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9 décembre 2019 1 09 /12 /décembre /2019 10:13

 

          Peut-on comprendre un texte biblique sans le purger de la fiction et des croyances qui l’entourent ?  Dans le cas de la naissance de Jésus, peut-on s’en tenir à la naissance virginale selon laquelle Marie se retrouve enceinte du Saint esprit, sans jamais avoir eu des relations conjugales. L’émission présence protestante  sur Luc Chapitre 1 verset 26 à 38 prouve que la chose est impossible. En restant enfermés dans le texte les intervenants ont montré qu’ils n’étaient porteurs d’aucun message. Rien de surprenant. La nature du message est de changer la réalité, cette réalité a été ignorée et niée tout au long de l’émission.

            Les partisans d’une lecture que l’on pourrait qualifier de fondamentaliste diront que ce texte est un symbole. Dans ce cas il faudrait préciser de quel symbole il s’agit. Rien de précis et de clair n’est dit sur ce sujet. D’autres diront que le texte  prouve que l’enfant est enfant de la parole. S’ils veulent dire que la parole précède la naissance pourquoi pas. La psychologie va dans ce sens. Il  a fallu toutefois qu’à un moment précis, la graine, comme disent les enfants, soit déposée par un homme - y compris par insémination- dans le sein de la femme. Enfin il y a ceux pour qui ce texte relève de la poésie. Le poète entre  en communion avec l’univers. Il évoque sans honte ses sentiments profonds. Il expose un regard intérieur. Or  ici, l’auteur se fonde sur des faits imaginaires qu’il voudrait faire passer pour des faits réels. Imaginaire et réalité sont indistinguibles.

            Ne fuyons pas le réel : Marie a couché avec un homme, soit Joseph avec lequel elle est fiancée, soit un autre. Quoiqu’il en soit et selon la tradition elle a commis une faute. Dans la  culture de l’époque, la femme qui trompe son mari doit être lapidée. Quant à la mariée elle doit rester  vierge jusqu’au soir de ses noces et le drap de la nuit nuptiale doit être taché de sang et présenté à la foule afin de prouver la virginité. L’enfant que porte Marie est illégitime. Or ici dans le texte, non seulement il n’est pas illégitime mais il est accueilli en grande pompe par le divin. C’est un affront direct à la morale ambiante. Le rejet de Jésus commence là. Scribes, pharisiens, prêtres, ne peuvent que condamner cet enfant né du péché.

            Mais cet enfant ouvrira la voie à une nouvelle façon de comprendre le divin. Dieu n’est pas celui au nom duquel condamnent les religieux ou, pour des motifs différents, le roi Hérode. Il est celui qui accueille l’humanité toute entière sans distinction. Aucun enfant n’est enfant de l’immoralité ou de  l’adultère. Tous sont enfants de Dieu. Jésus sera présenté comme le premier.

            Joseph n’a aucune raison de se plaindre s’il est le père de l’enfant. Si ce n’est pas le cas il montre que la filiation ne se réduit pas à la génétique. Il élèvera Jésus. Quant à Marie, en disant qu’elle est la servante du Seigneur, elle renonce à se culpabiliser comme le ferait toute fille enceinte sans l’avoir voulu. La culpabilité est la chose la plus tenace dont les humains ont bien du mal à se défaire. Loin de protéger d’une nouvelle erreur, la culpabilité en entraîne une autre pour effacer la première. Marie met fin à ce cercle infernal. Elle accepte la situation dans laquelle elle se trouve.

            Ce texte où la fiction s’appuie sur des faits imaginaires se met à parler   lorsque  l’impossible est mis de côté et remplacé par le réel possible, celui-là même qui est contenu dans la nature. Sans ce renoncement au surnaturel le texte enferme le lecteur dans une illusion qu’il pense être la foi. Il s’éloigne du réel et perd toute emprise sur lui. Le récit de Noël n’est plus opérant sur la réalité. Il a été récupéré  par l’activité commerciale qui prospère en enfermant les consommateurs dans le merveilleux et le rêve. Notons ici que la naissance miraculeuse ne peut plus, dans notre société, faire rêver. C’est pourquoi Noël s’est enrichi de bougies  guirlandes et autres lumières auxquelles s’ajoute un repas festif qui n’a rien à voir avec la sobriété et la simplicité de la naissance du divin enfant qui n’a pour ornement rien d’autre que ce qu’offre la nature.  Ce que voulait faire le christianisme en faisant briller Noël par la crèche ou le sapin illuminé, le monde païen et mercantile le réussit à merveille. Le sens se perd. Le religieux se maintient et prospère. La merveilleuse fête des lumières à Lyon en est un bel exemple. Il ne nous engage pas dans la réalité de la vie, il nous fait rêver.

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6 décembre 2019 5 06 /12 /décembre /2019 14:33

 

            D’une manière générale,  les civilisations se sont développées à partir d’un récit fondateur oral ou écrit qu’elles ont contribué à structurer. Ce récit a varié au cours du temps. Il s’est territorialisé prenant en compte l’environnement et le vécu du moment. Toutefois, les grandes lignes sont restées les mêmes parfois sur plusieurs millénaires. Ce récit est porté par la religion mais la référence qu’il constitue dépasse largement celle-ci. Il devient la base de toute une culture. Aujourd’hui beaucoup de français ne sont rattachés à aucune religion. Ils vivent et partagent cependant les principes fondamentaux et les valeurs des trois religions monothéistes : le judaïsme, le christianisme et l’islam.

            Le récit englobant les trois religions monothéistes se déploie aux Amériques du sud et du nord, en Europe, en Australie, et en partie en Afrique où il est en concurrence avec l’animisme et en Asie où il côtoie les religions orientales comme l’hindouisme et le bouddhisme qui ont pour  socle les vedas. Le point de départ de ce récit se trouve dans le premier testament de la bible dit plus couramment « ancien testament »  qui s’est constitué sur deux millénaires environ si on prend en considération les traditions orales  et si on considère que celles-ci s’enracinent dans un passé lointain qu’il n’est pas possible de dater. Le judaïsme a été porteur de ce récit qui s’étale sur plusieurs livres aussi divers que variés : la Genèse, des livres historiques, prophétiques, d’essais…On relève dans ces livres les fondamentaux qui sont encore en vigueur aujourd’hui. Citons les plus connus :

  • Dieu est un Dieu créateur, extérieur à sa création. Il est au-delà du perceptible et des possibilités de l’intelligible. On  dit qu’il est transcendant, au-dessus de tout. Il dirige le monde selon son gré. Il demande à être obéi. Il punit ou bénit.  Il remporte les victoires ou précipite dans la défaite.  
  • La terre est le centre de l’univers
  • L’homme est invité à se multiplier, à être fécond, à remplir la terre
  • L’homme  reçoit l’ordre d’assujettir la terre, de dominer la faune et la flore.
  • L’homme est le maître de tout. (Genèse chapitres 1 et 2).
  • La femme vient en second. Tirée de l’homme, elle reste dépendante de lui.
  • Elle désobéit et entraîne l’homme à la désobéissance.

Il y a eu des inflexions à ce récit au cours des deux premiers  siècles. Jésus, nommé le Christ introduit dans ce récit par ses actes et ses paroles, l’amour et  le pardon. Il donne des précisions, aujourd’hui irrecevables, sur la fin des temps : Des troubles surviendront, un messie interviendra, les morts ressusciteront. Introduit la notion de Royaume de Dieu qui se substituera à la terre actuelle. Six siècles plus tard, Mahomet considéré comme prophète  ira dans ce sens (le sauveur s’appelle Mahdi)  et le Coran énumère des signes annonciateurs (surconsommation de vin, phénomènes astronomiques) visibles de tous.

            C’est le récit des 3 monothéismes qui s’est imposé  face au monde gréco romain, mais aussi  égyptien, beaucoup moins monolithique et impératif. Aujourd’hui ce récit ne fonctionne plus. Depuis Galilée on sait que la terre n’est plus le centre du monde. La terre à force d’être dominée est épuisée. Elle ne pourra plus nourrir tous ses habitants. L’heure n’est plus au : croissez et multipliez. La science montre que toute chose a une cause réelle. Rien ne tombe du ciel. Une puissance surnaturelle apparaît de plus en plus improbable.  Les théories de l’évolution  s’affirment par rapport à celle d’une création définitive et sans changement. Une création dont le but premier de l’homme serait de la sauvegarder.

