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23 janvier 2023 1 23 /01 /janvier /2023 08:31

Protestantisme

            Pendant ces trois derniers siècles le protestantisme s’est nourri de l’opposition au catholicisme. Il ne pouvait pas en être autrement étant donné son origine à savoir le refus de la puissance de l’église catholique sur le plan politique et des dogmes et des croyances qu’elle imposait en décalage avec les découvertes des sciences. A cela s’ajoutaient les conflits souvent sanglants qui entretenaient la haine de part et d’autre. Ce temps de contestation et de confrontation a cessé au milieu du XXème siècle avec la mise en place de l’œcuménisme par les autorités religieuses. Elles ne faisaient que poursuivre la bonne entente, entre paroissiens catholiques et protestants, qui se mettait en place depuis la fin du XIX siècle.

            Les protestants contestent encore cette analyse selon laquelle le protestantisme se définissait par opposition à l’église romaine. Ils ont raison si l’on définit le protestantisme par cette opposition uniquement. En effet les protestants ont apporté une contribution spécifique et moderne à la marche de notre pays. Ils ont grandement participé à la pensée des lumières. Ils ont été les artisans principaux de la laïcité. Ils n’ont pas hésité à céder leurs écoles à l’Etat. Ils ont privilégié le réel au surnaturel. C’est ainsi qu’ils ont abandonné un certain nombre de croyances comme les miracles dus à la vierge et aux saints. Ils ont renoncé aux pèlerinages. Ils ont remis de la rationalité dans des traditions devenues décalées avec la pensée du moment. La raison est devenue la maitresse principale de leur pensée y compris dans la compréhension des textes bibliques qu’ils privilégient sans pour autant oublier de les soumettre à l’analyse historico-critique. Ils s’émancipent de la pensée gréco-romaine en retournant à la pensée juive à travers la lecture l’Ancien Testament.

            Pour autant, la situation actuelle nous montre comment l’œcuménisme, autrement dit l’alliance avec le catholicisme, leur a fait perdre leur personnalité. Ils n’ont plus rien à dire et nombreux sont, ces cinquante dernières années, ceux qui disent que catholiques ou protestants c’est la même chose. Par fraternité peut-être, les protestants se dispensent de pointer la réalité et la vérité. Le scandale de la pédophilie des prêtres et des évêques en est un exemple. Elle n’a donné aucune prise de parole claire et sans équivoque du côté protestant. On aurait aimé entendre que l’autorisation, pour les prêtres et les évêques,  de se marier et de devenir père éviterait 80 % de dérives. Bien sûr il y aura toujours des pédophiles dans tous les milieux quelle que soit leur situation familiale, mais réduire cette monstruosité de 80% serait plus efficace que des dédommagements financiers. Les victimes le disent elles-mêmes. De plus une telle parole de vérité fortifierait la fraternité entre catholiques et protestants. Un vrai débat pourrait avoir lieu. Après plusieurs années d’œcuménisme, il n’est pas certains que chacun, ait découvert chez l’autre les richesses de la vie spirituelle : la méditation et la contemplation coté catholique ; une éthique qui ne soit pas vécue comme une obligation venue de l’extérieur mais librement consentie par amour, avec raison  et avec joie coté protestant. On a vu combien depuis 1945, les droits de l’homme ont permis  Vatican II et l’abandon du soutien aux dictateurs sanguinaires se réclamant de l’église catholique tel le général Franco en Espagne.

            Aujourd’hui la fédération protestante semble plus résolue à défendre des comportements religieux que des actes de libération. Des protestants évangéliques créent des écoles privés qui ne sont plus sous contrat. Les laïques sont souvent traités de « laicards ». Bref, les protestants craignent de perdre leur liberté religieuse. Ils oublient que le protestantisme ne s’est jamais aussi bien porté que lorsqu’il était sinon persécuté, du moins mal accepté. Il était inventif et créatif. Il permettait aux plus déshérités de grimper dans l’échelle sociale.  Il n’était pas enfermé dans des dogmes et des répétitions. Il a oublié que l’on peut vivre sa foi loin de la religion, loin de son église. Il a oublié que ses deux piliers fondamentaux sont la pensée et l’action. Il a oublié que toute personne, animée par l’amour  qui s’efforce à aider les autres à être libre et heureux, n’a besoin d’aucune croyance, aucune église, aucun dogme, aucun rite pour être totalement pieux. Tout ceci peut lui être utile mais ce ne sera pas suffisant pour être vertueux : aimer Dieu et son prochain comme soi-même.     

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14 janvier 2023 6 14 /01 /janvier /2023 10:18

 

                                                                                    Alcoolisme et volonté

 

            Lorsque des femmes et des hommes n’arrivent pas à se débarrasser de leurs passions, l’opinion les juge sévèrement sous le prétexte qu’ils manquent de volonté. C’est  le cas pour les addictions à des produits euphorisants, pour la sexualité accompagnée parfois de violences ou pour des comportements répétitifs. Nous avons souvent entendu ce refrain pour les dépendants aux boissons alcoolisées : « Il n’a aucune volonté ». L’expérience nous a appris que c’était un faux procès. Nous avons vu des hommes et des femmes pleurer devant l’impossibilité de ne plus consommer d’alcool. Ils se le reprochaient vivement et se sentaient coupables devant leur conjoint, leurs enfants, leurs amis et ceux à qui ils avaient promis de ne plus consommer d’alcool. Certains sont allés jusqu’à mettre fin à leur vie même s’il faut être prudent devant l’affirmation d’une telle cause étant donné la complexité des situations créées par l’abus d’alcool.

            Notre expérience après avoir milité pendant plus de cinquante ans à la Croix Bleue, mouvement visant à conduire vers l’abstinence les hommes et les femmes devenus dépendants de l’alcool, et après avoir dirigé pendant douze années un centre de cure pour malades alcooliques, j’ai pu vérifier que l’être humain n’a pas le pouvoir de commander  spontanément à ses passions par la seule force de sa volonté. Il ne dispose pas d’un libre arbitre comme le croyait le philosophe René Descartes et plus près de nous Jean Paul Sartre. C’est une illusion de penser que l’esprit (la pensée) est indépendant de la nature, de ses causes et de ses lois et qu’il est déterminé par elles.

