaine,  devient un personnage se jouant de l’humain tel ce chasseur fatigué et endormi réveillé par le  lièvre qu’il poursuivait en vain.  Il y avait  l’incartade affective d’un tel ou d’une telle, les hommes et les femmes étant déjà égaux bien avant le féminisme des années soixante-dix. Ici pas de jugement moral, pas même d’ironie. C’eut été trop méchant. Mais des sourires comme pour exprimer de la tendresse au trompeur comme au trompé, au fidèle comme à l’infidèle. Chacun se disait que ce qui arrive aux autres pourrait lui arriver aussi.  L’humour n’empêche pas de préserver l’avenir !

            Pour terminer voici une histoire à se raconter. En occitan elle n’est que plus savoureuse. A ceux qui la voudrait racontée qu’il me le demande. Pour moi, l’occitan est comme le disait le psychanalyste J. Lacan,  ma « lalangue » en un seul mot. Lalangue était la langue de ma grand- mère en particulier et de toute la contrée en général.

            Dans le village trois hommes se rencontrent. Chacun porte un surnom comme une grande partie des habitants de la commune. L’un s’appelle « la Couche » (on dirait aujourd’hui le matelas), l’autre la Puce, le troisième le Poivre. Ces derniers interrogent : alors, qu’est-ce que tu racontes la Couche ? Et celui-ci de répondre : « Je raconte que les Puces se sont mises dans la Couche et qu’il a fallu le Poivre pour les en sortir ». Il fallait y penser ! Le poivre devenu un insecticide puissant. La Couche était un écologiste avant l’heure !

            Au fait, cher lecteur : Qu’est-ce que tu racontes aujourd’hui ? En occitan cette fois : Dé qué countos ? Attention, votre réponse ne doit pas manquer d‘humour pour garder ou acquérir le titre d’occitan !

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23 avril 2022 6 23 /04 /avril /2022 11:36

La mort comme un rêve

         Tous les humains de par le monde ont peur de la mort nous dit-on. Cette crainte serait à l’origine des rites funéraires et témoignerait de l’hominisation de l’espèce humaine commencée il y a plus de sept millions d’années. Les premiers enterrements chez homo sapiens et homo Neandertal dateraient de 100 000 ans. Ils seraient les premiers signaux de l’éveil de la conscience.  Le primate devenu humain aurait conscience de sa mort.

            La mythologie en Grèce, à Rome, en Egypte, en Chine et encore ailleurs, nous apprend que la préoccupation de la mort est bien présente durant le millénaire avant notre ère. Le philosophe grec Epicure, 3ème siècle avant notre ère,  cherche à rassurer ses partisans : « la mort n’est rien pour nous. Quand nous existons la mort n’est pas là. Et lorsque la mort est là nous n’existons plus » écrit le philosophe dans sa lettre à Ménécée. Ceci n’a pas empêché les grecs suivis par les romains, d’imaginer un royaume des morts nommé les Enfers. C’est un lieu souterrain où règne le Dieu Hadès et son épouse la déesse   Perséphone. L’enfer est l’endroit où toutes les âmes sont regroupées pour être jugées. Il se divise en trois parties : les champs Elysées, un endroit très agréable et tranquille. Les champs d’Asphodèle où résident les âmes ni bonnes ni mauvaises, enfin le Tartare où errent les criminels et les bannis. Les âmes sont retenues dans les enfers comme des ombres sans forces. Cet enfer est gardé par un chien à trois têtes, Cerbère. Ce royaume  est séparé du royaume des vivants par un fleuve : le Stix. 

            Le christianisme dans les siècles qui ont suivi la mort du Christ a repris, n’en déplaise à l’église, l’existence et la fonction du royaume d’Hadès. Il est cet autre monde où les humains vont après la mort pour être jugés dans l’attente de la résurrection. L’enfer y est l’équivalent du Tartare, le paradis celui des champs Elysées, le purgatoire celui du champ d’Asphodèle. La différence vient de ce qu’il y a un seul Dieu pour ce monde de l’au-delà et le monde des vivants.  Le salut vient du Christ et de la prière de l’église. Au seizième et dix-septième siècle, la Réforme a voulu simplifier le fonctionnement de ce royaume plaçant chaque chrétien dans l’attente du retour de Christ. Elle n’a pas pour autant supprimer le royaume des morts qui émerge, semble-t-il,  tout naturellement de   l’esprit humain. Pour la plupart des protestants, il n’existe pas un royaume des morts ayant une fonction particulière. L’au-delà n’est autre que le lieu où les morts sont en attente du retour de Christ et de  la résurrection.  Plus rien n’est possible pour eux. Inversement, les souvenirs qu’ils laissent nous marquent et modèlent notre existence.     