            Aujourd’hui, une question se pose : qui et comment s’écrira le nouveau récit qui deviendra une référence. Nous avons peut être un début de réponse dans la déclaration des droits de l’homme. Elle devient pour de nombreux pays une référence. Elle a supplanté les écrits de la bible ou du Coran. Citons aussi la cop 21.  Elle traite de l’évolution de la terre et des espèces qui la peuplent. Il ne s’agit pas seulement  de protéger et conserver ces espèces mais de leur donner la possibilité de s’inscrire dans le long processus d’évolution darwinien, en luttant par exemple contre l’invasion des plastiques.  Dans ce nouveau récit,  pourraient être intégrés  des  textes de Nietzsche pour qui la réalité humaine est tout entière devenir et métamorphose et de Spinoza selon lequel « Dieu c’est la nature ».  D’autres écrits viendront s’y ajouter parce qu’ils auront été reconnus  fondamentaux pour l’adaptation à une nouvelle manière d’être et de vivre.  Ce processus sera long comme l’a été celui de la composition de la bible. Les textes seront divers et variés comme le sont les textes bibliques.  Comme eux ils s’étendront dans le temps. Les récits de la bible et du coran n’ont été rassemblés  qu’après un long temps d’errance et sur un mode arbitraire.

            Soyons réaliste. Le récit de la bible comme celui du Coran, ne fonctionne plus aujourd’hui parce qu’il ne correspond plus aux évolutions de l’univers. Les religions monothéistes n’attirent plus  et ceux qui les fréquentent se radicalisent.  On ne peut que craindre  les crispations de ceux qui contre vents et marées veulent suivre ces écrits. C’est le cas des protestants fondamentalistes aux USA, des partisans de la charia ou des intégristes catholiques. Exégètes, interprètes et herméneutes auront beau se défendre, ils ne pourront pas empêcher l’émergence de ce nouveau récit. L’intuition des populations s’imposera. La fin des temps ne nous appartient pas. Elle ne peut pas être figée  dans les récits  connus,  crus et vénérés jusqu’à aujourd’hui. Elle ne se réduit pas à un évènement. Nous ne pouvons pas la préparer à partir de révélations surnaturelles. L’effondrement global de la planète n’est qu’une prophétie de malheur que l’on retrouve aussi bien dans les écrits de la bible, du coran,  chez certains théologiens de haut niveau, les zadistes et  d’éminents climatologues. L’univers (et notre planète avec) a mis des millions d’années pour être ce qu’il est aujourd’hui.  Il en faudra autant pour qu’il disparaisse mais,  comme l’homme ne peut en saisir ni le début ni la fin, il ne peut pas dire où nous en sommes  actuellement. Nous ne pouvons que nous engager dans les réalités connues et les aménager du mieux possible afin que l’évolution naturelle des êtres et des choses puisse se poursuivre bien au-delà du temps que nous sommes en mesure d’imaginer. C’est déjà une grande responsabilité.  

Celui qui a pour repère le Jésus des évangiles ne se placera pas dans une situation  d’attente. Il  laissera « le croire » pour « le lire ». Non pas lire  seulement les livres mais aussi la réalité du monde qui est toujours à déchiffrer.  Il s’attachera à l’éducation à l’indépendance pour tout homme afin que celui-ci  puisse s’émanciper des préjugés et des interprétations malveillantes.  Il renoncera à la brutalité et à la violence en contrôlant les sentiments de haine et de vengeance  afin que puisse se dérouler l’évolution du monde.   N’est-ce pas là, la description du ministère de Jésus le Christ, paroles et actes compris ?

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28 novembre 2019 4 28 /11 /novembre /2019 13:06

 

            Au mois de janvier devait se tenir une campagne de santé publique visant à rappeler que l’alcool n’est pas un produit anodin. Il peut devenir dangereux pour la santé de chacun et une menace pour tous les autres. Le « Dry january »  ou « mois sans alcool » nous vient d’Angleterre. Il s’agit de s’abstenir de toute boisson alcoolisé pendant un mois.

            Le gouvernement devait soutenir cette campagne. Selon la fédération française d’addictologie l’état aurait renoncé à  ce soutien. Etant donné le fonctionnement de notre république nous pouvons dire que l’initiative vient du président actuel. Les addictologues sont très mécontents.

            Il ne faut pas s’étonner de ce retrait de l‘Etat. Emmanuel Macron nous a habitué à ce qu’il soutienne les producteurs de vin. Au salon de l’agriculture après avoir congratulé les viticulteurs il déclarait boire du vin à tous les repas. D’autres déclarations avaient toujours pour but de soutenir la consommation de vin et aller dans le sens des lobbies. De telles déclarations de la part d’un président de la république sont très regrettables pour ne pas dire irresponsables au vu des  dégâts occasionnés par l’alcool dans notre société.

            Il m’est arrivé de recevoir des hommes et des femmes qui sans être dépendants de l’alcool s’interrogeaient sur leur consommation personnelle. Je leur conseillais de s’abstenir de toutes boissons alcoolisées pensant un mois après quoi nous ferions un bilan en une ou plusieurs séances. Les résultats étaient dans l’ensemble  très positifs.

            Tous relevaient qu’ils étaient moins fatigués, tout particulièrement après le repas de midi où ils avaient l’habitude de consommer du vin ou de la bière. (25 cl environ). Autre point commun, avoir ouvert les yeux sur les idées reçues au sujet de l’alcool du genre l’alcool réchauffe, il détend, il remonte le moral ou encore il donne un coup de fouet lorsque l’on est fatigué. Ils voyaient enfin autour d’eux les dégâts dus à ce produit.  

            Je me souviens d’un couple dont le mari demandait à sa femme de s’engager à conduire afin qu’il puisse boire au maximum pendant le repas. Il n’a jamais voulu se priver de vin. L’affaire s’est terminée par un divorce. L’alcool n’abime pas les chauffeurs seulement. Il abime aussi les passagers ! Le capitaine de soirée -ou SAM- vous le dira. Pas facile de conduire sans risques avec des passagers éméchés ! Heureusement ceux qui ont osé le « mois sans alcool » disaient avoir retrouvé une liberté perdue. Ils n’avaient plus  à se soucier de la quantité d’alcool bu pour prendre la voiture ou monter sur un toit.

            Quelques-uns  disaient avoir appris à dire « non » lorsque de l’alcool était proposé alors qu’ils ne souhaitaient  pas en boire. Ils reconnaissaient en avoir bu par manque de courage pour refuser. Les commerciaux étaient persuadés qu’un refus pouvait leur faire perdre une vente. Le « mois sans alcool » leur apprenait  que cette pensée était fausse.

            Au terme de cette expérience quelques-uns ont décidé de poursuivre  en s’abstenant de toutes boissons alcoolisées. Certains sont allés jusqu’à s’engager pour un temps dans des mouvements d’anciens buveurs par solidarité et par soutien pour des amis. La plupart, parce qu’ils n’étaient pas encore dépendants,  ont appris à consommer modérément avec la maitrise nécessaire. Ils disaient aussi avoir découvert le plaisir à boire un bon vin. Ils sont devenus plus difficiles tout en renonçant aux autres alcools !

            Dans un grand quotidien un socio-anthropologue déclarait que le point noir  c’était l’alcool au volant. C’est vrai. Plus d’un tiers des accidents mortels sont dus à la consommation d’alcool. Mais ne réduisons pas l’alcoolisme aux accidents de la route. N’oublions pas que dans quarante pour cent des féminicides l’alcool entre en jeu. Enfin, combien d’enfants souffrent de l’alcoolisme de leur père  ou de leur mère. Combien d’infidélités de toutes sortes dues à l’excès d’alcool. C’est un produit qui désinhibe  dans un premier temps puis enferme sur soi lorsque l’abus est prolongé.

             Soit notre président est peu sensible aux dégâts de l’alcool soit, comme l’écrit Nicolas  Machiavel dans « le Prince »,  il évite de dire la vérité au nom de l’ordre public, l’alcool étant ancré dans  la culture. Disons aussi qu’il manque de courage vis-à-vis des lobbies du vin parce qu’il  privilégie les entrées d’argent dans les caisses de l’état.  Sans espoir d’être entendu, je lui suggère de mettre une taxe supplémentaire de 0,5 à 1%  sur tous les alcools sans exception. Cette taxe aura très peu d’impact sur la consommation tout en faisant entrer beaucoup d’argent. Pourquoi le fait-on sur le tabac et non sur l’alcool ? Question de culture se défendent certains. Foutaise. Le tabac entre aussi dans notre culture et bientôt le cannabis. Faut-il rester pour autant les bras croisés ?  Enfin autre proposition : exiger un taux d’alcoolémie à 0 au lieu de 0, 50 g/L  actuellement, comme en Suède.  