            Pour s’opposer à sa passion, le buveur n’a que la puissance de sa raison. Cela ne veut pas dire qu’il doive se perdre dans des raisonnements inconsidérés mais, animé par l’énergie sans fin de l’amour potentiellement présent dans l’univers, comprendre intuitivement, ce qui se passe en lui. Il découvrira alors que le bonheur recherché  vient de la puissance divine de la VIE agissant toujours et sans fin. Cette force de la vie le mouvement de la Croix Bleue la mentionnait en faisant signer un engagement d’abstinence avec « l’aide de Dieu ». La formule a été supprimée. Elle était maladroite. Elle faisait de Dieu une assistante de vie pour la personne âgée. Ou, pire encore, un grand manitou gérant la vie des humains selon ses caprices. Mais, la formule portait en elle quelque chose de  juste parce qu’elle invitait à vivre au plus profond de la Vie, là où celle-ci se pare d’un caractère divin. Le divin ne se rencontre pas seulement  dans la religion. Il fait partie de la vie. Ce terme désigne la puissance infinie et éternelle de la vie. Qu’il y est un Dieu qui puisse aider est une croyance personnelle qui ne peut être partagée par tous. Que la vie ait rencontré l’essence  divine, cela s’observe : la joie, la liberté et le bonheur de vivre en témoignent.

            J’ai reçu, plus d’un an après son séjour dans le centre de cure une lettre où l’ancien curiste me disait qu’il ne prenait plus d’alcool, qu’il était joyeux qu’il avait rencontré au Centre de Cure la vie divine. Il ajoutait surpris: « et cependant vous ne nous parliez jamais de Dieu ». Il était déçu parce qu’il ne retrouvait pas cette vie divine dans l’église de son village où il se rendait à la messe. Et oui ! Le divin n’est pas accessible uniquement par le religieux. La raison nous le fait rencontrer partout. Tout particulièrement dans la contemplation de la nature, du beau et dans la relation à l’autre. C’est alors que commence une vie heureuse et joyeuse.  

 

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10 janvier 2023 2 10 /01 /janvier /2023 19:06

Le divin contesté

            Nombreux sont aujourd’hui les français qui se détournent de la religion. Parmi les trois monothéismes, le christianisme est le plus affecté. Toutes les dénominations sont touchées à l’exception des mouvements traditionnalistes les plus radicaux  chez les catholiques comme chez les protestants et les évangéliques. Au-delà même de l’adhésion à la religion c’est la conception de Dieu qui est en cause. Cette conception est mise en avant depuis près de deux mille ans, par le monothéisme. Elle est retenue par le grand public qui accepte ou rejette cette conception sans s’interroger sur sa pertinence.

            L’incroyant pour rejeter Dieu utilise deux mots clés. Le mot athéisme est employé par celui pour qui il n’y a pas de Dieu. Il est dans un négativisme total. Il est sûr de son affirmation. Sa pensée est bloquée. Il ne peut pas y avoir de nuances. Le mot agnostique est employé par ceux qui prennent soin de ne pas choquer leur interlocuteur. Par ailleurs ils ne se mouillent pas. En se cachant derrière le « je ne sais pas », ils laissent la possibilité d’un retour de Dieu. L’ignorance les excusera le moment venu. Ils auront droit au pardon !  Il y a chez eux quelque chose de l’ordre  de la superstition.

            Les théologiens, catholiques comme protestants, se voulant acquis à la modernité et conscients que la conception passe-partout de Dieu ne fonctionne plus très bien, restent proches de l’agnostique. Ils affirment qu’il n’est pas possible de dire que Dieu existe pas plus qu’il ne l’est de dire qu’il n’existe pas. Ainsi la place prise par Dieu peut être occupée ou inoccupée. Tout dépend du regard porté sur cette place. Tout le monde y trouve son compte.

            Peu soucieux d’appartenir à la modernité mais prenant au sérieux  l’expérience,  j’affirme que Dieu existe. Non seulement pour moi mais pour le monde. Autrement dit, l’existence de Dieu est démontrable pour celui qui se laisse aller à la connaissance intuitive. Cette connaissance va au-delà de ce que nous ressentons, au-delà  de notre raisonnement, elle  effectue le lien direct entre la cause et l’effet. Elle saisit globalement le tout sans entrer dans le détail.  Un peu à la manière d’une révélation. La connaissance intuitive permet de découvrir que Dieu est un être réel, présent en toute chose, absolument infini sans aucune limite, une substance autoréférentielle autrement dit sans créateur extérieur. La superficialité de la pensée et de l’observation, pense éliminer Dieu sans jamais y parvenir étant donnée la nature infinie du divin,  insaisissable mais pleinement présente. Dieu n’a ni commencement ni fin.

            Dans notre monde, la difficulté vient de ce que refuser Dieu tel qu’il a été conçu par les religions et propagé dans le grand public n’est pas accepté. Ce refus vous catalogue aussitôt comme incroyant et imposteur. Affirmer que  Dieu ne veut rien,  qu’il n’y a pas de volonté divine et que Dieu est et devient en suivant sa propre énergie et sa propre logique est considéré comme un blasphème. Dire que Dieu n’aime ni ne hait puisqu’il est tout en tout et qu’il n’existe rien en dehors de lui (donc il ne peut aimer que lui-même) est inacceptable pour les religions monothéistes. Dans ces conditions, il ne peut y avoir ni renouvellement de la pensée théologique ni changement des pratiques dans la relation avec ses semblables et dans la gestion du monde.

            Il est bien regrettable que l’église et les religions refusent l’idée que « l’esprit humain a une connaissance adéquate de l’essence éternelle et infinie de Dieu » pour y substituer leur propre définition et représentation du Divin. Ceci permettrait de sortir du fixisme dans lequel la religion chrétienne (et d’autres encore) reste enfermée. Cessons de fabriquer des apostats et des incroyants. Permettons à l’humain de regarder et comprendre au plus profond de lui-même afin qu’il y découvre l’essence divine avec laquelle il est pétri. Il vivra alors l’existence pour laquelle il a été fait.       

           

 

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7 janvier 2023 6 07 /01 /janvier /2023 10:15

Œcuménisme ou

Les fonctions de la religion

 

L’œcuménisme avant qu’il ne porte son nom.

         Depuis quelques années les jeunes étudiants en théologie entrant dans un poste pastoral disent donner dans leur ministère priorité à l’œcuménisme. La remarque surprend. En effet le souci œcuménisme remonte aux années soixante sans qu’il porte les fruits que l’on attendait. Tout d’abord parce que l’œcuménisme existait bien avant que les autorités religieuses s’en saisissent. Pendant la guerre, dans les terroirs à dominante protestante, de nombreux jeunes hommes catholiques peu encouragés par le curé du village qui le plus souvent penchait pour le gouvernement de vichy sans pour autant être des collabos, se joignaient aux jeunes protestants pour fuir le Service du Travail obligatoire en Allemagne ou plus radicalement encore entrer dans la résistance. De fortes amitiés se sont liées à ce moment-là, elles ont continué après la guerre. Le dimanche à la sortie de l’église et du temple où chacun se rendait  selon sa religion,  les cafés du village devenaient soudain un lieu profondément œcuménique où la joie d’être ensemble débordait jusque dans la rue. Il n’y avait plus ni catholiques ni protestants mais des hommes et des femmes qui se sentaient solidaires les uns des autres. Le mot œcuménisme est venu plus tard. Il a désigné alors, la rencontre des instances catholiques et protestantes. Il a été utile pour des récalcitrants qui s’enfermaient dans leur religion tout en jugeant les autres. Il a changé le regard porté sur les dénominations chrétiennes qui n’étaient pas celle à laquelle on appartenait. Ces dénominations n’étaient plus perçues  comme appartenant à la même religion.

