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20 mars 2011 7 20 /03 /mars /2011 17:36

 

            Il y a des textes tirés de la bible ou de la littérature en général qui ne demandent aucune explication pour toucher et les cœurs et les esprits. Dès la première lecture, ils atteignent l'âme pour utiliser un mot qui n'a guère plus cours mais qui est toujours bien compris. Nul besoin  de chercher à comprendre. Ils parlent d'eu mêmes. Vouloir les analyser et les expliquer peut  paraître déplacé.  Je me souviens d'un examen dans le cadre de la préparation de la licence en psychologie, où le professeur nous avait donné un texte du Cantique des Cantiques et nous devions démontrer que ce texte pouvait avoir un effet bénéfique sur la  relation amoureuse. C'était pour ce professeur un texte thérapeutique. Quelques étudiants s'insurgèrent alors refusant de commenter ce poème , ils y voyaient là un acte sacrilège, la poésie ne se commentant pas selon eux.

 

            Il est vrai qu'une œuvre d'art peut vous saisir ou, inversement, vous laisser indifférent et il est vrai aussi qu'un  texte peut fonctionner comme  une œuvre d'art.   L'art est un domaine sensible parce qu'il nous met en relation d'une part avec ce qu'il y a de plus profond en nous et d'autre part avec un ailleurs, un au delà, habituellement inconcevable et  inatteignable. L'art a une double dimension, celle de l'horizontalité qui nous lie aux humains et celle de la verticalité qui nous lie à ce qui, nous dépasse, nous transcende, en un mot :au divin.   Pour Hegel, philosophe protestant et Luthérien,  les grandes étapes de l'histoire de l'art, disent le progrès dans la manière dont les hommes se représentent leurs croyances, leurs valeurs, leur dieux. C'est ainsi que les hommes se  sont d'abord  figuré  Dieu sous les traits rieurs et enfantin d'un éléphant (c'est le dieu Ganesh)en Inde, puis en Grèce sous les traits équilibré de l'homme parfait qu'est Apollon (les statues de l'art classique) et enfin à partir du christianisme, Dieu est compris comme pur esprit, il n'est ni animal ni homme et il ne peut donc être représenté. Il se laisse entrevoir dans le regard, la position d'un personnage d'un tableau ou d'une sculpture par exemple. Toujours selon ce philosophe, l'art apparaît à la fin de l'histoire.  Alors qu'en est-il de ce texte biblique écrit au 1er siècle, au soir de l'époque classique (époque gréco-romaine) et à la veille de l'avènement du christianisme? Serait-il une sorte de charnière où les croyances aux dieux grecs vont basculer vers la croyance à un dieu esprit, unique, déjà  adorer chez les juifs, et réactualisé par Jésus? Ceci expliquerait que ce texte nous touche profondément, tel une œuvre d'art sans qu'il n'ait besoin de commentaires explicatifs. Il manifeste le passage d'un temps à un autre.

            Nous pourrions poser la question autrement: Ce texte - et plus particulièrement Jésus- nous fait-il passer d'une culture qui n'est autre que la culture de nos facultés naturelles comme le voulait les philosophes grecs - et comme le vivent les pharisiens prisonniers des lois faites par les hommes- ou à une culture qui est arrachement, rupture avec la culture naturelle, avec la réalité telle que nous la percevons?. Sommes nous invités à prolonger notre nature ou au contraire à la combattre ? Dans ce cas ce texte est libérateur puisqu'il nous arrache à une situation donnée et a un passé qui jusqu'ici ne faisait que se prolonger et se répéter. Pas étonnant alors qu'il nous fasse du bien simplement en le lisant.

 

            Essayons tout de même de pousser un peu plus loin  l'analyse et voir si à travers elle, nous retrouvons nos impressions immédiates.

            Ce  récit peut se diviser en deux tableaux:

            - D'une part, tout ce qui relève de la réalité telle que nous pourrions l'observer tous les jours:  un homme nommé Jésus, prend avec lui trois de ses disciples Pierre, Jacques et Jean et les emmène avec lui sur une haute montagne. Puis, étant donné ce qu'il a vu Pierre veut dresser trois tentes. C'était une coutume pour célébrer la fête des tabernacles. Enfin les disciples sont saisis d'une grande crainte étant donné ce qu'ils pensent voir,  ils tombent face contre terre.

            - D'autre part, il y a tout ce qui parait irréel, non conforme à ce qui peut advenir naturellement: Jésus est transfiguré, son visage resplendit comme les soleil, ses vêtement deviennent blanc comme la lumière ; Moise et Elie, morts depuis plusieurs siècles s'entretenant avec Jésus apparaissent aux disciples.

 

            Nous avons l'habitude, et les commentaires que l'on peut consulter sur internet le montrent, de diviser le monde entre ce qui est naturel, connu et expliqué par la science, que tout le monde peut observer ou comprendre, et ce qui est surnaturel comme les miracles (les guérisons miraculeuses) et les apparitions ( celles de la vierge Marie sont les plus courantes). Seuls quelques uns ont accès aux événements surnaturel. Ils ne relèvent pas d'une observation universelle.