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27 novembre 2019 3 27 /11 /novembre /2019 10:58

 

         Les opposants à la GPA (gestation pour autrui) ont remis sur le devant de la scène la marchandisation du corps.  Cette marchandisation était  perçue jusqu’ici  comme donnant lieu à un trafic d’organe. Fort heureusement en France le don d’organe ou de sang n’est pas rémunéré. Le corps médical, par éthique ou par intérêt personnel  semble adhérer à cette position. La gratuité des organes  peut servir à masquer le dépassement d’honoraire !   

            Dans la gestation pour autrui il n’est plus question d’un organe ou d’une partie de son propre  corps mais d’un corps venu d’ailleurs provenant de la rencontre d’un spermatozoïde et d’un ovule qui n’est pas celui de la mère porteuse. Ce corps se constitue et  grandit dans le ventre d’une femme.           En revanche les dépassements d’honoraires concernent bien le corps du patient quel que soit la spécialité du médecin. Celui-ci cherche d’une manière ou une autre à intervenir sur le corps et fait payer cette intervention. La rémunération est justifiée, ce qui ne l’est pas c’est la sur-rémunération. Dans ce cas le corps est utilisé pour faire du profit.

             La rémunération des médecins mérite  discussion jusqu’à ce qu’une entente entre le praticien et le patient représenté par la sécurité sociale et la mutuelle soit possible. Actuellement, cette rémunération est peut-être insuffisante. A titre d’exemple il semble que la consultation à 25 € chez un généraliste ne soit pas payée au juste prix. Ceci dit je n’ai pas les compétences pour en juger. Par contre je  considère que le praticien ne respectant pas le prix fixé me trahit et me vole. De deux choses l’une : Soit il ne se conventionne pas et dans ce cas le patient a la liberté de le consulter ou pas, soit il respecte les prix fixés. Il ne devrait pas avoir le droit de jouer sur les deux tableaux d’autant plus que ces dépassements d’honoraires se font à la tête du client qui ne peut  rien dire. Rien n’est négocié avec le patient qui n’a d’autres droits que celui de se taire et d’accepter. Le malade est méprisé.

               Le malade a beaucoup de difficultés à s’opposer à ce qui s’apparente  -osons le dire - à du racket. Le souffrant serait prêt à vendre sa maison pour être libéré. Alors il se tait. C’est ainsi qu’un dépassement d’honoraire s’apparente à une spoliation du plus faible n’ayant plus aucun droit. Par contre il est incompréhensible qu’un gouvernement laisse faire. Pourquoi n’oblige-t-il pas  sécu et praticiens à négocier le prix de toutes les prestations comme il le demande entre patronat et partenaires sociaux. Lorsque les deux n’arrivent pas à un accord, l’état impose sa loi.  Il est a noter que de droite ou de gauche, aucun gouvernement n’a eu le courage d’affronter la cupidité des médecins. Pire encore, les opposants systématiques que sont les extrémistes de droite comme de gauche, se taisent au sujet de ces dépassements d’honoraires. Ils craignent que les médecins cupides ne se vengent. Autrement dit, la crainte de la mort  leur dicte leur attitude. Le médecin est dans leur inconscient le Sauveur.  Blaise Pascal avait bien vu, l’homme cherche à tromper la mort.    

              Les médecins justifient ces dépassements d’honoraires  par une non revalorisation des rémunérations, par l’obligation d’une formation permanente, par le coût des assurances -c’est le cas des anesthésistes, ou par le coût et la longueur des études. Sur ce dernier point, étant moi-même père d’un médecin, je  peux dire qu’il est l’enfant dont les études  ont coûté le moins cher. Dès la première année, il avait la possibilité de travailler à l’hôpital pendant les vacances parfois le week-end. Certes il a été courageux. Ses frères et sœurs l’ont été tout autant. Ils ont eu beaucoup de mal à trouver un travail qui vienne compléter ce que nous pouvions leur donner afin de  poursuivre des études tout aussi longues. Actuellement pour un investissement dans le travail à peu près équivalent c’est lui qui est le mieux rémunéré. Il faut dire la vérité. Aujourd’hui les médecins sont bien payés eut égard à d’autres professions, pour un niveau d’études équivalent. Beaucoup le reconnaissent et leur plainte vise avant tout l’organisation des soins et les lourdeurs administratives. Mais il y a parmi eux des médecins dont le rapport à l’argent est de l’ordre de la cupidité. Parmi eux  se trouvent ceux qui réclament des dépassements d’honoraires parfois exorbitants. Ils sont le plus souvent  de très bons praticiens. Leur travail doit être reconnu et leur cupidité dénoncée. Les français gagneraient à se mobiliser pour mener ce combat. La médecine y gagnera et le serment d’Hypocrate sera honoré et prendra tout son sens.     

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24 novembre 2019 7 24 /11 /novembre /2019 11:40

 

         Des théologiens soucieux de renouveler la pensée chrétienne invitent à repenser le concept même de Dieu. Selon eux le théisme qui représente Dieu comme un personnage affublé de tous les qualificatifs caractérisant l’humain n’est plus adéquat au monde moderne. Se référant au premier commandement interdisant toute représentation du divin ils optent pour le mot « concept ».  Ce terme réunit des caractères communs à tous les objets appartenant à une même catégorie. Le mot fleur réunit les pensées, les œillets, les dahlias, les pâquerettes…. Le mot chien, les caniches, les dogues, les bassets… Le mot Dieu réunit  père, soleil, souverain, tout puissant, roc, seigneur…  Est-il possible alors de donner un nouveau sens au mot Dieu afin qu’il soit entendu autrement lorsqu’il est prononcé ?

            Le philosophe Kant  dans la critique de la raison pure distingue les concepts à priori ou purs et les concepts à postériori ou empiriques. Les premiers sont indépendants de toute expérience. Ils obéissent à ce qui est cru. Les seconds sont issus de l’expérience. Aujourd’hui les croyances relèvent  des concepts à priori. Lors du dernier séisme Drome Ardèche un homme participant au culte du dimanche dit : « j’habite au quatrième étage, j’ai prié et l’immeuble n’est pas tombé ».  Une femme déclare : « Je me demande ce que les teillois ont fait à Dieu pour qu’il détruise une bonne partie du village avec trois cent familles sans abris ». Chacun des cas est basé sur une idée préconçue. Le premier sur l’idée qu’une prière peut arrêter le malheur. Le deuxième sur l’idée que tout malheur est une punition de Dieu. Les habitants seraient la cause du séisme. Or l’expérience montre qu’aucun immeuble n’est tombé, l’intensité du séisme étant faible. Par ailleurs rien ne peut mesurer la méchanceté des gens du Teil. De quel mal s’agit-il ? Ceci n’a pas de sens. La nature est ce qu’elle est, Dieu n’y intervient pas. La puissance divine est contenue dans la nature déjà existante et en évolution. Attribuer le bien et le mal à un Dieu à qui il faut plaire et obéir, c’est faire de Dieu un être qui nous ressemble et projeter sur lui nos envies, nos désirs et nos souhaits. C’est mettre Dieu à notre service.

            Les croyances ont dominé de tous temps les religions et en sont encore le moteur. Tout ce que l’humain ne peut expliquer il l’attribue à une puissance divine appelée Dieu. Nous en sommes encore là. C’est le triomphe du théisme, un Dieu unique transcendant tel que le conçoit la raison sans aucune autre vérification. Hors aujourd’hui, nous constatons que l’univers et tout ce qu’il contient est de plus en plus déchiffré. La science scrute l’infiniment petit comme l’infiniment grand. Elle découvre que ce qui était attribué à Dieu a une cause réelle et sérieuse contenue dans la matérialité même de la chose. Giordano Bruno, Galileo et bien d’autres en ont fait les frais soit en maintenant leur découverte contre les doctrines de l’église, soit en abjurant pour éviter la mort. Pas besoin d’une causalité extérieure pour l’expliquer. Pas besoin d’un mystère si souvent revendiqué par les prêtres et les religieuses. En analysant tout ce qui se présente, objets et choses, en termes de compréhension et d’extension, on découvre que seul le concept d’un Dieu à postériori  se justifie. Dieu ne guérit pas les maladies. Ce sont les découvertes faites à partir de la nature qui rétablissent ce qui ne fonctionne pas. La chimiothérapie stoppe ou ralentit le cancer, ce n’est pas une intervention divine. Mais le divin présent en toute chose par essence reste toujours disponible pour tous sans que l’on ait à l’implorer. A l’humain d’apprécier ce qui fait obstacle à cette présence divine. De là, le comportement et l’attitude à adopter. Ils doivent rester en équation avec le réel de la vie.