L’œcuménisme au point mort 

            Sur le plan théologique il y a eu très peu de changements. Chacun est resté attaché à ses doctrines, à ses dogmes et au fonctionnement de son église. Tout ceci ajouté à la baisse du nombre des fidèles, fait que les rassemblements œcuméniques sont devenus moins pertinents, porteurs de peu de joie et de reconnaissance. Notons que les jeunes prêtres comme les jeunes pasteurs mettent l’accent sur les actes et les symboles religieux. Il y a cinq ans un prêtre âgé,  que je ne connaissais pas mais à qui je confiais à la sortie de l’église avoir communié à la messe de minuit en signe d’amitié avec ma belle-fille catholique, me tapait sur l’épaule au nom de la fraternité et m’invitait à communier toutes les fois que j’assisterais à une messe. J’appréciais sa fraternité et son courage. Il passait outre les traditions de son l’église. Son attitude contrastait avec celle de ce jeune prêtre qui rappelait aux protestants présents ce jour-là à la messe, qu’ils ne pouvaient pas communier. Il voulait, disait-il, être fidèle à son église. L’institution passait avant Dieu.

Le protestantisme se religiosise

            Il est pour moi douloureux de constater combien aujourd’hui sont nombreux  les protestants pour qui l’église est le lieu des rites et des prières. Ils sont plusieurs à demander que la sainte cène (l’eucharistie) soit célébrée tous les dimanches. Ils insistent lourdement sur l’importance des sacrements. Ils minimisent les dérives de certains réformateurs. Loin de s’insérer dans la société actuelle ils se replient sur la religion. Il semble loin le temps où les protestants s’attachaient à définir ce que pouvait être la laïcité. Aujourd’hui ils ont peur et défendent le religieux pour se protéger des « laicards » disent-ils. La peur est la mère de tous les fantasmes et si aujourd’hui nous avions un danger à craindre ce serait celui de voir revenir des religieux au pouvoir quelle que soit la religion. Finis l’abolition de la peine de mort, le droit à l’avortement, le droit au blasphème, la liberté de conscience…

La réalité humaine précède l’idée de Dieu.

            De manière générale, les religions pensent qu’elles sont là pour défendre Dieu. Tout récemment, des hommes ont été condamnés à mort  au motif qu’ils avaient la haine de Dieu. Lors d’un voyage dans un des pays d’Afrique, le guide recommandait aux touristes de ne pas dire publiquement qu’ils étaient incroyants et qu’ils n’avaient rien à faire de Dieu. Comment ne pas se rappeler alors qu’un certain Jésus, considéré comme le fondateur de la religion chrétienne  à fait passer l’humain avant les positions de sa religion. Il a mis Dieu et l’homme sur un pied d’égalité. Il  invite à aimer Dieu comme soi-même et comme son prochain. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur… et ton prochain comme toi-même. Math 22/34-40 ».  Jésus a  introduit le pardon dans toutes les relations humaines y compris celles qui sont condamnables. Il pardonne et libère la femme adultère. Il lui évite la lapidation. Jésus ne prend pas le parti de Dieu étant donné la nature de celui-ci. Une telle attitude n’aurait aucun sens. Il prend le parti de l’homme jusqu’à en mourir. Dans de nombreux pays, on condamne à mort au nom de Dieu. Une telle violence nous surprend et nous révolte. Mais réfléchissons ! Nous sommes sur ce chemin toutes les fois où nous faisons passer Dieu avant l’homme. J’ai rencontré des hommes et des femmes qui avaient la haine de Dieu et par extension de tous ce qui à leurs yeux représentaient Dieu : l’église, le temple, les prêtres, les pasteurs, les religieuses, les moines. Cette haine venait de l’image qu’ils se faisaient de Dieu et de la souffrance qui était la leur. Mais qui étaient les responsables de cette haine ? N’est-ce pas ceux  dont le rôle était de corriger les représentations de Dieu ? N’est-ce pas à eux de les mener vers de plus justes connaissances ? Encore faudrait-il que les religions osent repenser leurs croyances, leurs doctrines et regarder à l’humain avant de lever les yeux vers le ciel pour réinventer Dieu. Ce travail n’est pas fait et le retour en force du religieux, y compris au sein de l’église protestante ne laisse pas augurer de changements heureux. Notons pour nous encourager et pour dire que rien n’est perdu, qu’il est possible de vivre dans la présence divine et avec le compagnonnage  de Jésus sans pour autant être des fidèles de l’église. Tout dépend des choix faits par celle-ci et des buts poursuivis.

L’Eglise veut évangéliser.

            Mieux cerner  les buts poursuivis par l’église mériterait clarification et précision. Cette démarche n’a pas lieu l’église restant persuadée qu’elle est chargée par Dieu d’une mission qu’elle pense connaitre. Bien que de bonne foi, ce propos ne manque pas d’orgueil. L’histoire en témoigne. Après la mort de leur maitre les disciples sont désarçonnés. Ils s’interrogent sur la poursuite de l’œuvre de celui qu’ils suivent depuis plusieurs années. Apparaissent alors les premiers dogmes et les premières doctrines comme pour figer ce qu’ils avaient connu du temps de Jésus. Ils cherchent à maintenir l’élan de vie et d’amour qu’il insufflait par ses paroles et par ces actes. Puis est apparue l’idée devenue une certitude, selon laquelle il y aurait un autre monde après la mort. La vie terrestre devait être consacrée à acquérir le droit d’y entrer. L’église s’est alors présentée comme la porte d’entrée de ce royaume autre que terrestre. La Réforme est venue modérer cette croyance en un au-delà. Elle a minimisé la rupture entre un royaume céleste et un royaume terrestre. Elle n’a pas pu aller aussi loin que le lui disait son intuition.  Pour continuer à exister elle a dû s’aliéner aux pouvoirs en place. Elle est restée une puissance autoritaire comme le montre  la présence de Calvin à Genève. Sa tentation est de  pactiser  avec les régimes politiques puissants, ennemis de la démocratie. L’effort pour continuer d’exister passe avant les services rendus à la planète terre et à sa population.

 

 

L’évangile de Jésus n’est pas celui inventé par l’église

            Cette attitude contraste avec celle de Jésus. Il n’invite jamais à venir à la synagogue et à suivre les religions de l’époque y compris celle de son pays. Bien au contraire. Lorsqu’il va à la synagogue, c’est pour bousculer les traditions et remettre en cause ce qui s’y passe. Il se rend disponible pour tous ceux qu’il rencontre. Il brise les chaines de ceux qui sont prisonniers de leurs convictions et de leurs richesses. Il libère ceux  qui souffrent dans leur corps et ont perdu une large partie de leurs moyens. Il s’intéresse à ceux qui sont mal aimés, méprisés et rejetés. Il est pris de compassion pour ceux qui se trompent dans la manière de gérer leur vie. Il ne les juge pas. Il les libère.