            Si l'on s'en tient à cette vision des choses, soit on ne croit pas au surnaturel et ce texte peut être classé parmi les légendes et les textes du merveilleux, soit on y croit mais on a du mal à voir ce que cela peut nous apporter aujourd'hui. On se dit que les disciples ont bien eu de la chance mais que cela ne nous est pas encore arrivé. C'est comme les numéros gagnant du loto: on espère toujours, on ne sait jamais. Mais en attendant le gros lot, il ne se passe pas grand chose, il n'y a pas de changement dans la vie. Elle est toujours la même.

           

            Je propose ce nous pourrions appeler une troisième voie, en tout cas une autre manière d'appréhender ce qui se passe ici avec Jésus et ses trois disciples. Cette approche me semble par ailleurs s'enraciner pleinement dans l'esprit de la réforme. En effet, celle-ci a toujours été très prudente vis à vis du surnaturel qui pour elle relève plus du religieux que de la foi. Il y a même des courants théologiques qui rejettent catégoriquement le surnaturel, il est pour eux un obstacle à la foi. Cette troisième voie me paraît assez simple: les disciples vivent ici avant l'heure (puisque Jésus n'a pas encore était crucifié) l'expérience d'une vie avec le Ressuscité. Autrement dit ils expérimentent ce que nous pouvons vivre aujourd'hui avec Jésus-Christ ressuscité à savoir la présence même de Dieu à leur coté. Cette présence nous fait voir et ressentir le monde, tout autrement que ce que nous avons l'habitude de percevoir. La réalité du monde est transfigurée. Non seulement le monde présent avec ses bonheurs (Pierre veut s'installer sur la montagne) et  avec ses drames (les disciples sont saisis de crainte) mais aussi le monde passé (Moise et Elie apparaissent ici dans leur fonction, l'un comme porteur de la loi, l'autre comme précurseur du Messie rétablissant l'alliance par la douceur et la consolation). Quant au monde à venir il n'est pas seulement une espérance hypothétique, il commence ici et maintenant parce que les humains ont la possibilité de le construire dans la présence du Christ ressuscité. Rien à voir avec le numéro éventuellement gagnant du loto, rien à voir avec une attente et une espérance qui n'en finissent pas, fige la vie et l'enferme sans que rien de nouveau ne se passe.  Cette présence du Christ ressuscité apparaît ici sous la forme d'un visage transfiguré, resplendissant comme le soleil, avec des habits blancs comme la lumière. Nous avons ici la description des humains tels qu'ils doivent nous apparaître toutes les fois que la nuée lumineuse les recouvre eux aussi; Ces visages les voyons-nous? Cette vision est pourtant la condition pour que le monde puisse vivre en paix et réconcilié.

            En conclusion , je retiendrai deux idées majeures à la suite de la lecture de ce texte;

                        Tout d'abord, lorsque un récit nous touche, recevons le tel quel. Ne cherchons pas toujours à comprendre et à expliquer. Trop souvent je me suis entendu dire: vous pasteur vous savez, pas moi. La foi n'est pas seulement de l'ordre du savoir même s'il ne doit pas être négligé. La foi nous pousse à chercher. La foi est aussi l' accueil  fait à la parole . La foi c'est  laisser tomber toutes les résistances pour se laisser toucher par ce qui m' est étranger, va peut-être bouleverser mes croyances, ma civilisation personnelle avant de toucher la civilisation en général. Nous l'avons vu c'est ce qui s'est passé avec Jésus. Des vies sont bouleversées, les croyances changées et les valeurs réaménagées. Une ère s'est terminée, une autre a commencé.

                        Enfin, ne nous laissons pas emporter par le côté surnaturel du récit. Le passé ne l'a pas été plus que le présent et le futur ne le sera pas davantage. Les textes de la bible n'ont pas été écrit pour nous rapporter des événements ou la raison n'aurait pas sa place, où elle serait supplantée par le merveilleux. Les Evangéliste comme souvent les auteurs de manière générale, écrivent des textes comme les impressionnistes faisaient des peintures. Ils utilisaient des couleurs surréalistes qui n'avaient rien à voir avec la réalité , traçaient des lignes qui n'en étaient pas parce qu'ils voulaient communiquer des impressions, des vérités au delà de la vérité. Avec ce récit de la transfiguration, les Evangélistes nous communiquent une impression, une vérité au delà de la vérité bien plus puissante qu'un simple fait rapporté  par le meilleur des reporters. La preuve , ce récit -et d'autres- a traversé l'histoire, bientôt 2000 ans et il nous émerveille toujours.  Le merveilleux, c'est de marcher avec Jésus -christ ressuscité. C'est alors que nous recevons tous ses bienfaits; c'est alors que nous voyons les visages transfigurés, notre monde se transformer et poindre le royaume de Dieu dès ici-bas ;

                                                     Rochemaure le 15 mars 2011

                                                                     Serge SOULIE

 

Siracide 45/ 1-5 et 48/ 4-10     Mat. 17/1-9  .   

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Qui suis-je ?

     Titulaire d'une maitrise de théologie et d'un DESS de psychopathologie clinique, j'ai été amené à exercer plusieurs fonctions  et plus particulièrement la mise en place d'un centre socio- culturo- spirituel protestant puis la direction pendant 12 ans d'un centre de cure pour malades alcoliques. J'y ai découvert l'importance d'apprendre à écouter l'humain dans toutes les dimensions qui le constituent. Aujourd'hui, inscrit au rôle des pasteurs de l' Eglise Réformée de France, j'essaie de mettre des mots sur mes expériences et de conceptualiser mes découvertes.
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