            La difficulté vient de ce que la nature n’est pas figée. Elle évolue d’où la  pensée que Dieu intervient à la demande et selon les circonstances. Dieu lui-même évolue avec la nature. Les découvertes faites les unes après les autres nous renseignent sur la chose étudiée. De ce fait, elles nous font approcher le divin qui devient de moins en moins étranger. Dieu n’est plus mystérieux. Il se révèle chaque fois dans le fonctionnement complexe de chaque élément de la nature. Le concept Dieu est bien le concept empirique  dit à postériori selon Kant. Plus les connaissances avancent, plus il sera facile d’abandonner les conceptions théistes de Dieu pour se rendre disponible à l’atmosphère du divin.   

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20 novembre 2019 3 20 /11 /novembre /2019 21:43

 

           Il suffit d’aborder le sujet de la GPA pour que montent tensions et querelles. Du côté de l’église catholique c’est un non sans appel et pour son  bras armé  que sont les restes de la manif pour tous c’est quasiment une agression sinon physique en tous cas en paroles. Selon eux le partisan de la GPA ne mérite pas le titre d’humain. Les évangéliques, bible en main adhèrent à cette position. Restent les protestants réformés. Leur position est d’une très grande prudence. Les présidents de l’Eglise Protestante, de la fédération ou encore le professeur Sicard évitent soigneusement d’opter pour la GPA sans la rejeter explicitement.  On peut voir dans cette position  une continuité de la sagesse protestante cherchant non pas à ménager la chèvre et le chou mais chercher une solution adéquate à chaque situation. C’est ainsi qu’avait fonctionné l’ERF (Eglise Réformée) avec en particulier le professeur éthicien André Dumas au sujet de l’avortement. Entre une éthique normative et une éthique de situation, il proposait une dialectique inventive. Selon lui, l’empathie nous conduit d’aller à la rencontre des personnes pour voir ce qu’elles vivent et ressentent pour étayer la réflexion.

            Cet effort veillant à ne pas s’enfermer dans un camp est louable. Il permet dans le meilleur des cas de trouver des arguments utiles à communiquer au pouvoir législatif. Il dépassionne les débats et sensibilise ceux qui s’intéressent à la question. Mais une question se pose, comment entrer dans ces débats? Actuellement les oppositions sont si fortes et récupérées par les politiques qu’il est impossible de s’engager dans une recherche qui amènerait à trouver des solutions efficaces, durables et plutôt consensuelles. La prudence vis-à-vis de l’autorisation  de la GPA est  captée par ceux qui s’y opposent fortement, ils  transforment cette prudence en une opposition ferme et définitive fermant la porte à toute recherche. C’est dire qu’une telle position de sagesse n’est pas opportune actuellement. Il y a des moments dans l’histoire où il faut savoir renoncer à ce qui nous paraît juste et sage pour mettre en route ce qui permettra d’aller de l’avant. Des protestants m’ont appris qu’au début de la dernière guerre beaucoup voulaient négocier, chercher des solutions jusqu’au moment où le refus et la violence de l’ennemi  les ont conduits dans la résistance. Certains regrettaient de ne pas y être entrés plutôt. Ils considéraient  qu’ils avaient été aveuglés.

            Il n’est pas impossible que ceux qui hésitent aujourd’hui à s’engager dans l’aménagement de la GPA le regrettent un jour. Elle est inéluctable comme l’était la question de l’avortement ou de la reconnaissance du mariage pour tous. Nous sommes impuissants devant les vagues qui déferlent sur le monde, nous ne pouvons qu’aménager leurs effets. Peu importe que nous soyons pour ou contre la GPA, elle est là. Dans le monde entier il manque des enfants à adopter. Des femmes en Inde cherchent à être des mères porteuses afin de pouvoir donner à manger à leurs propres enfants. D’autres cherchent par ce moyen des  revenus complémentaires. D’autres encore y sont obligées par des souteneurs comme le sont les prostituées.

            Les opposants et les prudents justifient leur position pour, disent-ils,  éviter la marchandisation des corps. C’est leur cheval de bataille. Ils n’ont pas pris conscience qu’ainsi, ils encourageaient le marché noir. Celui-ci se développe partout où il y a des manques. La demande devient si forte que tout est mis en œuvre, y compris le pire, pour répondre à ce manque. On le voit avec la drogue. On va jusqu’à tuer pour s’en procurer. Les uns pour fumer, les autres pour s’enrichir. Le refus d’en organiser le marché crée le chaos. Les américains ont connu la même chose avec la prohibition de l’alcool. Pendant la guerre tous ceux qui le pouvaient cultivaient clandestinement du tabac qu’il ne trouvait plus chez le marchand. Aujourd’hui le cannabis interdit a remplacé le tabac.

            Le  temps  est venu de dire oui à la GPA, non pour laisser filer la marchandisation des corps mais pour lutter contre elle de manière la plus efficace possible. Pour que la GPA devienne possible, qu’elle ne détruise ni la mère porteuse, ni l’enfant, ni les parents demandeurs,  il y a un très gros travail de réflexion et de mise en place à mener. Ce travail ne commencera pas tant que nous resterons dans la condamnation, le rejet ou l’hésitation. En attendant, hommes et femmes en mal d’enfants chercheront à s’en procurer à l’étranger - peut-être même en France,- dans les pires conditions. Les protestants feraient preuve d’une grande responsabilité éthique en s’engageant dans cette voie difficile. Ils peuvent le faire comme ils l’ont fait pour le mariage pour tous.     

               

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15 novembre 2019 5 15 /11 /novembre /2019 20:51

 

            Le jour même où votre livre est sorti, je me suis précipité à la librairie habituelle. Je n’ai pas eu de mal pour me le procurer. Il trônait dans la vitrine.   Il y en avait deux piles sur les étals à l’intérieur. Le livre de jean Paul Dubois prenait place aux côtés du votre. Le nombre de livre était  à peu près le même. Le libraire avait vu juste.  Vous avez été, les deux auteurs, retenus pour le Goncourt. Le livre de JP Dubois a retenu mon attention probablement parce que l’un des personnages  est, comme moi, pasteur. Paradoxe, l’humain est toujours à la recherche de ce qu’il croit être déjà!  Le titre de votre livre  m’a interpelé : Soif.  Je n’ai pas eu à le feuilleter pour me convaincre de l’acheter. Les humains ont toujours soif.  Ils cherchent sans relâche à étancher cette soif sans jamais y arriver. Le livre m’intéressait. Surprise supplémentaire, le héros principal était Jésus. S’il est facile de disserter sur Dieu qui se prête sans résistance à des raisonnements philosophiques, il est bien plus compliqué de parler de Jésus. Le divin fait rêver. L’humain tracasse. Quoique l’on puisse dire et écrire sur Jésus, auditeurs et lecteurs sont toujours insatisfaits. Telle est en tout cas mon expérience. Les catholiques en font un Dieu et s’adressent à lui comme tel. Quant aux protestants, je ne sais pas très bien où ils en sont. Eux aussi croient au  père, au  fils et au Saint Esprit mais réfutent l’expression « mère de Dieu ». Jésus ne serait donc pas Dieu selon eux ! Ce n’est pas très clair et s’ils rejettent l’expression « mère de Dieu » ce n’est pas pour nier la divinité de Jésus  mais pour s’opposer au catholicisme au sujet de la vierge Marie qui ne serait pas montée au ciel (assomption) et n’aurait aucun rôle aujourd’hui auprès de Dieu. Elle est morte comme tous les mortels.  Comme eux,  elle attend la résurrection. Seul, Jésus le Christ est ressuscité.

            Dès les premières pages, j’ai apprécié la liberté avec laquelle vous cherchez à comprendre qui est ce fameux Jésus. On sent bien que votre préoccupation est sincère. Vous ne vous laissez pas intimider par les définitions de l’église. Vous ne suivez pas les compréhensions habituelles et canoniques. Ceci est d’autant plus remarquable que vous avez grandi dans un milieu religieux  classique. Votre démarche est toute personnelle à l’image de ces catholiques tels Luther, Calvin, Jean Hus et tant d’autres qui ont osé dire ce qu’ils découvraient par eux-mêmes dans la lecture des Ecritures.  Ils l’ont affirmé avec force et détermination. Ils ont été exclus de l’église. Certains l’ont payé de leur vie. L’histoire les a appelés Réformateurs, protestants, vaudois, huguenots  et bien d’autres noms encore selon les lieux où ils se trouvaient. Certes, aujourd’hui vous ne courez aucun risque en disant ce qui n’est pas catholiquement correct mais en vous imaginant dans ces siècles passés on ne peut que constater que vous ne vous seriez pas tue tant votre désir de connaitre et de comprendre vous tenaille. Ces deux verbes sont synonymes de liberté et honorent ceux qui s’y engagent quel que soit le chemin pris par la suite.