            Aujourd’hui, pour l’église, quelle que  soit son obédience,  évangéliser c’est mettre en place tout ce qui ramènera des adeptes en son sein. Elle est triste lorsqu’elle voit ses fidèles la quitter. C’est alors qu’elle survalorise et renforce tout ce qu’il y a de plus religieux : les rites, les dogmes, les doctrines, les traditions. Elle cherche à plaire à Dieu espérant attirer vers elle le plus de gens possible en présentant au monde un visage sécurisant. Elle n’a pas conscience que de tels  efforts vont à l’encontre de ce que pourrait être une évangélisation tournée vers les humains. Une évangélisation apportant guérison et libération parce que se situant au cœur de la force divine animant tout ce qui existe sur cette terre. Il ne s’agit pas de s’en remettre à l’épanouissement personnel mais de rejoindre l’autre dans cette présence divine.

Evangéliser c’est rendre à chacun la liberté

            Ce n’est pas à l’église d’évangéliser mais à tous ceux qui, où qu’ils se trouvent, portent en eux cette présence divine. On ne le dira jamais assez, évangéliser ce n’est pas convaincre, ramener des gens à soi, à sa religion, à ses convictions. C’est permettre à celui qui est enchainé d’abandonner ses liens. Le rôle de l’église est d’éveiller la conscience, de faire connaitre ce qui libère et proposer une formation lorsque celle-ci est présente dans la société. Rien n’interdit les membres de l’église d’évaluer au nom de la foi les formations reçues et de les compléter si besoin est, ou, cas extrême, de les contester.  Dans le centre protestant que nous avions mis en place dans la région parisienne il y a une quarantaine d’années, des femmes et des hommes se formaient pour répondre aux demandes de ceux qui fréquentaient les activités. Des jeunes préparaient leur BAFA pour être moniteurs de colonie de vacances. D’autres se formaient pour animer des ateliers divers et variés. De nombreux couples fréquentant le centre traversaient des difficultés conjugales. Une infirmière suivit une formation pour être conseillère conjugale. Nous cherchions avec elle  en quoi la foi pouvait apportait un plus dans cette fonction qu’elle exerçait bénévolement à temps trouvé. Nous y avons découvert que certaines conceptions proclamées par l’église étaient erronées et inopérantes comme par exemple la conception traditionnelle du divin. Nous avons été convaincus que le mariage n’est pas un contrat mais une communion sans pour autant être un sacrement. L’église a le droit de faire des choix éthiques. Elle peut par exemple inviter les couples à s’unir pour la vie. C’est une position qui tranche avec la situation actuelle ou plus d’un couple sur deux se sépare. Mais que propose-t-elle pour aider les couples à construire une vie à deux et en famille lorsqu’il y a des enfants ?  Il ne s’agit pas d’avoir son opinion sur la séparation au sein de couple ou de porter des jugements, mais d’indiquer et  donner les moyens à ceux qui font le choix de passer leur vie ensemble jusqu’à ce que la mort les sépare comme le dit la liturgie des mariages de l’église protestante.  Le travail avec d’autres associations permettait de s’adjoindre d’autres spécialités comme des permanences pour les addictions ou pour l’accueil de sortants de prion et autres SDF.  

Aucune église, aucune communauté chrétienne quelle que soit son obédience, ne peut se replier sur une religiosité faite quasi exclusivement de réunions de prières, d’études bibliques, de liturgies, d’actes sacramentels et d’offices religieux, si elle veut être fidèle à la bonne nouvelle voulue par Jésus.  Lorsqu’il n’y avait pas d’instruction publique, l’église ouvrait des écoles. Lorsque l’école est devenue obligatoire et publique les protestants ont cédé leurs écoles à l’Etat. Aujourd’hui l’école libre et privée est plus une concurrence à l’école laïque qu’un service rendu à toute la population. Seules se justifient des expériences novatrices, l’école publique étant parfois sclérosée, sans diversité et inadaptée aux situations actuelles. Toute religion représente un danger pour la démocratie lorsqu’elle veut imposer sa manière de voir et de comprendre la réalité des choses à partir de ce qu’elle croit avoir reçu et entendu de Dieu. La réalité de l’humain ne fait alors plus le poids face à tout ce qui est imaginé au sujet de Dieu. C’est la porte ouverte au pire. Il suffit de regarder autour de nous pour être éclairé et convaincus. Dans une démocratie la religion participe à l’animation de la société. En aucun cas elle ne peut ni commander ni légiférer pour le peuple.  

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19 décembre 2022 1 19 /12 /décembre /2022 09:45

Réforme des  retraites

              Le guerrier n’aime pas battre en retraite. Pour lui c’est le signe d’un échec retentissant qu’il s’est efforcé de repousser tout au long des combats. Les français ne semblent pas éprouver le même sentiment. Selon un sondage ils seraient 67 % à vouloir prendre la retraite le plus tôt possible. Ils refusent un allongement du temps de travail. Spécialistes et économistes ne sont pas étonnés par cette résistance à un allongement du temps de travail. Selon eux, quelle que soit la couleur politique du gouvernement cette opposition était inéluctable et peu importe le contenu de la réforme. Tout débat sur ce sujet est illégitime.

            Du point de vue syndical on pouvait espérer que la CFDT oserait un dialogue constructif comme elle en a l’habitude. Il n’en est rien. Le non semble définitif. Pour ne pas perdre des adhérents et la première place dans le mouvement syndical, elle se range du côté de la CGT, de FO et de la FSU. Il est étrange qu’elle ne comprenne pas qu’elle participe au discrédit du syndicalisme. Celui-ci ne représente plus que 10,3% des salariés y compris dans les bastions ou les trois quart des salariés étaient syndiqués. La CFDT s’aligne pour garder son avantage sur les résultats des sondages qui sont toujours à nuancer. Pire encore elle s’oppose sans nuances et sans réflexion à une décision porteuse d’avenir et de justice. Lorsque le gouvernement de François Mitterrand a décidé de supprimer la peine de mort 70 % des  Français s’y opposaient. Il a fallu le courage du Ministre de la justice Robert Badinter  et de son gouvernement pour que cette loi passe. Il en a été de même pour les lois sur l’avortement portées par Simone Weil sous la présidence de Giscard d’Estaing.  Où en est aujourd’hui le courage des syndicats en général et de la CFDT en particulier?