            Cette construction d’un autre monde par l’église est plus proche du royaume d’Hadès que du royaume de Dieu prêché par Jésus de Nazareth. En effet si l’on s’en tient aux évangiles, les femmes,  présentes lors de la crucifixion, puis les disciples, constatent le troisième jour que le tombeau est vide. A-t-il seulement jamais été plein ? Combien de temps le corps de Jésus est-il resté dans le tombeau ? Notons d’ ailleurs qu’il n’a jamais eu vraiment le statut de cadavre puisqu’il n’a pas été embaumé comme devaient l’être tous les cadavres selon la tradition. La seule conclusion possible et crédible est qu’il n’y a pas de séjour des morts. On ne peut donc pas y séjourner. Pas besoin de conserver le corps pour vivre. Jésus avait déjà manifesté cette réalité en rendant à la vie Lazare, la fille de Jaïrus ou encore le fils de la veuve de Naim.

            Il y a encore aujourd’hui dans le christianisme cette idée selon laquelle la vie continuera à partir du corps existant. C’est une manière de refuser la finitude. Certains se font cryogéniser dans l’espoir que des avancées scientifiques  permettront de les ressusciter le jour venu.  L’église catholique refusait jusqu’ici la crémation, elle l’autorise aujourd’hui à condition de conserver les cendres dans l’urne. Elles ne doivent pas être répandues. C’est oublier qu’il n’y a pas une seconde vie. Cette idée a été comme l’a montré Feuerbach,  à l’origine d’une négligence extrême de la vie sur terre les uns cherchant à l’exploiter, les autres à la supprimer sans hésitation et sans remord. Elle importe peu puisqu’ il est possible d’en commencer une autre. Les armées peuvent tuer. La guerre peut continuer.

            Aujourd’hui, pour ne pas s’enfermer dans  l’illusion et faire preuve de sagesse, il serait prudent de s’en tenir au premier livre de la bible soit  Genèse chapitre 3 verset 19 : « tu es poussière et tu reviendras poussière ».  Ou encore à la théorie de Démocrite au quatrième siècle av .J.C. pour qui l’âme et le corps sont constitués d’atomes  qui se décomposent au moment de la mort avant d’aller se recomposer avec d’autres atomes dans la matière existante. Ces deux pensées mettent l’accent sur la finitude, évitent l’écueil de l’imagination d’un monde de l’au-delà sans pour autant nuire au rôle symbolique de la résurrection. Celle-ci apparait alors, non comme une seconde vie, mais comme un continuum de la vie  liée à l’univers tout entier, le connu et l’inconnu.

            Ces deux approches de la mort que l’on retrouve par ailleurs dans d’autres mythes, évitent de la craindre tout en nous rendant la liberté qui permet de  s’engager dans des activités dont le but n’est plus de la réparer et de la racheter.  Le mythe grec nous aide à nous départir de cette crainte. Voici ce mythe.

            Philémon et Baucis sont un couple de vieillards phrygiens  qui offrent malgré leur pauvreté, l’hospitalité à Zeus et à son fils Hermès déguisés en mendiants. Jusque-là tous les habitants leur avaient fermé la porte au nez. Pour les récompenser Zeus et son fils accèdent à leur désir de ne pas être séparés par la mort. Ils désiraient mourir ensemble sans que le lien qui les unissait ne soit jamais coupé. Ils sont alors transformés en arbre à leur mort avec la promesse qu’ils demeureraient liés pour l’éternité. Baucis le tilleul et Philémon le chêne lancent leurs branches enlacées vers le ciel. Les oiseux y font leur nid. Le feuillage apporte de l’ombre à ceux qui  fatigués cherchent du repos.