            Merveilleuses sont les pages décrivant la relation de Jésus avec Madeleine. Et peu importe que ces relations aient existé ou pas. Nul doute qu’elles vont scandaliser ceux pour qui Jésus est un Dieu empli de pureté. Ils se trompent. Les Dieux ont fait du sexe leur spécialité. Il suffit de regarder vers l’Olympe pour constater combien Zeus, leur maître, les entraîne dans cette activité. Les humains s’en régalent. Ce sont des voyeurs. Ils réduisent l’amour à la sexualité et le confient aux dieux. Le récit de la nativité selon lequel  la puissance du Très Haut couvre Marie de son ombre afin  qu’elle devienne enceinte est une trace de cette vision des dieux auxquels est réservé l’acte sexuel créateur. Jésus, à l’inverse, vit et pratique tout amour.  Il ne le réduit pas à une seule dimension. L’amour empreint toutes ses relations. Il est différent selon qu’il a devant lui un homme, une femme un animal ou un élément de la nature. Au sein même de chaque groupe il manifeste ces différences. Il n’a pas la même relation avec Madeleine et avec la samaritaine, avec Pierre et avec Jean, avec l’aveugle et le possédé de Gaza, avec la brebis perdue et celle restée au bercail, avec le figuier stérile et les épis de blé… Il manifeste ainsi en toute liberté sa totale humanité et son intérêt pour la création toute entière.  Il est pleinement homme tout en étant différent des autres humains. Les œuvres pieuses, peintures et sculptures, soucieuses de marquer la différence entre Jésus et les humains ordinaires le présentent asexué. Vous montrez au contraire qu’il est pleinement homme parce qu’il a le sexe et les sentiments des humains. Comment les chrétiens pourraient-ils regarder à lui, le prendre comme modèle et souhaiter qu’il vive en eux  s’il en était autrement?

            Le monologue de Jésus lors de sa passion est riche en réflexion. L’amour s’y manifeste à toutes les pages quels que soient les auteurs mis sur le devant de la scène. Avec les deux crucifiés Jésus montre clairement combien la morale serait inappropriée pour juger. Vous lui faites dire : « Car si j’ai aimé ce qu’a dit le bon larron, j’ai aimé aussi la fierté du mauvais, qui n’était d’ailleurs pas mauvais ». Cela ressemble à du Spinoza commenté par Deleuze. Comment ne pas citer ce qu’il dit concernant les femmes : « non, je ne préfère pas les femmes. Je crois qu’elles me protègent. Je n’attribue pas cela à autre chose qu’à la douceur de mon comportement envers elles, qui n’est pas dans les mœurs des hommes d’ici...L’amour qui me consume affirme que chacun est irremplaçable ». Jésus trouve moins lourde la croix qu’il doit porter parce que Simon voulait s’en charger alors qu’il a été empêché par un soldat romain. « Ce miracle dit Jésus, car s’en est un, ne me doit rien. Trouvez-moi une magie plus extraordinaire dans les écritures. Vous chercherez en vain ». Le miracle ici n’est ni magique ni surnaturel. Il est le fruit du soutien que Simon veut apporter à Jésus. A travers Jésus vous présentez Dieu ne se manifestant ni par solidarité ni par compassion mais seulement par son existence. Il n’est pas cet être suprême juge et dominateur campé dans son ciel, il est, dites-vous, dans le geste, dans  l’instant, dans l’émerveillement, dans l’éblouissement. Dieu n’est pas le bien. Il est amour : «  L’amour n’est pas le bien. Il est une intersection entre les deux (le bien et le mal) et encore pas toujours ».  Avec Marie et Joseph, vous placez l’amour au-dessus de la passion : « Mes parents n’étaient pas amoureux l’un de l’autre, mais ils s’aimaient beaucoup ». Avec les disciples vous montrez comment Jésus les accueille dans leur différence. Pierre et Jean ne se ressemble pas mais  chacun a sa place : «  je sais que l’écoute de Jean est amour et me bouleverse », « je sais qu’il me reniera mais il m’inspire une telle confiance ». Judas se juge négativement, il ne supporte pas d’être aimé, Jésus répond par la patience et la persuasion.  La trahison de Judas s’expliquerait donc par sa dévalorisation, sa culpabilité, son impossibilité d’accéder à l’amour et à la considération qui lui sont portées. Jésus ne lui en veut pas.  

            Ces derniers temps, j’ai eu l’occasion d’entendre des théologiens catholiques et protestants. Ils étaient indifférents à votre texte. Ils laissaient entendre qu’ils ne s’abaisseraient pas à le lire. Leur ironie était parfois teintée de mépris. Or, dans les  pages de votre livre vous faites triompher un amour incarné dans les hommes et les femmes côtoyés par Jésus. Tous portent en eux un trésor. Alors, je m’interroge : le christianisme aurait-il renoncé à cet amour ? Je ne peux pas le croire. Les églises se soucient du prochain, parfois avec maladresse, souvent  avec sincérité. Attachés à la rigueur du texte, ils ont du mal à accepter la fantaisie de l’imagination. Que l’on puisse inventer des paroles et des comportements attribués à Jésus leur est insupportable. Ils feignent ignorer que les évangiles ne contiennent que des paroles attribuées à Jésus. Certaines ont été entendues, d’autres modifiées, d’autres  entièrement  inventées. Le but de Matthieu, Marc, Luc et Jean, auteurs des évangiles n’étaient  pas de faire un reportage mais de construire un récit, (nous pourrions dire  une légende), concernant le personnage de Jésus. Ce récit a été validé par l’histoire,  il est devenu fondateur. D’autres ne l’ont pas été, ce sont des apocryphes. Votre texte est en quelque sorte un apocryphe. Il n’est pas l’histoire comme vos détracteurs le voudraient, il est une histoire. Les évangélistes ont compris que Jésus n’est pas un être en soi mais que le regard que nous portons sur lui le crée et le recrée. Il n’est pas figé dans une écriture ou dans un dire. Comme Socrate ou Bouddha, Jésus n’a rien écrit. Ces théologiens oublient combien le roman permet de transmettre des sentiments et d’approcher ainsi une réalité vécue. Il permet de se mettre dans la tête d’un autre. La pensée y prend plusieurs directions. Les mots s’y bousculent pour créer, inventer. Plus étonnant encore, ces penseurs de Dieu  négligent les traits de lumière qui peuvent jaillir d’une histoire racontée. Proust, Sartre, Camus, pour ne citer que les plus proches, en sont les témoins. Roman et pensée philosophique s’entremêlent avec bonheur. Les traits de lumière sont nombreux dans votre texte. Ils pensent l’humain. Ils pointent la vérité. Je ne résiste pas à en citer encore quelques-uns :

« Il n’y a pas de causalité amoureuse puisqu’on ne choisit pas, les parce que, on les invente après pour le plaisir ». « Comment s’étonner que la soif mène à l’amour ? Aimer cela commence toujours par boire avec quelqu’un ».

 « Il n’y a pas d’art plus grand que celui de vivre ». « La flamme de la vie ne vacille pas ».

  « L’amour est une histoire, il faut un corps pour la raconter ». « Avoir un corps, c’est ce qui peut arriver de mieux ». « Si Judas avait davantage habité son corps, il aurait possédé ce qui lui manquait : la subtilité. Ce que l’esprit ne comprend pas, le corps le saisi ».

« Nul besoin de croire en quoi que ce soit pour sonder le mystère de la présence ». « Concentre-toi », dit-on. Cela signifie « rassemble ta présence ».

 « La joie ne coule pas de source, le très bon vin est souvent l’unique moyen de la trouver ». « L’ébriété délivre de la pesanteur et donne l’impression que l’on va s’envoler. L’esprit ne vole pas, il se déplace sans obstacle, c’est différent ».

« …l’espoir et la peur sont l’envers et l’endroit d’un même sentiment, pour ce motif, il faut renoncer au deux ».

« Mourir, c’est faire acte de présence par excellence. Je n’en reviens pas de ces gens innombrables qui espèrent mourir dans leur sommeil ».