            Si j’avais un message à faire passer aux syndicats je leur dirais en tout premier lieu : cessez le clientélisme. Osez constater que cela ne marche pas. Les salariés veulent s’en remettre à la raison. Sachez les conduire sur ce chemin en privilégiant les informations nécessaires plutôt qu’une propagande de récupération. Exigez de l’entreprise ces informations afin que chacun salarié se sente solidaire de l’entreprise. En second lieu, abandonnez l’idéologie. Préférez regarder la réalité des situations. Pendant douze ans j’ai dirigé une entreprise, la CGT étant le syndicat de la maison. J’ai compris ce qu’était agir par idéologie et non par nécessité. Le syndicat ne s’intéressait pas aux salariés mais à l’application de son idéologie. Je me souviens de cette salariée qui avait envoyé une lettre de démission sur un coup de tête qui n’avait rien à voir avec son travail mais sa vie personnelle. Trois jours avant la fin du préavis elle revient sur sa décision et demande à rester. Elle avait fait une erreur.  Vu sa situation j’ai accédé à sa demande. Le syndicat n’a pas apprécié. Je n’en dirai pas davantage. Autre situation. Un salarié demande à prendre exceptionnellement ses «congés payés » pour des raisons familiales par tranche de dix jours. Après examen des agendas j’accepte. Même colère du syndicat. Et bien d’autres situations similaires. Chaque fois le syndicat ne tient pas compte de la personne. Il se réfugie derrière ses dogmes y compris lorsque la décision est défavorable aux salariés. Pour être complet, et pour modérer mon propos, j’ajouterai que tout dépend de la personnalité du délégué syndical. Si certains n’ont d’autres objectifs que de saborder la direction, de profiter de privilèges, et se faisant, de gonfler leur pouvoir, d’autres  savent se montrer à l’écoute de chaque salarié et faire la part des choses. Les syndicats devraient repenser la méthode pour choisir le délégué.

            Que l’on se comprenne bien. Je n’ai pas les compétences nécessaires pour me prononcer au sujet des retraites. Je dirai simplement que la retraite par point me paraissait une démarche équitable. Je ne comprends pas pourquoi elle a été abandonnée. Il n’y a pas eu d’explications. Par ailleurs, passer d’un coup de soixante-deux ans à soixante-cinq ans ne me parait pas plus heureux que de soixante-cinq à soixante comme cela a été le cas sous le gouvernement du président Mitterrand. La question des retraites devrait faire l’objet de discussions sérieuses. L’âge du départ à la retraite ne peut être un dictat de part et d’autre.

Je pense aussi que les syndicats sont indispensables. Pour plus d’efficacité, leur rôle doit être redéfini afin de défendre à la fois les salariés, le fonctionnement et la pérennité de l’entreprise. Leur participation à la gestion de l’entreprise parait être  une évidence. Ce serait aussi  une manière de résister à la cupidité qui guette tout humain, patron comme délégué syndical. On ne peut pas reprocher la cupidité  à un chef d’entreprise si rien n’est mis en place pour lui éviter de tomber dans ce travers. Il est illusoire de croire à la bonne moralité de chacun. L’argent et le pouvoir sont une tentation à laquelle personne  n’échappe malgré les injonctions morales. Les effets néfastes du capitalisme ne pourront pas être corrigés en  se fiant seulement à la bonne volonté des uns et des autres. C’est une illusion héritée du christianisme. Elle a fait son temps.Toute entreprise doit être gérée dans l’intérêt de tous, employés, dirigeants et investisseurs ne peuvent qu’être associés à cette gestion.    

             

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18 décembre 2022 7 18 /12 /décembre /2022 16:40

Croyance ou rencontre

            La fête de Noel est la fête des enfants et par extension celle des familles. Cette réalité est confirmée par la légende du père Noel et par les cadeaux faits aux enfants et, de plus en plus, aux adultes. Telle est l’apparence. C’est ainsi que croyants comme incroyants ou religions autres que chrétiennes peuvent se joindre à la fête. En creusant un peu, on se rend compte que pour beaucoup la fête est celle d’un miracle et d’un enfant devenu Dieu. Le miracle est celui d’une femme qui aurait été enceinte sans le sperme d’un homme. La femme rêve, le plus souvent inconsciemment, que son enfant soit divin. Dans la bible,  Eve succombe à ce rêve. Elle déclare : « J’ai formé un homme avec l’aide de l’Eternel » Genèse 4/2. On connait la suite. Caïn, deviendra le meurtrier de son frère. Se basant sur ce qu’avait dit et fait Jésus, les premiers chrétiens, puis les pères de l’église, à partir de témoignages variés récoltés çà et là,  ont vu en Lui un Dieu. Nombreux sont les textes du Nouveau testament dont les auteurs pensent ainsi. Ils sont démentis, d’une part, par d’autres textes montrant l’humanité de Jésus et d’autre part par le récit de la crucifixion. Jésus n’est pas le meurtrier tel Caïn mais la victime de ceux qui l’ont mis à mort avec une lâcheté inégalée.

            Aujourd’hui, l’église catholique maintien cette double nature de Dieu et d’homme concernant Jésus. Cette double nature ne signifie pas qu’il est en même temps moitié homme et moitié Dieu mais tantôt homme et tantôt Dieu. Les protestants sont plus prudents sur cette double nature. Ils ne s’expriment guère. Aux Etats Unis, les évangéliques sont divisés sur la double nature de Jésus. Une divergence théologique  selon le professeur André Gagné. Une perte de savoir théologique selon les conservateurs. Les défenseurs du Jésus homme ont trois arguments :

            -Ils font remarquer que Jésus n’a été déclaré fils de Dieu qu’au concile de Nicée en  325 confirmé par le synode de Constantinople en 381. Les dogmes proclamant que Jésus est le Seigneur peuvent être remis en cause. Le siècle des  lumières ne s’en est pas privé. Des réformateurs comme Calvin ont  refusé de les signer.   

            -Le protestantisme ne veut pas enfermer le chrétien dans des dogmes. Il y a plusieurs manières d’appréhender la foi chrétienne. Selon Albert Schweitzer  la vie est plus importante que les doctrines. Von Harnack théologien protestant de la fin du XIX siècle écrit que les conciles altèrent la nature de la foi qui devient une doctrine métaphysique à accepter au lieu d’ être une invitation à la communion avec Dieu. -

            -Enfin la bible n’est plus placée comme l’autorité suprême. L’approche historico-critique montre qu’elle ne tombe pas du ciel. Elle est bien l’œuvre d’hommes, et peut-être de femmes, qui ont écrit selon leur compréhension,  leur sensibilité et la situation du moment sans compter les retouches apportées aux textes au cours de son l’histoire.

