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13 janvier 2012 5 13 /01 /janvier /2012 16:46

 

Dans un article paru dans « Ensemble » le journal des Eglises Réformées de la région du Sud Ouest, le Pasteur Stéphane Lavignotte nous présente la « théorie du genre » qui a mobilisé une partie des catholiques et de l’extrême droite de l’UMP quand il s’est agi de la présenter dans les manuels scolaires. La pertinence et la clarté de cet article m’amènent à le publier sur ce blog.

 

         Apparu dans les années 60 aux Etats-Unis, le terme de « genre » désigne la part sociale de notre identité sexuelle. La biologie nous définit comme être sexué mais n’explique pas tout : l’éducation, l’interaction sociale, les représentations collectives, nos histoires personnelles, nos volontés de nous soumettre ou pas à tout cela, entrent fortement en jeu dans nos façons d’être homme, femme, homosexuel, hétérosexuel…les manuels incriminés ne disent pas autre chose.

         La théorie du genre dit-elle pour autant que le biologique n’aurait plus aucune influence ? Qu’il n’y aurait pas « au fond » d’hommes et de femmes, que ces différences n’auraient d’origines que sociales ? Si certains courants radicaux intellectuels ou militants qui s’en réclament vont jusque-là, ce n’est pas le cas de la plupart des scientifiques qui utilisent ce concept.

         Mais ce que pointe la théorie du genre, c’est que, loin d’être des essences éternelles et immuables, les identités sexuelles ont une histoire et qu’au bout du compte, c’est peut-être la volonté de tout rentrer dans des cases, « social » ou « biologique », qui est critiquable. L’évolution des espèces n’est-elle pas l’exemple d’un processus biologique fortement empreint de social : les adaptations nécessaires d’une espèce en fonction de l’environnement, des autres espèces, des changements extérieurs…Est-ce un hasard si ce sont en partie les mêmes qui remettent en cause la théologie de l’évolution et refusent la théorie du genre ?

 

         Depuis plusieurs années, l’Eglise catholique Romaine est en première ligne dans la critique de la théorie du genre. En 2005, le Conseil pontifical pour la famille y consacrait 35 pages de son « lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques » ; l’année suivante, les évêques français lui emboitaient le pas dans un numéro spécial de « Documents épiscopats ». La hiérarchie romaine s’inquiète que cette vision, en remettant en cause le caractère « naturel » des différences hommes-femmes, mette fin à l’illégitimité des relations entre personnes de même sexe et fragilise le modèle familial catholique qui insiste sur une « complémentarité » entre les sexes…signifiant souvent l’inégalité. Plus fondamentalement, serait remis en cause ce que les catholiques appellent la théologie naturelle, à la suite de Thomas d’Aquin : un ordre naturel, obligatoire et immuable du monde, ordre voulu par Dieu auquel le social devrait se plier.

 

         Comme protestants, nous ne pouvons voir cette approche romaine que comme une bizarrerie. N’est-ce pas glisser vers le paganisme que de confondre le tout Autre avec un certain état de l’espèce humaine à un moment donné de son évolution et d’attribuer autant d’importance au biologique par rapport au spirituel ou aux relations humaines ? Comme l’écrivait Paul, en Christ « il n’y a plus ni juif, ni grec, ni esclave, ni libre, ni homme ni femme… » !

         Enseigner au lycéen la théorie du genre, c’est leur fournir un enseignement qui les met au courant des dernières évolutions des sciences sociales, à un âge où l’on a suffisamment d’esprit critique pour se faire une opinion. C’est peut-être aussi leur permettre de relativiser le fort conformisme qui règne à cet âge là sur ce qu’est « être un homme » ou « être une femme » et pouvoir engager le dialogue avec des adultes sur le sujet. Et ce n’est pas du luxe : la difficulté à assumer son homosexualité est aujourd’hui, par exemple, la première cause de suicide chez les adolescents.

 

NB : Stéphane Lavignotte a publié « au-delà du lesbien et du mâle » chez Van Dieren éditeur.

 

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Qui suis-je ?

     Titulaire d'une maitrise de théologie et d'un DESS de psychopathologie clinique, j'ai été amené à exercer plusieurs fonctions  et plus particulièrement la mise en place d'un centre socio- culturo- spirituel protestant puis la direction pendant 12 ans d'un centre de cure pour malades alcoliques. J'y ai découvert l'importance d'apprendre à écouter l'humain dans toutes les dimensions qui le constituent. Aujourd'hui, inscrit au rôle des pasteurs de l' Eglise Réformée de France, j'essaie de mettre des mots sur mes expériences et de conceptualiser mes découvertes.
serge soulie

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