Réforme des retraites
Le guerrier n’aime pas battre en retraite. Pour lui c’est le signe d’un échec retentissant qu’il s’est efforcé de repousser tout au long des combats. Les français ne semblent pas éprouver le même sentiment. Selon un sondage ils seraient 67 % à vouloir prendre la retraite le plus tôt possible. Ils refusent un allongement du temps de travail. Spécialistes et économistes ne sont pas étonnés par cette résistance à un allongement du temps de travail. Selon eux, quelle que soit la couleur politique du gouvernement cette opposition était inéluctable et peu importe le contenu de la réforme. Tout débat sur ce sujet est illégitime.
Du point de vue syndical on pouvait espérer que la CFDT oserait un dialogue constructif comme elle en a l’habitude. Il n’en est rien. Le non semble définitif. Pour ne pas perdre des adhérents et la première place dans le mouvement syndical, elle se range du côté de la CGT, de FO et de la FSU. Il est étrange qu’elle ne comprenne pas qu’elle participe au discrédit du syndicalisme. Celui-ci ne représente plus que 10,3% des salariés y compris dans les bastions ou les trois quart des salariés étaient syndiqués. La CFDT s’aligne pour garder son avantage sur les résultats des sondages qui sont toujours à nuancer. Pire encore elle s’oppose sans nuances et sans réflexion à une décision porteuse d’avenir et de justice. Lorsque le gouvernement de François Mitterrand a décidé de supprimer la peine de mort 70 % des Français s’y opposaient. Il a fallu le courage du Ministre de la justice Robert Badinter et de son gouvernement pour que cette loi passe. Il en a été de même pour les lois sur l’avortement portées par Simone Weil sous la présidence de Giscard d’Estaing. Où en est aujourd’hui le courage des syndicats en général et de la CFDT en particulier?
Si j’avais un message à faire passer aux syndicats je leur dirais en tout premier lieu : cessez le clientélisme. Osez constater que cela ne marche pas. Les salariés veulent s’en remettre à la raison. Sachez les conduire sur ce chemin en privilégiant les informations nécessaires plutôt qu’une propagande de récupération. Exigez de l’entreprise ces informations afin que chacun salarié se sente solidaire de l’entreprise. En second lieu, abandonnez l’idéologie. Préférez regarder la réalité des situations. Pendant douze ans j’ai dirigé une entreprise, la CGT étant le syndicat de la maison. J’ai compris ce qu’était agir par idéologie et non par nécessité. Le syndicat ne s’intéressait pas aux salariés mais à l’application de son idéologie. Je me souviens de cette salariée qui avait envoyé une lettre de démission sur un coup de tête qui n’avait rien à voir avec son travail mais sa vie personnelle. Trois jours avant la fin du préavis elle revient sur sa décision et demande à rester. Elle avait fait une erreur. Vu sa situation j’ai accédé à sa demande. Le syndicat n’a pas apprécié. Je n’en dirai pas davantage. Autre situation. Un salarié demande à prendre exceptionnellement ses «congés payés » pour des raisons familiales par tranche de dix jours. Après examen des agendas j’accepte. Même colère du syndicat. Et bien d’autres situations similaires. Chaque fois le syndicat ne tient pas compte de la personne. Il se réfugie derrière ses dogmes y compris lorsque la décision est défavorable aux salariés. Pour être complet, et pour modérer mon propos, j’ajouterai que tout dépend de la personnalité du délégué syndical. Si certains n’ont d’autres objectifs que de saborder la direction, de profiter de privilèges, et se faisant, de gonfler leur pouvoir, d’autres savent se montrer à l’écoute de chaque salarié et faire la part des choses. Les syndicats devraient repenser la méthode pour choisir le délégué.
Que l’on se comprenne bien. Je n’ai pas les compétences nécessaires pour me prononcer au sujet des retraites. Je dirai simplement que la retraite par point me paraissait une démarche équitable. Je ne comprends pas pourquoi elle a été abandonnée. Il n’y a pas eu d’explications. Par ailleurs, passer d’un coup de soixante-deux ans à soixante-cinq ans ne me parait pas plus heureux que de soixante-cinq à soixante comme cela a été le cas sous le gouvernement du président Mitterrand. La question des retraites devrait faire l’objet de discussions sérieuses. L’âge du départ à la retraite ne peut être un dictat de part et d’autre.
Je pense aussi que les syndicats sont indispensables. Pour plus d’efficacité, leur rôle doit être redéfini afin de défendre à la fois les salariés, le fonctionnement et la pérennité de l’entreprise. Leur participation à la gestion de l’entreprise parait être une évidence. Ce serait aussi une manière de résister à la cupidité qui guette tout humain, patron comme délégué syndical. On ne peut pas reprocher la cupidité à un chef d’entreprise si rien n’est mis en place pour lui éviter de tomber dans ce travers. Il est illusoire de croire à la bonne moralité de chacun. L’argent et le pouvoir sont une tentation à laquelle personne n’échappe malgré les injonctions morales. Les effets néfastes du capitalisme ne pourront pas être corrigés en se fiant seulement à la bonne volonté des uns et des autres. C’est une illusion héritée du christianisme. Elle a fait son temps.Toute entreprise doit être gérée dans l’intérêt de tous, employés, dirigeants et investisseurs ne peuvent qu’être associés à cette gestion.