            Aujourd’hui, au vu de toutes les découvertes et des informations dont nous disposons sur la formation de l’univers et de ce qu’il contient, le moment est venu de faire confiance à la raison et à l’intuition. Dieu nous apparait être  celui que les hommes inventent selon le mécanisme de la projection. Ils lui attribuent ce qu’ils veulent et espèrent. En réalité, Dieu ne peut être réduit à une définition. Il est l’infini non définissable. Une force insaisissable qui anime toutes choses dans l’univers. Il est constitutif de tout ce qui existe. Il en est l’essence même. C’est pourquoi, il est impossible de rencontrer Dieu. Il est en nous et nous sommes en lui. Le mot Dieu désigne cette force présente en toute chose dans l’univers. Ce mot a l’avantage de saisir cette force dans sa totalité. Elle évite l’éparpillement qui verrait la totalité de Dieu dans une plante, un arbre, un  objet, un lieu, une doctrine…d’où l’idolâtrie, la superstition et la magie. La vitalité de  Dieu est en toute chose mais cette vitalité n’est pas tout à fait Dieu lorsqu’elle est observée de manière séparée dans chaque chose.

            Il en va tout autrement de Jésus. C’est parce qu’il est homme que la rencontre est possible. Tous les humains ne le rencontrent pas. Certains le croisent sans le rencontrer, y compris au sein de l’église. La rencontre se reconnait à ce qu’elle façonne chaque fois l’être humain. Elle laisse toujours l’empreinte des autres. L’humain  n’est plus le même avant et après la rencontre. Vu la plasticité de son cerveau, il y a une interaction obligée et systématique. C’est ainsi que les paroles de Jésus agissent sur l’esprit et le corps de l’individu lorsqu’il y a rencontre. Parfois de manière non perceptive. C’est alors  merveilleux parce qu’inattendu. Jésus peut aussi être un modèle, une référence, un accompagnant lorsque  l’esprit le rend vivant auprès de nous. Là est toute la signification de la résurrection. Elle propulse Jésus hors du temps. Il est toujours le contemporain de celui qui chemine avec lui.

            Notons enfin que la rencontre avec Jésus rend obsolète toute forme de croyance et toute tentative à définir Dieu. Elle invite à se tourner vers l’autre et à agir comme le faisait Jésus lui-même.   

               

 

  

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29 novembre 2022 2 29 /11 /novembre /2022 13:40

Le bien portant et le malade.

            Lorsque le bien portant regarde les informations à la télé où sont associées images et paroles il voit ce qu’a été le passé, ce qu’il en est aujourd’hui et ce qu’il en sera demain. Ainsi va la vie de celui qui, en pleine santé se rend actif par son travail et l’organisation de sa vie individuelle et familiale. Il espère des changements touchant tous les domaines dans la société. Il espère des progrès et des améliorations pour tous et partout dans le monde. Les mauvaises nouvelles le stimulent pour promouvoir un changement. Il s’engage et nourrit un espoir qui lui donne envie de vivre. Il ne pense pas qu’il pourrait mourir et qu’ainsi son espérance deviendrait vaine. 

            Le malade atteint d’une maladie incurable et sentant la fin de sa vie approcher bien qu’il puisse y avoir des moments de rémission tel le cancer par exemple, ne peut recevoir l’information comme traitant à la fois du passé, du présent et de l’avenir. L’espérance ne supporte pas la  durée de vie  limitée qu’il imagine. Comment s’intéresser à l’élection du  futur président de la république si les élections ont lieu dans quelques mois voire dans quelques années si je dois disparaitre avant l’évènement. Comment s’intéresser  aux études des enfants et petits-enfants si le malade pense qu’il ne vivra pas jusqu’à la réussite des examens ? Comment être curieux de la fin de la guerre en Ukraine quand on ne sait pas si la fin  de notre vie ne la précèdera pas ? Attendre devient cruel pour le malade s’il croit qu’il ne sera plus de ce monde lorsque la chose arrivera. Il ne pourra retrouver la paix qu’à la condition d’abandonner toute espérance sur le devenir des évènements  présents. Les informations quotidiennes auront moins d’importance pour lui s’il pense n’en jamais connaitre le dénouement. Il désinvestit le monde dans lequel il évolue.   

                Cette situation dans laquelle se trouve le malade se sentant menacé par la mort plus proche de lui, est-elle catastrophique pour autant ? Ne se trouve-t-il pas dans une situation avantageuse qui aurait pu lui assurer, paix, tranquillité et bonheur toute sa vie ? La mort nous guette y compris lorsque l’on est bien portant. Elle se glisse parfois dans nos vies de manière subreptice et violente. La penser pourrait modérer nos passions qui veulent s’approprier le pouvoir sur nos vies  et s’éloigner des droits de la nature. Lorsque nous prenons  la route avec la voiture,  penser à l’accident qui peut tuer,  moi  et les autres, aide à  une conduite responsable et  plus sure. La proximité de la mort nous renvoie aux lois de la nature et nous aide à prendre des décisions adéquates. La sagesse et la raison prennent alors le pas sur toutes nos envies voire nos folies. Nous entrons, alors et déjà, dans l’Eternité. Là est le bonheur. Se dire que la mort fait partie de la vie et qu’elle est le simple accomplissement de la naissance est la solution pour qu’elle ne nous effraie pas. Il faut savoir s’oublier soi-même pour ne pas craindre la mort. Oublier c’est ici renoncer à être moi-même. Le moi  (l’ego) est un leurre, une apparence. C’est vrai, il disparait. Mais lorsque le soleil se couche, il ne met pas fin à la lumière pour autant. Le mort continue à vivre parce qu’il est une modalité de Dieu. Jésus, le Christ n’est pas resté enfermé dans un corps. On a appelé cela la résurrection. Il est partout maintenant.

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23 novembre 2022 3 23 /11 /novembre /2022 09:46

TRAUMATISME

                Il existe des traumatismes physiques dus à l’atteinte d’une partie du corps telles les blessures à la tête. Il y a des traumatismes psychiques qui sont une réaction émotive persistante faisant suite  à un évènement extrêmement éprouvant de la vie. De tels évènements peuvent avoir lieu  dans la vie courante et dans toutes les activités. La psychologue Francine  Shapiro a mis au point une thérapie apparentée à l’hypnose, l’EMDR, après avoir traité les soldats traumatisés lors de la guerre du Vietnam. Personnellement j’ai connu des gendarmes et des policiers perturbés par la violence à laquelle ils avaient dû faire face. Je me souviens de ce pompier d’une trentaine d’années. Il été très perturbé pour avoir décroché sur sa courte carrière, trois pendus. Le plus difficile, disait-il, était qu’ils avaient son âge. Un étudiant en médecine de permanence le weekend à la morgue d’un hôpital, a reçu à la suite d’un accident de la route, la dépouille d’un jeune qu’il avait connu lorsqu’il était lycéen. Il raconte encore combien il a été bouleversé.