            Plus difficiles sont les pages sur les réflexions de Jésus en croix. La liberté du texte romancé atteint ici ses limites.  La souffrance causant la perte de la lucidité, le supplicié peut-il encore penser ? Le lecteur est mis à rude épreuve. Placé en position de voyeur, sans possibilité d’intervenir, il est en souffrance lui aussi. Accorder un tant soit peu de  vérité aux propos du crucifié devient alors compliqué. Les atrocités ne réjouissent que les bourreaux volontaires et idéologisés. L’actualité nous apprend que le terroriste avant de passer à l’acte se nourrit d’images  de tortures et d’exécutions. Voir le Christ se tordre de douleur sur une croix ne favorise  ni  la réflexion ni  l’édification. Nombreux sont les protestants qui ont renoncé au crucifix au profit d’une croix simple et entièrement dépouillée. Les huguenots sont allés jusqu’à symboliser cette croix par « la croix huguenote » construite  sur la base de la croix de malte à laquelle ils ajoutent une larme ou la colombe. Selon eux le salut passe avant tout par la résurrection. Des milliers, voire des millions d’humains ont été torturés dans le monde, beaucoup le sont encore, seul  Jésus est ressuscité. Il est devenu Christ parce qu’il est proclamé ressuscité et non parce qu’il a été torturé. Ceci contraste avec la culture de la croix ou Jésus est représenté sanguinolent comme dans les cellules de moines du couvent-musée San Marco à Florence. Dans chaque cellule le peintre Fra Angelico a peint un tableau du Christ (nous devrions dire  Jésus)  en croix saignant de ses membres et de son corps.

               Vous vous êtes émancipée de la religion catholique dans sa forme et dans sa tradition. Je retrouve cependant ici la théologie de la croix et du martyr qui marque  tant  l’église catholique encore aujourd’hui. Le crucifix reste son symbole le plus courant et le plus visible y compris dans l’espace public. Je me suis souvent demandé pourquoi un catholique mal à l’aise dans son église, a autant  de mal à la quitter. « C’est parce que l’église est notre mère » me suis-je souvent entendu dire.  C’est vrai.  Il est  plus facile de quitter  le père que la mère.  Le cordon ombilical  résiste. Il n’est jamais tout à fait coupé. Tant pis pour Dieu, tant mieux pour l’église ! Mais à voir l’insistance  avec laquelle vous maintenez  Jésus sur la  croix, je ne peux pas m’empêcher de penser que le supplice attire et repousse à la fois. Lorsque les exécutions  avaient lieu sur la place publique une foule de badauds se précipitait sans qu’il y ait des sentiments de vengeance. La mort fascine. Là est une des raisons pour lesquelles la crucifixion l’emporte sur la résurrection dans la pensée des hommes et des femmes du monde.

               Je ferai la même remarque sur l’idée qui est la vôtre selon laquelle Jésus se serait trompé en acceptant de  s’offrir en sacrifice pour l’humanité. Je  retrouve la théologie sacrificielle de l’église selon laquelle Jésus a donné sa vie pour nos péchés. Vous vous représentez Jésus comme faisant tout ce que son père lui a ordonné. Il regrette - mais trop tard, la croix est déjà là, d’avoir accepté une pareille mission. Cette obéissance à Dieu vous trouble.  Vous faites de cette histoire entre le père et le fils, l’histoire d’une émancipation, Jésus s’opposant à son père au moment de la crucifixion, se sauvant ainsi lui-même en quelque sorte. Il serait plus simple me semble-t-il d’abandonner cette vision de Dieu - et vous le faite sans en prendre la mesure dans toute la première partie - pour éviter à la fois la naïveté menant  à une obéissance servile et l’erreur, reconnue par la suite, dont aurait fait preuve Jésus selon vous.  Cela nous éviterait d’être, à notre tour, les victimes du Dieu selon nos représentations, comme Jésus l’a été lui-même lorsqu’il s’imagine selon vous qu’il n’avait droit « ni à la sexualité ni à l’état amoureux ».

             Enfin vous faite dire à Jésus de très belles choses sur l’amour et le pardon. L’amour ce n’est pas mener une vie de chien, ne s’autoriser aucun plaisir et se tuer au travail pour laisser un héritage aux enfants.  L’amour ce n’est pas se haïr, se faire du mal pour le  bien des autres. L’amour ce n’est pas ne pas exiger une punition pour celui qui se conduit mal envers moi, ce n’est pas une obéissance aveugle au commandement « aime ton prochain comme toi-même ».  Pardonner n’est pas seulement un élan du cœur qui n’exige aucune contrepartie. La souffrance de l’Un, n’efface pas celle des autres. En lisant toutes ces belles paroles, ici encore j’ai l’impression de me retrouver dans les questions habituelles de l’église au sujet de l’amour et de tourner en rond. L’église veut faire de l’amour et du pardon des fondamentaux qui sont devenus inadéquats avec le contexte actuel. Au nom de l’amour et du pardon on laisse des injustices prospérer, on ne sanctionne pas ce qui défavorise et pourrit la vie des autres. Ces deux vocables, amour et pardon, enferment l’église et cela d’autant plus que ses membres sont dans l’incapacité de vivre ce qu’ils prêchent. Son histoire en témoigne : inquisitions, intolérances, agressions, violences, guerres. La liste est longue et interminable tant ce qui ne fait pas « amour » est multiple. Ne serait-il pas plus sage de se tourner vers la pensée grecque qui s’intéresse à divers type d’amour (philéia : amitié, amour bienveillant ; eros : amour naturel, plaisir du corps ; storgé : affection familiale ; agapé : amour désintéressé, inconditionnel) et à la qualité des liens qu’ils définissent avec les autres et avec les choses. En Espagne par exemple,  on n’aime pas sa femme  avec le même mot avec lequel on aime les gâteaux : quiero la mujer, me gustan los pasteles. Par ailleurs, l’amour ne se manifeste pas seulement dans le lien avec les autres mais aussi  dans l’accueil qui est fait à toutes les structures, religieuses, politiques, culturelles,  supportant les différences. Dans « la religion de l’amour », Ibn Arabi, poète soufi andalou écrit : « Mon cœur est devenu capable d’accueillir toute forme. Il est pâturage pour les gazelles et abbaye pour les moines ! Il est un temple pour idoles et la Ka’ba pour qui en fait le tour, il est les tables de la Torah et aussi les feuilles du Coran ! La religion que je professe est celle de l’amour ».

              Ces remarques n’enlèvent rien à votre roman en forme de conte philosophique où se mêlent subtilement légèreté et profondeur.  Il était important de comprendre ce qui a pu vous motiver et vous pousser  dans cette direction. Votre livre laisse entendre un « non »  très clair aux conceptions classiques de l’opinion en général et des religions en particulier concernant Dieu et le Christ. J’ai envie de dire bravo avec toutefois cette réserve : vous faites encore votre, sans doute  à votre insu,  les croyances et les errements de l’église. Nombreux sont les chrétiens qui voudraient s’émanciper du Dieu et du Christ de l’église pour rencontrer le Dieu et le Christ de leur intelligence, de leur intuition et de l’évangile. Ils n’y parviennent  pas. L’église semble les avoir marqués à vie au fer rouge, le fer de la peur et de la culpabilité en particulier. Il y a pour eux des zones sacrées auxquelles ils s’interdisent de  toucher. La rupture ne peut pas être totale. Un lien avec l’institution s’impose. C’est ce qui se passe pour vous lorsque vous dites avoir été bien reçu par un prêtre ouvert et moderne qui vous a proposé d’officier à la messe avec lui.  Vous semblez avoir besoin de ce lien. Est-il possible à vous et - je le précise avec force - à nous tous, d’aller au bout de la liberté pour penser le Christ ?

              Je reviens à la soif qui est le titre du livre. Comme vous semblez le dire, comment ne pas être d’accord avec cette idée qu’il faut éviter d’étancher totalement la soif. Michel Tournier faisait de soif son mot favori : « un homme qui n’a pas soif n’est pas un homme qui vit». Cette soif toujours présente, d’autres l’appellent désir. Gaston Bachelard  différencie  le  désir du besoin. Le besoin dit « assez, assez ! »(On ne boit plus quand on n’a plus soif). Le désir crie « encore, encore ! ». Il n’est jamais satisfait.  Il est une force qui entraine toujours plus loin, parfois dans une impasse voire un précipice comme l’addiction. Pour Spinoza, « le désir est l’essence de l’homme, c’est à dire l’effort par lequel l’homme s’efforce de persévérer dans son être ». Il entraine vers  la vie. L’homme est un être de désir. Beaumarchais notait que  le désir distingue l’homme de l’animal.  Jésus aurait-il renoncé au désir, autrement dit à la vie ?  Impossible. Il  opte pour la vie dans ses actes comme dans ses paroles. Il se dit être le pain de vie et sur la croix il s’écrie « j’ai soif » parce que l’eau c’est la vie.   Mais plutôt que d’écrire comme vous le faites, « pour éprouver la soif, il faut être vivant », je pencherai pour « l’épreuve de la soif nous rend vivant". La soif apparait lorsque nous sommes malades de la fièvre, ou déprimés, ou paralysés par la peur, ou tout simplement après un coup de chaud. Ensuite ce n’est pas la soif qui vivifie mais l’eau dont on s’abreuve. On sait aujourd’hui combien il devient difficile d’obtenir de l’eau pure, riche en minéraux et non polluée.

