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25 février 2010 4 25 /02 /février /2010 13:50

      Je passe devant la vitrine d’un magasin. A travers la vitre, au fond de la boutique j’entrevois un homme. Debout, les jambes légèrement écartées, son corps souple et gracieux dans un blouson décontracté jeté sur une chemise claire  se confondant avec la pénombre de la pièce semble être une métaphore de la liberté. Son visage amaigri et blafard éclairé par une lumière  blanche suscite la curiosité.  Il semble attendre, son regard posé aussi loin que possible sur tous ceux qui passent dans la rue. Je décide d’entrer, me dirige vers lui. Surprise. C’est François Mitterrand ! Il n’avait jamais été un proche, je ne lui avais jamais serré la main ni souhaité le rencontrer. Cette fois,  il est bien là, devant moi. Je veux m’excuser, rebrousser chemin. Impossible. Son indifférence est sidérante. Bien que son regard reste fixé sur les passants  de la rue, par delà les grandes vitres de l’entrée,  il semble prêt à m’écouter. Je lui parle et l’informe qu’il est regretté  y compris par ceux qui ne l’ont jamais soutenu. Je lui révèle que ses décisions d’abord contestées, sont désormais acceptées de tous parce que reconnues utiles et indispensables. Toutes ces paroles sortent de ma bouche sans que je puisse les contrôler.  Je dis mais ne pense pas. Il s’avançe vers la sortie. Je le suis tout en continuant à lui parler. Il est libre. Si libre que mes paroles ne  l’atteignent pas. Il est lui-même la parole et ce qu’il entend vient se fondre en lui. Il ne déçoit plus.
 Dehors sa fille vient le rejoindre. Je la reconnais. Elle est la fille du notable de la ville que j’habitais il y a quelques années. Je la connais bien. Le jour des obsèques de son père elle avait lu un texte de Jaurès sur la liberté.  Jaurès était leur maître à penser, à Lui comme au notable. Ils se connaissaient bien.
 Mon rêve avait fait de la fille de l’un, celle de l’autre.  Je veux  encore  rassurer le président sur tout ce qu’il fait de bien. Plus rien ne semble le toucher : il n’est plus président.  Sa fille l’entraine  sans que je m’en aperçoive. Je  me retrouve seul, dans la rue, parmi les passants.


      Je me réveillai. Le rêve me parut stupide. Je n’étais pas plus attaché à ce président qu’à ceux qui l’ont précédé ou suivi. Certes il avait su braver l’interdit des radios libres que craignait le pouvoir de l’époque, plus encore il avait eu la volonté d’imposer la suppression de la peine de mort contre 7O% de la population, prenant le risque de ne pas être réélu pour un second mandat. Mais pourquoi cette vision d'un homme glorifié ? J'étais trahi par mon esprit. Les politiques, je les respecte dans leur fonction, je ne les admire pas. Leurs discours sont en priorité au service de leur réélection et au bénéfice de leurs clans. Ils sont dans l’impossibilité de chercher le bien de tous. Ils se disent dévoués à la cause publique pour mieux assouvir leur soif de pouvoir. Ils se présentent  au service des autres alors qu’ils sont bien mieux payés que la plupart de leurs concitoyens. Il suffit de les écouter trois fois à la lumière des circonstances du moment pour comprendre qu’ils ne sont pas crédibles.

      Fallait-il alors qu’un homme politique soit mort pour que je le reconnaisse ? Peut-être.
Le fantôme de Mitterrand avait ici perdu ses couleurs y compris celles de son parti.  Il n’était plus préoccupé par les prochaines élections. Il n’avait plus besoin de parler pour séduire ou convaincre. Plus besoin de mentir et d’agresser verbalement ses adversaires. Il n’était plus nécessaire qu’il soit rigidement habillé. Pour paraître. Un blouson pour être complet. C’est tout. Les médias n’étaient pas là. Pas de télé. Pas de radio. Pas de presse. Du temps. Rien que du temps.

    Les politiques devraient apprendre à mourir de leur vivant : ils goûteraient à la liberté sans la confisquer aux autres. Ils en deviendraient le symbole. Mais que de chemin à parcourir ! A moins qu’ils ne se décident à  ne faire  qu’un seul mandat par type d’élection. A peine élus, ils éviteraient ainsi de  préparer le mandat suivant .Ils se consacreraient à leur tâche en toute objectivité sans avoir recours à des paroles démagogiques. A moins qu’ils ne renoncent aux avantages considérables (emprunts, retraites, défiscalisation, indemnités en cas de non réélection…)  et qu’ils limitent leur salaire à deux, trois quatre ou cinq fois le SMIG selon leur responsabilité.   A moins qu’ils ne cessent de discréditer leurs adversaires politiques pour  les respecter comme sont respectés les  concurrents dans d’autres domaines tout aussi compétitifs. A moins qu’ils considèrent l’alternance politique comme une bonne santé de la démocratie au lieu de dresser des obstacles de toute sorte pour qu’elle n’ait pas lieu.

    Ce rêve, je ne l’ai pas inventé. J’en avais presque honte parce que le spectre d’un homme politique venait occuper une place inhabituelle. Mais l’inconscient est très large. Ecouter ce qui en émerge peut nous conduire sur des voies nouvelles et inédites. J’ai osé l’écouter et vous le répéter.

                                                                                                 Serge SOULIE.  
 

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Qui suis-je ?

     Titulaire d'une maitrise de théologie et d'un DESS de psychopathologie clinique, j'ai été amené à exercer plusieurs fonctions  et plus particulièrement la mise en place d'un centre socio- culturo- spirituel protestant puis la direction pendant 12 ans d'un centre de cure pour malades alcoliques. J'y ai découvert l'importance d'apprendre à écouter l'humain dans toutes les dimensions qui le constituent. Aujourd'hui, inscrit au rôle des pasteurs de l' Eglise Réformée de France, j'essaie de mettre des mots sur mes expériences et de conceptualiser mes découvertes.
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