            Dans toutes les professions il peut y avoir des évènements traumatisants.  Ces traumatismes se manifestent souvent  longtemps après l’évènement sans que la personne concernée ait pu imaginer qu’elle avait subi un traumatisme.  C’est ce qui m’arrive actuellement.  Je vous raconte :

            Lorsque j’étais en poste comme pasteur dans une église locale, je présidais une trentaine de cérémonies funèbres par an. Elles étaient très différentes les unes des autres selon les situations et les demandes des familles. La plupart avaient lieu au temple avec ou sans cercueil. Dans ce dernier cas l’ensevelissement au cimetière avait lieu avant le culte d’obsèques au temple.  Il arrivait que l’ensevelissement n’ait lieu qu’au cimetière ou au centre de crémation. Les raisons en étaient diverses. Le plus souvent les familles qui ne souhaitaient pas passer par le temple le demandaient parce qu’elles n’étaient pas engagées dans l’église. Parfois elles n’étaient pas protestantes mais s’adressaient à moi parce que, me connaissant, elles savaient qu’ils n’auraient pas droit à des « bondieuseries » comme certains me l’ont dit parfois. Le terme était vexant et des collègues me reprochaient d’accepter de telles situations. Ils y voyaient un mépris de l’église et du pasteur. Il arrivait que de telles demandes me soient  adressées pour des mariages célébrés dans des salles des fêtes, des restaurants, un parc ou grand jardin.  Quelle que soit la nature de la cérémonie j’ai toujours pensé qu’au-delà de la demande qui m’était faite, il y avait une demande de sens de la vie dans laquelle s’inscrit aussi la mort. La vie, c’est naitre et mourir. C’est s’interroger sur le « d’où je viens » et « où je vais ». Accompagner les gens en toutes circonstances, c’est ne pas subordonner cette demande de « sens » à la religion mais aux besoins de la personne. La demande est déjà divine. Pas besoin d’en rajouter.

            Je me suis retrouvé parfois  seul au cimetière devant le cercueil. C’était  le cas lorsqu’un SDF logé par des associations de la ville, décédait et n’était réclamé par personne. Notons toutefois que l’éducateur et des membres de l’association logeant le défunt, étaient là. Lorsqu’il n’y avait personne, je demandais aux  membres des pompes funèbres de rester près du tombeau.   Un, deux parfois  acceptaient. Je disais quelques mots exposant la situation du défunt -lorsque je la connaissais-  et récitais le « Notre Père ». Cela m’a valu des demandes d’entretien sur des problèmes individuels ou familiaux par ceux qui s’étaient approchés du tombeau.  

            Aujourd’hui ces obsèques peuvent paraitre banales et sans intérêt. Il se trouve qu’après plusieurs années  avec cinquante séances de chimio et plusieurs opérations, je sens la mort roder autour de moi. Rien d’original si ce n’est que les moments de ces obsèques s’imposent à mes pensées et me réveillent. Je me vois dans le cercueil partout où le cercueil passait suivant le type d’obsèques. Au temple, dans une salle, au cimetière dans le fond du tombeau, au centre de crémation  dans l’entrée du four crématoire. C’est épouvantable. Voilà des moments qui m’ont traumatisé sans avoir ressenti une forte émotion sur le coup au moment des obsèques. Qui l’eut cru ! Je faisais mon métier. La peur de la mort nous révèle ce qui nous a traumatisés et que nous ignorions. Ce peut être des choses bénignes ou à l’inverse des évènements bouleversants et cruels pour soi ou pour les autres.  

            Il m’arrive de penser, pour le vivre quotidiennement à cause du cancer, que les traumatismes sont dus à nos passions. Elles nous obligent à tout vouloir posséder, à tout maitriser, à ne rien abandonner. Elles sont les ennemis de la raison. Or, sans la raison tout nous bouleverse. Pour le dire familièrement, nous recevons tout en pleine figure. Il y a peut-être une possibilité d’éviter les traumatismes. C’est de se laisser porter par le cours de la vie comme si tout ce qui arrive était une nécessité étant donné les circonstances. Comme la feuille morte qui au gré du vent et après le temps vécu - une année lorsque tout est normal- se laisse emporter et tombe  pour se mêler à la terre qui nourrit l’arbre  sur lequel elle était attachée. Elle ne meurt pas, elle vit autrement. On ne la voit plus. Elle est invisible. Mais elle est toujours là. Les lois de la nature lorsqu’elles s’imposent, il n’y a plus de traumatisme.   

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16 novembre 2022 3 16 /11 /novembre /2022 09:26

Maladresses et imprudence.

            Sur le site du journal La Croix, un philosophe protestant, enseignant à la faculté de théologie intervenant sur la Saint- Barthélemy et la laïcité met en garde contre de nouvelles Saint-Barthélemy. Elles n’opposeraient plus  les religions entre elles. Ce serait les défenseurs « d’une France toute laïque » qui deviendraient les nouveaux bourreaux.

            Le président d’Unité Laïque a vivement réagi lui rappelant que les laïques n’avaient jamais massacré personne ce qui n’était pas le cas des religions. La réponse, bien que juste, est trop violente. Toute personne attachée à la laïcité doit apprendre à dialoguer avec les partisans de la religion au risque de donner raison à notre philosophe. Là est le premier rôle du tenant de la laïcité.

            On est en droit de se demander pourquoi notre philosophe a pu imaginer pareille chose. Certes, dans les moments de crise, il n’est pas rare que des protestants, plutôt de tendance évangélique et américains, se prennent pour des prophètes. Il y en avait déjà au temps de la Réforme. Pas besoin d’être chrétien pour se prendre pour un voyant. Peut-être a t-il voulu se montrer solidaire d’une part de ceux qui l’accueillaient à savoir le journal La Croix  rattaché à  l’église catholique et d’autre part des chrétiens catholiques ou protestants qui traitent de « laicards » ceux qui craignent les agissements des religions. Peut-être aussi voulait-il faire un pied de nez au gouvernement au sujet du  projet sur le communautarisme et défendre ainsi un islam modéré. Quoi qu’il en soit notre philosophe connait parfaitement le protestantisme. Il connait le rôle que les protestants ont joué pour la mise en place de la laïcité dans notre pays. Il est donc difficile de croire qu’il en veuille aux laïques et puisse penser ce qu’il a dit et écrit.

            Plus regrettable serait que cet universitaire se soit laisser bercer par les sirènes selon lesquelles les religions ne seraient plus respectée et perdraient de leur liberté dans notre pays. Il se serait rallié au regroupement des religieux qui voudraient imposer à la République les lois de leur religion. Or, s’il y a une crainte  à avoir aujourd’hui c’est bien celle-ci. La constitution a permis jusqu’ici d’accepter le droit au divorce, à l’avortement, au mariage pour tous, à la liberté de conscience, à l’état de droit…Cette constitution qui garantit nos libertés résistera-t-elle  à une union des religions chacune défendant ce qui lui parait essentiel ? Rien n’est moins sûr. Le danger ne vient pas des laïques mais des religions. Il en a  toujours été ainsi.  