PS : Jour J pour vous. J’apprends en direct que le Goncourt vous échappe. La cause je ne la connais pas. C’est peut-être parce que votre livre est empreint de religieux. Celui-ci domine dans toutes les pages. Ce religieux paraît coupé de la vie, du monde. Je ne vous cacherai pas qu’à la fin je trouvais l’histoire lassante pour ne pas dire morbide. Jésus tourne autour de lui-même. L’évangile le présente tourné vers les autres. Il n’existe pas sans les autres. Jésus existe chaque fois que cet autre s’accomplit pleinement dans son humanité.  Il n’est retenu ni sur la croix ni dans son tombeau. Jésus est l’homme accompli, il n’a pas d’autre lieu que l’humain. Il s’accomplit en l’homme. Le livre de Jean Paul Dubois qui vient d’obtenir le Goncourt tient en haleine parce qu’il décrit ce chemin qui mène à l’accomplissement de chacun depuis la place qu’il occupe. Votre livre laisse le lecteur bien seul après avoir enduré le spectacle d’une mort cruelle.

            Enfin Madame, faites- moi la grâce d’apparaitre sur les plateaux de télé habillée de noir avec le grand chapeau.  Telle était la tenue de ma grand-mère. Il n’y a aucune dérision dans ma demande. Loin de moi de vous comparer à elle, ni pour l’âge ni pour la beauté, encore moins pour son état physique. Cette paysanne était courbée à quatre- vingt dix degrés tant le travail de la terre était dur et difficile. Ceci l’obligeait à poser son magnifique chapeau sur un magnifique foulard noir noué sous le menton. Ce foulard cachait sa calvitie et retenait le chapeau sur sa tête.  Elle était toute habillée de noir parce que disait-elle « je suis veuve et tu n’as pas connu ton grand père.» Mais qu’elle était belle ma grand-mère ! Le teint de la peau du visage contrastait avec le noir de ses habits. Cette peau était ridée avec une telle régularité, une telle grâce et une telle harmonie que, cinquante après, j’y pense encore. Courbée, elle devait relever la tête pour me regarder. J’étais émerveillé. Lorsqu’apparaît votre chapeau, me revient le visage de celle que j’appelais «  Mémé ».

Bonne route, Amélie et merci pour votre œuvre littéraire.

              

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13 novembre 2019 3 13 /11 /novembre /2019 09:23

 

          Deux ans après son mariage, Pierre reprochait à son père de ne pas avoir consacré le soir de Noël et du premier de l’an à toute sa famille. « Pour les fêtes, il fallait toujours être avec les autres, les isolés, les  paumés,  les sans famille, les sans domicile fixe, jamais entre nous seulement » disait-il avec rancœur. Et de comparer avec sa belle-famille où  la soirée de Noël était sacrée et se passait en famille avec le grand père, la grand-mère, les parents et  les enfants. Pierre avait raison. Son père pasteur, soucieux d’offrir aux isolés un lieu de vie pour la fête organisait avec toute une équipe une soirée festive à laquelle participaient son épouse et ses enfants. Certes, le matin les enfants trouvaient dans la cheminée les cadeaux du Père Noël mais Pierre déclarait  ne jamais  avoir apprécié ces soirées. Il se disait avoir été frustré toute son enfance.

            Ce reproche avait blessé profondément le père qui, année après année, avait pris soin d’emmener ses enfants à ces soirées. Il pensait leur faire découvrir un monde autre et les sensibiliser à la réalité de la vie. Il pensait leur faire découvrir combien la joie peut être dans les choses simples et pauvres de la vie. Par ailleurs les enfants étaient heureux durant ces soirées, ils attiraient l’attention de tous les participants qui jouaient avec eux et pour les plus âgés les gâtaient de toutes sortes de friandises.

            Aujourd’hui, Pierre a des enfants adolescents. Lors d’un repas de famille une de ses filles s’est montrée cruelle lui reprochant de privilégier son travail au détriment de la présence parmi les siens. Pour elle son père néglige la vie de famille. Elle va jusqu’à l’accuser de préférer le travail à la famille .Il est vrai qu’assumant de nombreuses responsabilités, Pierre rentre tard le soir et  part très tôt de chez lui le matin. De plus il dort deux nuits par semaine à l’hôtel à plus de deux cents kilomètres du domicile familial. Présent lors de ce repas, le père de Pierre trouve les propos de sa petite fille excessifs. En effet il admire son fils qui joue et dialogue avec ses enfants bien plus que lui ne l’a fait à l’époque où  Pierre  était adolescent. Il remarque d’ailleurs combien la femme de Pierre est solidaire de son mari qui trop absent peut-être de la maison, se rattrape largement en étant pleinement disponible pour eux, lorsqu’il est présent.

            Se souvenant de ce terrible moment où il s’était retrouvé accusé par son fils, le père de Pierre se dit que le manque ressenti par l’enfant à l’égard de la présence du père, et plus largement à l’égard de ses parents, est constitutif de sa personnalité. Un enfant ayant le sentiment d’être comblé se verrait bloqué dans son désir de grandir, d’inventer et créer des choses nouvelles. Le décalage entre ce que le jeune adulte attend et ce qu’il reçoit est une nécessité. Il  nourrit la liberté indispensable au fonctionnement de l’imaginaire,  du rêve et de l’action. Il permet une mise en route permanente. Ce décalage aide les parents qui voudraient retenir leur enfant au prétexte de l’aider. Il les invite à ne pas chercher à corriger ce qui leur est reproché afin d’assurer à leur enfant la liberté des choix utiles à la  vie. Ce décalage précipite  l’enfant hors du nid. Il  induit une frustration qui lui sera profitable pour acquérir son indépendance vis-à-vis des parents.    

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5 novembre 2019 2 05 /11 /novembre /2019 21:40

 

           Aujourd’hui, il y a de moins en moins de participants aux offices religieux, tout particulièrement aux messes et aux cultes, alors que les groupes de méditation sont de plus en plus nombreux. Ceci ne veut pas dire que les adeptes des offices religieux se dirigent vers la méditation. Le plus souvent les chrétiens qui délaissent l’église ne cherchent pas à remplacer les moments cultuels. Ils se tournent en priorité vers des activités sportives comme le footing, ou de loisirs comme la pêche ou la chasse.  Quant à ceux qui se tournent vers la méditation, ils ne cherchent pas à retrouver  les habitudes de l’église ou du temple, habitudes  qu’ils n’ont jamais connues dans la plupart des cas.

            Pour faire court nous dirons que l’office religieux oriente vers Dieu qui est extérieur à l’homme. Il invite à lever les yeux vers le ciel et à prier dans l’attente d’un exaucement venu d’une puissance extérieure. La méditation recentre la personne sur elle-même, sur son corps et sa pensée. Les séances invitent à prendre conscience des parties du corps les unes après les autres,  à regarder l’évolution de sa pensée  et à s’intéresser à sa respiration.

            Ces deux activités, l’une tournée vers le ciel et l’autre vers la terre ne semblent jusqu’ici ne rien présenter de commun. Certes dans l’église on parle de méditation mais celle-ci reste tournée vers Dieu. L’humain y est invité à s’oublier pour faire la place à Dieu.

            Cette impossibilité de mettre en perspective messe ou cule  et méditation moderne vient essentiellement de la conception que la plupart des croyants ont de Dieu. Le Dieu de l’opinion et des croyances qui est le leur, mais aussi celui des incroyants, est un Dieu où  l’humain et le divin ne peuvent se mêler. L’interprétation habituelle du  mythe de la création laisse entendre que Dieu et l’homme sont séparés. Le fait que l’homme soit construit  de terre mais aussi de souffle divin, n’est pas retenu. Le souffle devient autonome, il n’est pas Dieu en l’homme. Tout se passe comme si la parole créatrice avait séparé le créateur de la créature.  La pensée chrétienne pose Dieu en dehors de l’homme. Offices et prières s’adressent à un Etre extérieur. Dieu n’est pas invité à se mêler au corps et à l’esprit de l’homme. Il est invité à intervenir depuis la place où il se trouve sans s’incarner dans les humains.  

            Une conception qui penserait  Dieu, non comme un être parfait, fini, étranger à  la création,  mais présent dans le réel et en toute chose, absolument infini, plus simplement comme esprit pour le dire comme Jésus à la samaritaine, pourrait non seulement concilier prière et méditation mais encore, enrichir l’un par l’autre.  Imaginons une méditation où l’homme ne travaillerait pas seulement avec son corps mais offrirait ce corps au divin. Une méditation où il ne respirerait pas seulement de l’oxygène et de l’azote mais l’esprit du divin. Une méditation où le divin,  présent dans le corps et l’âme de chaque être serait ressenti comme une réalité. Faciliter l’incarnation du divin dans tout ce qui existe, êtres et choses, sachant que cette présence divine en chacun de ces « étants » assurerait des apports différents dans le monde. La méditation ainsi pratiquée fera du corps un corps vivant parce que humain et divin y seront mêlés.  

