Le débat sur le port de la burqa bat son plein. Dans les journaux, partisans et opposants d’une loi visant à l’interdire s’affrontent. On voudrait que cette affaire soit spécifiquement liée à l’islam. Les arguments développés par les uns et par les autres sont pour la plupart circonstanciels. Ils ne vont pas au fond du problème qui pose la question de « comment défendre la liberté de la femme en lui interdisant de se voiler » ? Nous sommes en plein paradoxe.
Cacher la femme est une question inhérente à d’autres religions, à d’autres cultures, à d’autres civilisations.
Les spécialistes du Coran sont le plus souvent d’accord pour dire que le port du voile, et encore moins de la burqa ou du niquab, ne sont mentionnés comme une obligation. Pour eux, nous sommes là en présence de traditions et de coutumes variant d’ailleurs d’un pays à l’autre.
De nombreuses musulmanes ne souhaitent pas porter de voile, et plus particulièrement la burqa. Il suffit d’écouter par exemple la présidente de l’association « ni putes ni soumises » ainsi que la ministre : Fadela Amara.
Enfin, quand bien même Mahomet aurait préconisé le voile, il n’aurait pas été le premier. Il suffit de regarder dans la Bible une épitre (une lettre) de celui que la tradition chrétienne appelle Saint Paul - principal auteur du nouveau testament hors des Evangiles- envoyée aux premiers chrétiens de Corinthe 550 ans avant les premières révélations du Prophète. Après avoir affirmé que Dieu est le chef du Christ, Christ le chef de l’homme, et l’homme le chef de la femme (il ne nous dit pas de qui la femme est le chef !) propose que la femme se voile puisqu’il est honteux pour elle d’avoir la tête rasée ou les cheveux coupés. Le voile est selon lui la marque de l’autorité dont elle dépend à savoir l’homme et il n’est pas convenable que la femme prie Dieu sans être voilée.
On retrouve dans ce texte clairement affirmé que le voile est le signe pour la femme, de son appartenance et de sa soumission à l’homme. Il écrira dans une autre lettre : « femmes, soyez soumises à vos maris ». Les signes d’appartenance et de soumission sont bien les griefs faits le plus souvent au port du voile.
Certes Saint Paul s’intéresse d’abord à la tenue de la femme dans les assemblées religieuses, rien n’est dit sur les lieux publics. Mais il semble qu’à cette époque la femme était perçue comme devant être soumise et appartenant à son mari. Son statut était proche de celui des esclaves. C’est ainsi que 5 siècles plus tard, la position du prophète Mahomet paraît bien plus avancée pour ne pas dire révolutionnaire.
En conséquence, il faut être prudent lorsqu’on parle du voile. Il n’est pas une injonction du Coran, mais une pratique des époques qui nous précèdent.
Je me souviens d’ailleurs que ma grand-mère, dans les années 50, se couvrait la tête et mettait un voile transparent sur son visage toutes les fois où elle se rendait au temple, reprochant à ma mère (sa bru) de ne pas en faire autant. La question prioritaire est de savoir ce que la religion garde des traditions et des textes des livres dits « sacrés » comme la Bible ou le Coran.
Peut-on s’autoriser d’autres interprétations qui permettraient à chacun de pratiquer sa religion tout en abandonnant ces traditions. Il ne suffit pas d’interdire la burqa pour défendre les droits des femmes, ce serait pour elles leur retirer des droits religieux. Il me paraît plus important de s’intéresser aux raisons pour lesquelles les femmes la portent. J’ai pu remarquer que des écrivains musulmans posaient la question des coutumes ancestrales dans leur religion ainsi que celle de l’interprétation des textes du Coran, comme s’est posée et se pose encore l’interprétation des textes de la Bible. Je vois dans ces interrogations plus d’avenir que dans de simples interdits toujours près à être exploités par les plus radicaux !
La problématique soulevée par le voile n’est pas à chercher seulement dans l’islam mais dans les profondeurs de l’histoire.
Que l’on me comprenne bien, je ne défends pas la burqa. Je dis seulement que ce qu’on lui reproche, à savoir la soumission et la dépendance, est aussi justifié dans la Bible. Il a fallu des siècles pour s’en émanciper ; et le combat n’est pas terminé, loin s’en faut. Il suffit de regarder aux dogmes du catholicisme et aux pratiques de certaines églises protestantes en particulier aux USA. Voile, burqa, niquab, ne peuvent être attribués seulement à la pratique religieuse. Il ne suffit pas de les interdire mais de s’interroger sur ce qui permettra à toutes celles qui souhaitent pratiquer leur religion, d’évoluer vers des formes de vie qui n’enferment pas la femme dans la dépendance et la soumission à l’égard de l’homme. Les femmes ont droit à la liberté, condition première de l’amour. Les religions peuvent en être convaincues puisqu’elles se veulent en être les messagères.
Si une loi interdit le port de la burqa, ce n’est pas seulement parce qu’elle représente la dépendance et la soumission de la femme, c’est aussi parce que dans l’organisation de notre société laïque, il y a des pratiques publiques impossibles y compris lorsqu’elles sont fondées religieusement. Le religieux reste sous le contrôle de l’Etat pour ce qui est de sa manifestation publique. Ceci dit nous nous devons de mieux y réfléchir afin de respecter la même laïcité pour tous. On ne peut pas d’un côté interdire l’appel à la prière du haut d’un minaret et sonner les cloches pour aller à la messe ou au culte. On ne peut pas avoir comme jours fériés des fêtes chrétiennes et aucun jour pour les autres religions. On doit cesser de poser des crucifix et des vierges aux coins des rues et sur les collines si on impose aux autres la plus grande discrétion sur les signes religieux. Une civilisation prometteuse ne se fait pas en excluant les pratiques des autres mais en harmonisant les apports de chacun. Un juste équilibre est à trouver. C’est le rôle de l’Etat.
Serge SOULIE