En conclusion, nous dirons que notre philosophe a oublié qu’un texte doit être suffisamment simple pour être compris. Sa réponse alambiquée et peu compréhensible aux propos acerbes du président d’Unité Laïque est bien la preuve qu’il a commis une imprudence et une erreur même si on lui fait dire ce qu’il ne dit pas. Il aurait été plus sage de relever dans les propos du président laïque la part de vérité  plutôt que d’opposer la religion et la laïcité. Cette dernière n’est pas du même ordre et ne doit pas  devenir une religion.       

           

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9 novembre 2022 3 09 /11 /novembre /2022 09:33

Dieu a besoin d’être aimé

            Ce titre peut choquer. Nous sommes tellement habitués à dire que Dieu nous aime, tellement habitués à penser que Dieu est au-dessus de tout et qu’il n’a nul besoin de nous, qu’il nous est impossible d’envisager que nous puissions lui être utile. Nous sommes maitres en formulations et en prières pour lui exprimer nos besoins. Prétendre entendre les siens est proche du blasphème ! Nous avons grandi avec cette idée, que l’on soit chrétien ou pas. Cette idée est celle de tout un chacun. Nous la portons en nous dès la naissance. L’être humain a besoin de se sentir protégé lorsque tout va mal. Il a besoin de remercier lorsqu’une grâce particulière lui est faite. Les expressions « si Dieu le veut » ou « merci au bon Dieu » témoignent de ce double besoin inscrit au plus profond  de l’humain.

            Les entretiens psychologiques m’ont très vite appris que, contrairement à ce que pensent beaucoup de chrétiens, la conviction que Dieu nous aime chacun individuellement apportait peu de changement dans les moments difficiles de l’existence. Un homme orphelin de père à l’âge de treize ans et à qui sa mère et des amis ne cessaient de  répéter  que Dieu était désormais son père gardait un souvenir extraordinaire de la tendresse de son père. Il n’avait pas le sentiment d’être aimé par un Dieu. Penser que Dieu l’aimait ne lui donnait aucune émotion. Selon lui, un père ne peut être qu’incarné. Dieu est tout autre chose. Il pensait sérieusement que l’appellation de « père » à Dieu par Jésus était une invention des apôtres  et de l’église. Un autre allait encore plus loin disant que ni Dieu ni son père adoptif -il avait été adopté alors qu’il avait  quelques mois- n’étaient  pas vraiment son père. Pour lui émotion et génétique étaient liés dans le mot « père ». Enfin, un autre encore ayant une formation sérieuse en théologie  allait jusqu’à prétendre que ceux qui se disaient libérés depuis qu’ils avaient découvert que Dieu les aimait, ne faisait que répéter les propos de ceux qui les avaient amenés à la conversion. Selon lui, dire que « Dieu est amour » est bien différent que de répéter «  Dieu nous aime ». L’amour est l’essence même de Dieu –nous pourrions dire la matière-, nous y sommes à l’intérieur, nous en faisons partie. Cela n’a aucun sens de dire que l’amour nous aime. Nous y puisons dedans.

            Inversement il est arrivé plusieurs fois, avec des femmes et avec des hommes, qu’après une série d’entretiens et de travaux de groupe,  ils me disent que je leur avais permis de découvrir qu’il y avait quelque chose de Dieu en eux  hors de toute religion. La plupart n’en pratiquaient aucune bien que baptisés le plus souvent dans l’église catholique. Ils disaient se sentir  bien et avoir fait une découverte heureuse. Ils allaient jusqu’à ressentir une présence divine sans plus de précisions,  présence qu’ils ne retrouvaient plus lorsqu’ils allaient à la messe, au culte ou toute autre cérémonie religieuse. Plusieurs soutenaient avoir été libérés des passions dont ils n’avaient pas pu se libérer jusque-là. Parmi celles-ci il y avait les addictions, les conduites sexuelles, l’avidité de l’argent, le désir de vengeance.

            Ces personnes m’ont fait comprendre combien, au-delà de la psychologie, une découverte d’ordre spirituel participait à la libération de l’être. Il est souvent reproché à ceux qui n’arrivent  pas à se débarrasser de leurs passions telle l’addiction à l’alcool  par exemple,  de manquer de volonté et de courage. C’est ignorer combien un retour ou une découverte à la vie intérieure ouvre un espace de guérison bien plus puissant que la volonté. Dans cet espace, l’humain  rencontre une force qui le pousse à devenir celui pour lequel il est fait. Toute personne est faite pour vivre librement. Il n’y a pas de fatalité pour celui qui est esclave de ses passions. Dans cet espace ouvert par la reconnaissance d’une vie intérieure, il rencontre la force qui le libère. Cette force devient pour  lui une présence qu’il aime et chérit. L’amour porté à cette présence permet à celle-ci  de continuer à exister et d’exercer sa force.            

            Si cette force, souvent ignorée mais  vivant en tout être, est appelée Dieu, alors nous pouvons dire que Dieu pour exister a besoin d’être aimé au risque de disparaitre de notre horizon. C’est l’amour porté à cette force qui le fait exister. Dieu n’est ni campé ni figé dans un personnage ou une identité définie par avance. Il est une force qui évolue et  s’adapte aux situations présentes. Chacun peut se saisir de cette force lorsqu’il en prend conscience et qu’elle émerge.

            Cette inversion qui consiste à renoncer à la formule « Dieu m’aime »afin de privilégier celle disant «  j’aime Dieu » me semble bien plus porteuse de paix et d’équilibre. Et plus encore si l’on y ajoute que «  Dieu a besoin d’être aimé ». Ces deux formules font de l’humain un acteur de sa vie. Il se prend en main alors qu’il croyait qu’un autre, fut-il un dieu,  gérait sa vie  à sa place.  Ces deux formulations mettent en route le désir d’aimer là où l’instinct primaire cherche à être aimé et à devenir dépendant. D’une attitude passive, celui qui aime passe à une attitude active. De surcroit la superstition qui se présente comme un secours indispensable dès que la vie se complique se retrouve reléguée dans le domaine de l’incertitude et des illusions. Il en découle une envie de vivre et un gout du bonheur.  

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Qui suis-je ?

     Titulaire d'une maitrise de théologie et d'un DESS de psychopathologie clinique, j'ai été amené à exercer plusieurs fonctions  et plus particulièrement la mise en place d'un centre socio- culturo- spirituel protestant puis la direction pendant 12 ans d'un centre de cure pour malades alcoliques. J'y ai découvert l'importance d'apprendre à écouter l'humain dans toutes les dimensions qui le constituent. Aujourd'hui, inscrit au rôle des pasteurs de l' Eglise Réformée de France, j'essaie de mettre des mots sur mes expériences et de conceptualiser mes découvertes.
serge soulie

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