            Outre l’amour conjugal qui est saisissant dans cette fable et que j’ai le bonheur de vivre depuis plus d’un demi-siècle, sa lecture m’a apaisé au moment où, après six années de chimio thérapies j’ai dû être opéré contre toute logique médicale, seulement par la volonté et la bienveillance d’un chirurgien courageux, toujours soucieux de soutenir la vie.  Il n’y avait pas d’autres solutions. La mort rodait. Je ne craignais rien. Philémon et Baucis me faisaient rêver. Mon épouse qui venait tous les jours  à l’hôpital, me tenait la main lorsque je ne pouvais plus parler. Elle attestait que l’amour qui unissait nos deux héros de la légende nous unissait aussi. Je la voyais comme un arbre en fleur et moi à ses côtés. La résurrection et le salut n’étaient pas mes questions. J’avais la certitude que la mort ne nous séparerait pas même si elle advenait.  « Oh mort où est ta victoire. Où est ton aiguillon ? » écrit l’apôtre Paul dans sa lettre aux Corinthiens.  C’était mourir en rêvant à la mort. Rêver la mort ! Voilà ce que nous pourrions apprendre. Il y a une condition : avoir aimé et être aimé toute une vie.     

           

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8 avril 2022 5 08 /04 /avril /2022 17:24

D’un amour à l’autre

            Il est d’usage aujourd’hui de ne considérer l’amour qu’en son commencement et en sa fin. On s’émerveille devant ces femmes ou ces hommes qui peuvent aimer de nombreuses fois toujours avec fougue, passion  et détermination. On scrute la vie de George Sand, divorcée du Baron François Casimir Dudevant, et ses amour prestigieuses, souvent  tumultueuses  avec poètes et  artistes tels Musset, Chopin, Mérimée et bien d’autres encore. Marguerite Duras ou Edith Piaf sont repérées pour leur vie sentimentale. Les hommes sont moins cités dans ce jeu de l’amour. La société patriarcale les considère d’abord comme des reproducteurs avant de les voir comme des passionnés. G. Sand disait qu’elle vivait avec Frédéric Chopin comme une vierge. Après l’union vient  la rupture. Elle serait le signe visible et certain de l’amour.  Les magazines people s’emparent des séparations avec autant de gourmandise qu’ils ne s’étaient emparés de l’union. Cette presse à sensation touche les personnes ressentant un déficit amoureux, incapables de discerner au plus profond d’elles-mêmes les causes de ce ressentiment.

            L’amour ainsi perçu s’étaye sur la théorie du manque. L’objet désiré manquant est aimé par anticipation. « Ah ! Se dit le désirant, comme je serai heureux lorsque j’aurai celui-ci ou celle-là dans mes bras ». Puis, lorsque l’objet convoité est là, l’amour pour lui cesse rapidement. Un nouvel objet est visé. Ainsi procède l’enfant dont le coffre à jouets, rempli à ras bord, cache la dernière poupée offerte par sa mamie désespérée de voir son cadeau abandonné. « Et pourtant, dit-elle, comme tu étais content lorsque je t’ai offert cette poupée ».

            Il arrive aussi qu’un enfant ne se lasse pas de la poupée offerte par sa grand-mère. Dans ce cas, l’objet de son amour n’est pas la poupée mais sa mamie elle-même. La relation entre l’enfant et la grand-mère rend pérenne l’attachement porté au cadeau. L’amour n’est plus passager. Il s’installe. La poupée ne sera plus jamais oubliée et rejetée. Il en va de même au sein des couples lorsqu’une relation vraie, profonde et sincère s’installe entre les deux partenaires. L’autre n’est pas aimé pour ce qu’il apporte, son argent, son art, sa beauté, ses connaissances, sa culture, il est aimé « parce que c’est lui » dirons-nous en plagiant Montaigne. Ici, l’amour ne désigne pas l’appropriation, la saisine d’une personne ni la séparation d’avec celle-ci, il désigne une relation juste,  équilibré, sincère, une relation s’inscrivant dans la durée. L’amour se veut éternel. Ce vouloir le caractérise. Il n’a pas de fin. Il ne s’inscrit ni dans le temporaire, ni dans le mérite et la reconnaissance. Il est joie de par la présence de l’autre. Il ne demande rien. Il s’accomplit au gré des jours qui s’écoulent.

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Qui suis-je ?

     Titulaire d'une maitrise de théologie et d'un DESS de psychopathologie clinique, j'ai été amené à exercer plusieurs fonctions  et plus particulièrement la mise en place d'un centre socio- culturo- spirituel protestant puis la direction pendant 12 ans d'un centre de cure pour malades alcoliques. J'y ai découvert l'importance d'apprendre à écouter l'humain dans toutes les dimensions qui le constituent. Aujourd'hui, inscrit au rôle des pasteurs de l' Eglise Réformée de France, j'essaie de mettre des mots sur mes expériences et de conceptualiser mes découvertes.
serge soulie

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