            L’apôtre Paul ne dit pas autre chose lorsqu’il invite à offrir son corps en sacrifice vivant et saint. Le Dieu de la bible ne se perçoit qu’à travers les intuitions de ceux qui s’y réfèrent et pas à travers ce qu’ils en disent. L’humain ne peut pas se saisir de Dieu. Y compris les prophètes et les  saints. Ils disent beaucoup de bêtises au sujet de Dieu. Mais au-delà là  leurs paroles, il y a l’intuition du vrai Dieu, qui paradoxalement ne peut être déclaré comme vrai, au risque d’en faire une idole.  Dieu ne peut être saisi qu’au-delà des perceptions par les sens et par la pensée. Les mots ne peuvent pas dire Dieu. La présence de Dieu est comme un souffle. Il n’est pas possible de l’enfermer, ni dans une idéologie, ni dans une boîte, ni dans un édifice aussi religieux soit-il. La présence de Dieu est en tout et tout est en Dieu.

            Concrètement, se pose la question du comment vivre ce temps de méditation où le divin aurait sa place. Le plus simple serait, en tous les cas pour les protestants, de repenser le culte afin qu’un temps -qui pourrait se substituer à ce que nous appelons liturgie et qui n’en serait qu’une nouvelle modalité, intègre à la fois les exercices corporels et les paroles manifestant la présence du divin. Cette présence serait mentionné tantôt comme intérieure à soi, tantôt comme extérieur. Les religions telles le christianisme et l’islam connaissent déjà des postures particulières pour la prière par exemple. Ces postures sont des postures de soumission à Dieu. Le priant pour s’attirer les faveurs de Dieu s’incline, se met à genoux, s’accroupit comme si Dieu ne pouvait regarder à lui que lorsqu’il est dans une position de faiblesse et de servitude. Dans la méditation de pleine conscience rien de toutes ces pratiques. Tout au contraire, la concentration sur les différentes parties du corps facilite l’harmonie de celui-ci ainsi que l’occupation de l’espace.  Des textes actuels pourraient  bien sûrs être repris. Faire participer le corps ne peut que leur donner du relief.  Le plus difficile sera d’accepter et faire comprendre qu’il est utile de  mettre le corps à contribution.  L’installation de chaises ou de bancs n’étant pas très pratique, les exercices devront être adaptés. Toujours dans le cadre de la vie spirituelle il est possible d’organiser ces moments de méditation comme on le fait pour une réunion de prière. Ce sera un temps où l’on se rend attentif à la présence de Dieu par le silence, le travail du corps et la parole. Il ne sera pas question d’adoration, de louange ou d’intercession mais d’un abandon de son ego pour se laisser transformer et préparer à l’accueil de l’autre qui devient ainsi mon prochain.

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3 novembre 2019 7 03 /11 /novembre /2019 22:01

 

                  Aujourd’hui la formation a le vent en poupe. Elle se voit attribuer la responsabilité du changement et plus encore l’amélioration de tout ce qui ne marche plus. La nécessité d’une formation n’est pas une découverte récente. Depuis la nuit des temps, la formation  est à l’origine du progrès dans tous les domaines de la vie. Les métiers qui très longtemps se sont exercés sans aucune formation mais uniquement à partir de la bonne volonté ne le peuvent plus aujourd’hui, technique oblige.  Beaucoup ne peuvent plus l’être sans les diplômes afférents. Il s’agit des métiers de la santé, médecin, pharmacien, infirmier, aide-soignant ; des métiers à haute technicité : mécaniciens, plombiers, électriciens, informaticiens,  profession de l’artisanat. Tous  demandent une adaptation et une  formation permanente de par les nouvelles techniques s’imposant à un rythme rapproché. Étrangement des métiers sont considérés comme n’ayant pas besoin de formation comme les auxiliaires de vie, les femmes de ménage, les ouvriers d’entretien, les manœuvres ou pire encore les restaurateurs et les barmans. N’importe qui aujourd’hui peut ouvrir un restaurant ou un bar pourvu qu’il respecte les règles d’hygiène et de sécurité plus ou moins bien appliquées selon les inspecteurs. Certaines de ces formations existent sans être obligatoires, d’autres n’existent pas. A la suite de la convivialité des gilets jaunes sur les ronds-points,  l’état propose d’ouvrir des bars et des cafés dans tous les villages. Or tenir un bar ou un snack demande des compétences de gestion, d’approvisionnement, mais aussi un savoir-faire  dans les relations avec les clients. Aucune formation n’est  prévue. Il en va de même pour les auxiliaires de vie ou les hommes à tout faire chargés des extérieurs de la propriété.  

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            Dans l’église il est aussi question de formation. Comme dans l’économie beaucoup de cadres manquent de formation à commencer par les pasteurs. Il y a bien sûr certains pasteurs évangéliques qui  parce qu’ils sont montés sur un tabouret et après avoir crié trois fois alléluia et rassemblé trois personnes sont reconnus comme pasteurs. Il y a aussi des pasteurs au bagage universitaire important mais dont le contenu de la formation ne correspond pas au besoin de la société actuelle. Dans les années soixante/soixante-dix lorsque sont apparus les premiers signes de désertion de l’église, on a pensé recourir à la formation sans s’interroger sur son contenu. Il a été demandé aux pasteurs de considérer le culte comme un lieu de formation. Or cinquante ans plus tard on constate que la situation ne s’est pas améliorée. Tout au contraire la désertion s’est accélérée. Il est facile aujourd’hui de mettre en cause la formation avec l’espoir qu’une amélioration de celle-ci remédiera à la situation. On oublie encore une fois l’essentiel à savoir qu’une formation n’est efficace que si elle est en adéquation avec l’environnement. Si ce qu’elle propose ne correspond pas à l’attente des personnes susceptibles d’être touchées la formation est inefficace. Dans les premiers siècle de notre ère, le contenu de la religion chrétienne était en adéquation avec les attentes de l’époque.  Cette adéquation n’était pas facile mais il y a eu des débats importants sur l’identité du Christ et de Dieu, sur ce que sont  la  prière et l’organisation de l’église,  qui ont conduit  à une extension du christianisme sans que l’on s’interroge sur la formation et sur la manière dont on faisait passer le message. Le contenu de celui-ci se suffisait à lui-même. Il était formateur. Aujourd’hui, ce contenu ne percute plus les esprits et l’intelligence. Il  est à revoir et à repenser dans sa totalité.  La formation s’avère inutile si ce qu’elle propose, et plus particulièrement  les fondamentaux du christianisme, ne s’articule pas avec les aspirations de la société actuelle. Or, nous constatons  avec regret que ceux-ci ne sont jamais remis en cause. Ils sont reçus comme intangibles à l’image de l’accueil que les pharisiens faisaient aux paroles et aux actes de Jésus.  

           Dans ces mêmes années soixante /soixante-dix des entreprises avaient constaté  que les jeunes, sortant des centres d’apprentissage  n’avaient pas la formation adéquate à leur type d’activité. Elles  ont décidé  de dispenser elles-mêmes cette formation parce qu’elles avaient compris qu’elles seules en connaissaient le contenu.  Celui des écoles n’était plus pertinent au point qu’un an de plus dans ces écoles ne changeait rien. Elles ont introduit  dans la formation le contenu utile dont elles avaient besoin pour faire marcher leur entreprise. Cela a été un succès. Il ne suffisait pas d’améliorer la formation, il fallait en changer le contenu.   Le gouvernement actuel a lancé un programme de formation pour les sans-emploi afin qu’ils puissent retrouver du travail. Toute la question est de savoir ce qu’il va  mettre dans ces formations.  Pour ce qui est de l’église, le travail sera long et difficile. La remise en cause du contenu n’a pas encore commencé.  Il serait plus efficace de s’interroger sur ce contenu avant même de se demander comment le transmettre.   

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Qui suis-je ?

     Titulaire d'une maitrise de théologie et d'un DESS de psychopathologie clinique, j'ai été amené à exercer plusieurs fonctions  et plus particulièrement la mise en place d'un centre socio- culturo- spirituel protestant puis la direction pendant 12 ans d'un centre de cure pour malades alcoliques. J'y ai découvert l'importance d'apprendre à écouter l'humain dans toutes les dimensions qui le constituent. Aujourd'hui, inscrit au rôle des pasteurs de l' Eglise Réformée de France, j'essaie de mettre des mots sur mes expériences et de conceptualiser mes découvertes.
serge soulie

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